Quand la vérité sort du puits elle ne craint plus le bûcher

Agrandissement : Illustration 1

Parmi les grands mystères de l'histoire de France, la fin tragique de l'héroïne préférée des élus en mal de symboles ou de discours lénifiants et des religieux en quête d’icône incontestable, est sans nul doute, celui qui a fait couler le plus d'encre tout en ne cessant jamais de jeter de l'huile sur le feu. Nombreux sont les romanciers qui se sont brûlés les doigts à vouloir réécrire la tragédie tout en cherchant une filiation hypothétique à la petite bergère.
Il est plus simple de compter ses blancs moutons que tous les ouvrages qui ont tissé des écheveaux d'hypothèses abracadabrantesques, des réseaux complexes de complots alambiqués pour justifier son apparition avant que de s'évertuer à la dérober à la sentence finale. La fiction a souvent pris le pas sur les archives, les témoignages apocryphes ou les interprétations aventureuses des minutes du procès de réhabilitation.
Sur ce sujet tout particulièrement, il est bien difficile d'être bonimenteur pour amuser la galerie quand historiens et essayistes viennent furieusement piétiner mes plates-bandes en usant d'une imagination débordante. Devant ce flot de supputation, j'ai souhaité clarifier la situation en interrogeant les acteurs de ce drame. Pour cela je n'ai pas hésité un seul instant à emprunter les chemins énigmatiques du spiritisme.
N'étant absolument pas expert en la matière, j'ai interrogé des êtres en relation avec l'au-delà. Ils sont quelques-uns parmi à nous à se faire dépositaires de bien des secrets qu'il convient de divulguer au compte-goutte afin de ne pas mettre en péril l'équilibre mental des membres d'une société qui ne croit plus en rien. C'est donc sur la pointe des pieds d'un guéridon circulaire que j'ai mené mes investigations.
Par le plus grand des hasards ou par le biais de cette extraordinaire sérendipité qui met toujours sur votre chemin les conditions de la réalisation d'un projet, j'ai croisé la route terrestre d'un chamane adepte des voyages interstellaires. Il venait de se poser dans l'enveloppe charnelle d'un artiste composite et néanmoins nomade qui avait eu une expérience de mort imminente, condition optimale pour communiquer pleinement avec l'au-delà.
Porteur d'ondes négatives par la faute d'une incrédulité coupable et d'un indécrottable scepticisme, je fus cependant prié de rester à l'écart d'une séance qui allait nous éclairer sur le plus grand des mystères de notre nation. Ce fut donc après une longue attente durant laquelle je brûlais d'un feu intérieur que j'appris les résultats de cette extraordinaire séance de communication de par-delà le temps et le royaume d'Hadès.
Je fus pleinement récompensé par cette attente qui m'avait laissé dans un état de fébrilité qui avait déclenché une série d’acouphènes étranges, ressemblant à s'y méprendre à des voix célestes. Par précaution, je veillai à ne pas prêter l'oreille à des messages qui me demandaient de libérer la nation de cette République corrompue, je ne souhaitai pas que ma santé mentale soit sujette à moqueries et suspectée de dérèglements psychiatriques.
Je laissai donc le soin à mon chamane de me faire le bilan de ses investigations spirites. C'est ainsi que je compris avec étonnement qu'un certain Victor Hugo s'était mêlé à la conversation à coups de pied de table pour faciliter la venue d'une petite Lorraine qui avoua qu'au moment suprême, alors que sa fin était proche, sa fidèle servante lui fut substituée pour subir le martyre à sa place. La messe était dite, la vérité éclatait au grand jour.
Je devine aisément que nombre d'entre vous resteront dubitatifs devant cette révélation. Je ne peux leur en jeter la pierre au risque que ce soit un silex qui mette à nouveau le feu aux poudres. Nous en resterons là et chacun campera sur ses positions durant un bain de siège qui nous remettra à tous les idées en place...
