Les cartes électorales sont biseautées

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Les pères la morale défilent, les uns derrière les autres, pour agiter le chiffon brun et nous faire peur. Le danger serait réel, nous dit-on, et chaque voix comptera pour bouter l’odieuse mégère du pouvoir. Je voudrais bien entendre ce propos-à condition qu'il ait un tant soit peu de sincérité-si, derrière ce front républicain proclamé, surgissait soudainement, de la part de nos responsables, une prise de conscience, à la fois, de leurs immenses responsabilités, de leur faillite intellectuelle, et surtout, de la formidable obsolescence de nos institutions. Mais tout cela ne sera jamais avoué par ces champions du discours creux, sans actes véritables en retour.
Oui, tous les vrais défenseurs de la démocratie doivent se regrouper derrière le gentil banquier, le phénomène médiatique, le défenseur acharné de l’Europe et le pourfendeur des droits sociaux. Il faudrait manger son chapeau, avaler des couleuvres, avant de glisser dans l’urne ce billet pour la déréglementation, la fuite en avant libérale et la domination outrancière de la bourgeoisie. Ce serait du suicide, ou je n’y comprends rien.
Mais pendant ce temps, nos beaux parleurs préparent sournoisement les conditions du véritable cataclysme, car ils doivent songer d’abord à la gamelle, à leur si chère et bonne place au parlement. Les plus vieux se retirent du jeu avec des annonces fracassantes, pourfendant, enfin, les magouilles, les calculs, les mesquineries de leurs appareils, l’insigne médiocrité de la campagne électorale, les comportements mafieux de ceux qui se rangeaient derrière les candidats sortis victorieux des primaires. Ils peuvent tirer leur révérence, ces vieux darons, avec la retraite dorée qu’ils se sont octroyée généreusement, et à nos frais.
Pour les autres, il convient de gagner les législatives afin de continuer à vivre au frais de l’Etat ; comme nos braves représentants locaux qui brillent plus par leurs absences que par la réalité de leurs actions. La bataille sera même farouche ; ils le promettent, pour laver leur honneur qu’ils ont sali en soutenant une canaille. Les prospectus sur papier glacé circulent déjà, alors que « la mère de toutes les batailles » (d’après eux) n’est pas encore gagnée.
Ainsi donc, ils veulent laisser un des leurs (même s’il est du camp d’en face ou d’un camp non encore vraiment déterminé) au palais, en menant un combat de tranchées pour sauver leurs partis et, éventuellement, remporter la mise. Vous savez très bien ce qu’il va se passer dans pareil cas : un scrutin très serré, des triangulaires et même parfois des quadrangulaires ; un bazar sans nom, des noms d’oiseaux et, au final, le risque, plus grand encore, de la victoire de la haine.
Mais cela ne nous regarde pas. Faire barrage, c’est éviter la victoire symbolique du pire ; puis, c’est leur permettre de continuer à mener leur petit négoce politicard, afin d’engranger des subventions pour maintenir appareils et dirigeants. L’argent est leur seule et unique morale ; le pouvoir est un aimant et l’intérêt de la France, leur dernier souci.
Oui, ces beaux messieurs vous mentent quand ils jurent, la main sur le cœur -sans trop savoir de quel côté se trouve vraiment ce curieux organe qu’ils ne ressortent qu’au moment des scrutins- vouloir dresser un rempart infranchissable contre l’affront National, puis, dans le même temps, préparent pelles et pioches pour saper l’édifice qu’ils nous demandent de bâtir.
Où est la cohérence ? Pourquoi le danger serait-il moindre lors des législatives, alors que tout, au contraire, prouve qu'il n’a jamais été aussi fort ? Pourquoi affirmer une posture et mener son exact contraire en sous-main ? C’est un jeu de dupes ; et il est mortifère. Les législatives risquent de provoquer un désordre sans nom, une farce indescriptible, et nos jocrisses nous donnent des leçons de morale, alors qu’ils préparent les conditions du chaos !
Nous sommes pris au piège ; prisonniers d’une constitution lamentable, d’un système pervers et mafieux, d’une caste politique corrompue et méprisante, d’une captation de la démocratie par des gangs de malfrats. Certes, le parti extrémiste n’est en rien une réponse valable, mais il constitue un formidable révélateur des mesquineries, des hypocrisies, des trahisons de ce monde misérable de la politique hexagonale. Alors, si vous voulez être crédibles, messieurs les importants, engagez-vous clairement sur vos comportements pour la suite du programme, ou bien, de grâce, laissez-nous vous tourner le dos et préparer le grand chambardement qui s’impose pour vous botter le cul.
Machiavéliquement leur.

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