Pas qu'une simple question d'orientation.
Il est parfois des questions qui paraissent anodines puis vous tourmentent et ne vous lâchent plus. À bien y regarder, celle-ci pose d'étranges problèmes et finit par interloquer celui qui cherche la petite bête à tout bout de champ.

Il y aurait-il une orientation particulière qui prévaut à cette habitude d'échanger, de débattre, de chercher à convaincre par quelques mots envoyés au hasard d'une vague mondiale ?
Il faut d'abord se garder de juger cette question à l'aulne de sa propre pratique car il est vrai que les réseaux sociaux, les sites ou les forums fonctionnent sur le principe de la connivence, de l'adhésion implicite à une même conception du débat. Pour l'essentiel, chacun évolue dans un environnement idéologiquement homogène ce qui nuit gravement il me semble au désir de convaincre dont nous nous berçons tous.
Il existe bien des exceptions notables avec les quelques trolls qui viennent polluer le débat d'une communauté acquise à la même sensibilité. Mais ceux-là agissent en franc-tireur, viennent poser quelques mines et s'ensauvent bien vite. Pas de dialogue avec eux, des coups-bas, des invectives et puis plus rien. Ils ne sont ni de droite ni de gauche, ils sont la face brune de toute idéologie, le revers de la pensée, la négation en creux des opinions communes. Ils n'existent d'ailleurs que pour semer la zizanie et sont dénués de toute pensée cohérente.
Il faut alors s'interroger sur ce qui conduit à écrire, à confier à la toile une opinion plus ou moins argumentée, plus ou moins écrite, beaucoup moins lue hélas . L'envie de se faire entendre est inversement proportionnelle à la capacité de cette idée de passer dans les médias classiques. À ce titre, on peut affirmer sans crainte d'être démenti par la réalité que la droite dispose du monopole de la diffusion officielle des idées par les journaux et l'audio-visuel.
Cette constatation entraîne une volonté inverse de créer un contre-pouvoir et le Web se pense majoritairement à gauche dans notre pays. Ailleurs, il se vit surtout contre ce qui est en place, ce qui au demeurant, est assez semblable. La réalité des rapports de force justifie ce sentiment qui ne se fonde sur aucune considération avérée et je devine qu'elle peut être réfutée facilement.
Par contre, je suis persuadé que le passage à l'écrit est consubstantiel à une philosophie de gauche, de rébellion, d'opposition au pouvoir en place. L'homo-droitus ne perd pas son temps dans les élucubrations langagières (selon lui). C'est un individu qui ne se reconnaît que dans l'action concrète ou rémunératrice. L'acte gratuit lui fait horreur. Il ne se lance que rarement dans la pure réflexion. Il lui faut se parer de l'armure du pragmatisme, cette façade qui cache souvent son absence de culture et d'empathie.
L'écrit est de gauche, pas de la gauche molle qui se présente à nos voix et qui constitue simplement une variation plus douce de la pensée de l'autre camp, mais il est issu du courant qui met en avant le désir, la générosité, l'écoute, l'inventivité, le partage, l'émotion, le respect des plus faibles. Écrire c'est s'indigner, lutter contre les injustices, défendre la veuve et l'orphelin, combattre la force brutale et inique de l'argent. Le web est ainsi le nouveau refuge des chevaliers à la triste mine mais au clavier flamboyant.
C'est du moins ma conviction profonde, celle qui me pousse chaque jour à transformer les scandales silencieux en billets offusqués, mes indignations en messages courts et acides, mes colères en commentaires vengeurs, mes sensations en contributions revanchardes. Mon web est de gauche, qu'importe s'il n'en est pas ainsi pour les autres, c'est ma raison de continuer !
Illusoirement mien.