De fil en talons aiguilles.
Les icônes finissent toujours par ternir. C'est la dure loi des projecteurs, du soleil et des feux de la rampe. Ils altèrent les couleurs, laissent passer les moments de gloire pour finir par vous délaver une réputation, vous repousser dans l'ombre, pour vous oublier dans un coin obscur de nos mémoires.
C'est ainsi, en politique, dans le monde du spectacle ou du sport. Plus l'étoile monte haut au firmament des illusions, plus elle risque de tomber en vrille sans fracas ni étincelle. Les idoles d'hier deviennent des oubliés du jour pour laisser la place à un nouveau contingent de météorites qui les unes après les autres ont un temps de vie toujours plus court.
A trente quatre ans, le rugbyman le plus exposé aux médias, à la notoriété et aux agences de publicité a pris un virage qui peut le conduire vers la fin de parcours. A la veille d'un France – Italie qui se déroulera sans lui, il est mis à pied par son club pour un gros différent avec son entraîneur Pierre Berbizier. Curieusement, c'est lors de cette même opposition qu'il fit ses adieux à la sélection nationale et par la même à la coupe du monde qui se passa sans lui.
Il est inutile de revenir sur les griefs techniques qui justifièrent son éviction. Chabal est un cas à part, sa puissance d'un côté, ses insuffisances techniques de l'autre, il fallait faire avec, établir un juste compromis ou s'en passer. Marc Liévremenont avait fait , selon moi, le choix de la tranquillité en mettant à l'écart un caractère fort. Je crois hélas que c'est ce qui manqua en Nouvelle Zélande à notre sélection nationale pour aller au bout de ses rêves en prenant vraiment le pouvoir bien plus tôt dans la compétition.
C'est encore ce qui lui est reproché au Racing Club de France. Chabal aurait pris la tête de la rébellion contre un entraîneur compétent mais considéré comme autoritaire et psychorigide. La bataille des égos n'aura pas lieu, le ciel (et blanc) lui est tombé sur la tête de notre homme de Cro-Magnon. Le président Lorenzetti a choisi son entraîneur contre son vestiaire, le risque est grand de s'offrir une fin de saison compliquée.
Chabal va terminer la saison sur les plateaux télé, sur les clips publicitaires ou dans les émissions « people ». Je déplore cette sortie de scène qui ne correspond pas au talent du joueur. Il trouvera certainement gros contrat final en rade de Toulon. Il est du cuir qui doit plaire au président de la place.
Que conclure de cet épisode déplorable ? Que le rugby est en pleine crise de croissance et que ses incontournables valeurs sont en train de se plier aux lois du commerce et de l'argent. Les joueurs sont certes des salariés très bien payés mais de simples pions qui doivent se plier au bon vouloir du financer. Nous sommes en train de castrer nos vestiaires et l'une de nos dernières grandes gueules paie le prix fort sa liberté de parole.
Ils ont beau multiplier les séances de musculation, nos gros bras seront bientôt des petits garçons bien sages pour ne pas connaître pareille mésaventure. Ce n'est pas ainsi que je conçois un sport qui perd de plus en plus ses animelles et son caractère chevaleresque et rebelle !
Dans le même temps, les dirigeants de la Ligue reviennent à évoquer le retour à un championnat de 16 clubs (idée qui vient étrangement quand Biarritz tutoie les places de relégables, l'histoire est un perpétuel recommencement ). Décision absurde, qui au nom des seuls intérêts économiques va mettre en danger l'intégrité de joueurs devenus de gentils moutons qui n'iront jamais contredire les patrons.
Ainsi va l'émasculation du Rugby et de tant d'autres activités humaines. L'individu est broyé par la machine économique, fût-il un personnage charismatique et emblématique comme notre Sébastien national.
Grandegueulement sien.