Arnaud-Thibault Laurey de Lagardère

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Lorsqu'en toute modestie on se nomme Arnaud-Thibault Laurey de Lagardère, l'existence impose d'être à la hauteur d'un tel « blaze ». C'est bien ce que dirent les fées qui se penchèrent sur le berceau du petit Arnaud-Thibault, le couvrant de présents tous plus luxueux les uns que les autres pour lui mettre le pied à l'étrier.
Rapidement, le charmant garçon comprit qu'il était appelé à un grand destin tandis qu'il se mit en devoir d'accumuler toujours plus des biens matériels, dont il privait avec une rare jouissance ses petits camarades de jeu. Tout commença à la crèche, un établissement pourtant bien sous tous rapports. En dépit d'une fréquentation de même standing, il se montra le plus performant dans l'art de s'accaparer tous les jouets.
Plus il grandit, plus il perfectionna son goût de l'accumulation, souhaitant même établir une forme de record en la matière tout en se rêvant l'homme le plus riche de la planète. Cependant, si ce besoin d'avoir toujours plus pouvait se comprendre, il lui prit vite le désir de ne trouver autour de lui que des miséreux, des pauvres bougres se trouvant totalement démunis. C'est de les savoir dans la plus implacable détresse qu'il parvenait à jouir de sa situation.
Pour lui se posa bien vite le problème des lois du trésor royal qui tendaient à vouloir ponctionner un peu sa fortune pour effectuer une juste redistribution. Cette idée lui était proprement intolérable. Non seulement, il se sentait dépouillé mais qui plus est au profit de miséreux dont il aimait tant à jouir de la détresse. Il lui fallait trouver une échappatoire pour s'épargner cette incurie.
Il paya fort cher, mais qu'importe le prix quand c'est pour son seul bénéfice, des experts en optimisation « trésoraire » qui firent des merveilles. Selon le célèbre adage qui préconise de ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier, sa fortune fut répartie dans différents territoires soucieux de préserver le secret bancaire et le bien être des plus riches. Ainsi donc, il avait désormais le plaisir de ne plus entretenir la gourmandise des assistés du royaume.
Le temps passa et de sourdes menaces se firent jour dans le pays. Des groupuscules se dressaient ici ou là qui tels les coupe-jarrets d'autrefois, entendaient détrousser des gens comme lui qui devaient leur fortune à leur travail, à la chance et à la naissance, pour donner à ceux qui n'ont rien. La menace se faisait plus précise, il devait agir en usant de stratégies plus subtiles.
Arnaud-Thibault en fin stratège envoya de par les territoires du royaume, des troubadours, des trouvères, des hérauts pour divertir les masses, qu'elles fussent laborieuses ou bien oisives, tout en véhiculant des informations propres à les maintenir dans un marasme de bon aloi. Les artistes se firent donc un devoir de proposer des spectacles absurdes, sans fondement, sans réflexion qui surent flatter un public, toujours moins exigeant au fil du temps. Réfléchir était devenu une tare comme un passe-temps parfaitement inutile.
Quant aux hérauts, maniant une langue vipérine, ils alarmaient, inquiétaient, vitupéraient, s'indignaient à propos de tout et surtout de rien. Ils installèrent dans le royaume non seulement un climat délétère mais l'habitude désormais d'exposer sans honte ni crainte des positions scabreuses, des propos insultants, des idées réactionnaires. La puissance de son action laissait envisager l'avènement d'un nouveau pouvoir, une main vénale dans un gang de fer qui serait entièrement à sa botte.
L'expression du reste allait à merveille aux bruits qui ne cessaient de monter de par tout le pays. Arnaud-Thibault Laurey de Lagardère se voyait déjà en maître du jeu sans que jamais son nom figure dans les allées d'un pouvoir entièrement au service de son idéologie. Il avait mené sa barque à la manière des flibustiers usant des plus sournois stratagèmes pour leurrer les adversaires et les détrousser sans vergogne. Il en va souvent ainsi pour les gars de la Marine, du moins ceux qui naviguent sous bannière pirate.

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