Le combat de demain
Il est des moments, où, par un simple geste, on découvre une évidence. Ainsi en ce weekend loin de chez moi, alors que pourtant j'étais encore en France, le petit mouvement anodin consistant à ouvrir le robinet fit déborder le vase de mon indignation et le flot de mes réflexions. L'eau en ce lieu qui doit sa notoriété à un vin blanc qui se décline de plusieurs manières, l'eau disais-je, y est parfaitement infecte.
La boire n'est pas possible à moins d'aimer se faire mal. Cette simple privation est déjà douloureuse. Elle place les citoyens de cette région dans l'obligation d'effectuer la ronde des bouteilles minérales, de tomber sous le coup du racket des grandes surfaces, de remplir leurs caddies de ces packs si lourds et si encombrants.
Ils sont, comme beaucoup d'autres habitants de notre pays, confrontés à une dépense six cents fois supérieure à celle des privilégiés de l'eau courante de bonne qualité gustative. Quelle injustice ! Pourquoi cette inégalité ? Pourquoi ce goût si mauvais, qui fait passer le verre que vous tentez de boire pour un bol bu dans une piscine ?
Pire encore, les petits gestes du quotidien deviennent pénibles, source de désagrément olfactifs ou sensuels. Se laver les dents rend le rinçage ragoutant, la rupture de saveur entre le dentifrice et cette eau chlorée vous laisse un goût amer dans la bouche. C'est une contrariété qui se répète trois fois par jour. De quoi être vraiment sur les dents.
La douche elle aussi vous transporte dans des tourments intérieurs. Les effluves sont celles de la piscine municipale, l'impression de fraîcheur ou de réconfort que vous cherchiez dans ce geste purificateur vous renvoie aux sensations désagréables des rinçages collectifs en zone de bouillon de culture. Vous allez ramener votre pomme pour exprimer votre mécontentement !
Puis, réflexion faite, vous comprenez alors que cet eau qui se dérobe à vos bonheur du quotidien, ce liquide bienfaisant et vital est un trésor auquel vous vous êtes habitué, quand, de part ce monde, tant et tant de vos semblables ne peuvent en profiter pareillement. L'eau est notre bien le plus précieux et nous n'avons pas l'air de le savoir.
Pollution, gaspillage, disparité, rareté ou absence totale d'accessibilité sont des dangers qui guettent chacun de nous en fonction de notre localisation. Les premiers maux sont bien tristes quand ils sont accolés aux autres. Ils relèvent de notre propre responsabilité et montrent à quel point nous méprisons ceux qui subissent cette pénurie.
Chez nous encore, des sociétés mercantiles font de cette merveille essentielle l'enjeu de négociations secrètes, de contrats étranges, de travaux souterrains pour emporter le marché et se sucrer grassement sur ce qui est un bien commun inaliénable. Les régies privées sont des hérésies. L'eau devrait être un bien sacré pour l'humanité exclu des appétits des multinationales par une déclaration universelle du droit à l'eau !
Voilà ma petite goutte d'eau dans cet océan d'hypocrisie, de malversations, d'égoïsme et de toutes ces pratiques du quotidien qui nous renvoient à notre irrespect pour ce qui est indispensable à la vie sur cette Planète. Bientôt, des hommes n'auront plus que leur argent pour boire ou se laver. Ils découvriront bien trop tard que, pour être liquide parfois, il n'est rien face au trésor aqueux.
Réveillons-nous, la bataille des temps prochains sera celle de l'eau. Il est venu le temps de casser les égoïsmes nationaux, de penser à l'échelle du globe, de penser autrement qu'en terme de profit. L'eau viendra bientôt à nous manquer aussi, gens des nations honteusement privilégiées. Ce sont nos derniers moments de répit avant la catastrophe finale ! Eau Secours !
Aqueusement vôtre.