Des « Choir » à la pelle…
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Si le verbe choir n'est plus guère usité, il n'en demeure pas moins d'actualité puisque la justice espère faire choir celui qui se pensait prince en son royaume. Plutôt que de laisser choir ce sujet, j'entends profiter de l'aubaine pour examiner nombre des vocables qui expriment de maintes manières la chute, fut-elle d'un grand homme qui vient de prendre un terrible râteau.
Ce râteau me conduit inévitablement à la formule que nous usions enfant : « Se casser la binette ! ». Il n'était pas alors question de l'outil de jardin mais d'une figure que nous hésitions alors à nommer gueule. Il est vrai que de ce côté-là, cette dernière se passait plus facilement de la forme pronominale pour mettre en avant cette terrible menace : « Casser la gueule ! », une autre forme de déchéance à n'en point douter.
Dans le champ des outils, la binette eut une concurrente plus virulente qui du reste se met à bien d'autres sauces. Se prendre une pelle, donnait à votre chute des allures d'épopée, d'aventure épique et de grande catastrophe qui laissait présager que vous n'étiez plus bon qu'à être ramassé à la petite cuillère. On mesure ainsi combien la métaphore aime à se mettre en travers du chemin.
Quand on s'y prend comme un manche, la pelle s'impose mais autrement, il se peut alors que sans vous mettre des bâtons dans les roues, vous vous contentiez de prendre une gamelle. Si par inadvertance, la chute survenait à bicyclette, elle pouvait devenir « soleil » pour illuminer votre conversation. En grandissant, pour faire encore parler de vous au volant, le tonneau venait à votre rescousse après un dos d'âne ou un mauvais nid de poule.
On peut mesurer la diversité des images liées à ces chutes qui se ramassent à la pelle. Pour pousser plus loin l'étude de ce désastre, une bonne gamelle qui aura troué votre pantalon, par glissement sémantique, fera appel à un vieux métier pour boucher celle-ci. Vous direz alors que vous venez de vous rétamer sans même savoir ce que faisait jadis le rétameur.
Il n'y a certes pas de quoi grimper aux arbres à l'évocation de tous ces termes qui aiment accompagner votre descente aux enfers sans que ce soit pour autant une mise à bas. Dégringoler est de ceux-là tandis que la chute est certaine pour les malfrats qui se font gauler. Au lieu de tourner en rond, mon propos va toujours plus bas puisque ladite gaule n'était pas une trique mais une perche pour faire tomber les noix.
Ne m'entraînez pas sur un terrain glissant. La chute n'est pas une glissade mais à coup sûr un somptueux gadin, un rouler bouler qui vous met en boule si celui-ci provoque des rires. Le vertugadin à ce titre était traîné comme un boulet par des dames qui s'y prenant les pieds dedans, pouvaient à leur tour choir en bonne société.
Toutes ces acceptions doivent vous prendre la tête et pourtant je n'en ai pas fini avec elles. Il me reste encore cette bûche qui ne se prend pas avec une pelle à tarte ni au coin de la cheminée. Comme tout ceci n'est pas du gâteau, il se peut encore que vous affirmiez que vous venez de vous gaufrer que vous soyez ou non une bonne pâte.
Sans pour autant m'étaler davantage, au terme de ce récit qui se prend les pieds dans le tapis de la souris, le plus délicat n'est pas de se relever après vous avoir déçu, ni de déchoir pour vous avoir fait suer, mais bien de trouver une réplique qui tombe à pic pour clore ce pensum de la plus plaisante des manières. Tomber sur une bonne chute n'est pourtant pas donné à tout le monde et j'avoue que celle-ci se dérobe à moi. Je vous en demande pardon et me contente de trois points de suspension, histoire de pouvoir m'y accrocher avant que de tomber plus bas encore ...
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