Acte 2
Arnaud Montebourg entre en scène
Après les amuse-bouches de la première partie, place à l'artiste, place à la vedette du jour. Comme tous les caciques, il débute par le tour des camarades présents, habitude détestable qui veut que le spectateur soit immédiatement placé au second plan de cette confrérie secrète. Les mondanités partisanes faites, nous eûmes enfin droit à « Mesdames et Messieurs .. ».
C'est le premier Montebourg qui entre en scène. Il se fait prédicateur anglican. Il évoque les foudres de l'enfer, il dresse le bilan du locataire actuel du Palais. « Notre monde tombe de Charybde en Scylla ! » (l'homme à des lettres), il use de variations de sa voix, de modulations dignes du prêche. Seul le débit trop rapide n'en fait pas un homme d'église. Il laisse d'ailleurs ses paroissiens un peu à la traîne de son épitaphe sur la politique du sortant.
Il attaque franchement ses phrases. Le ton haut, la voix gronde puis, imperceptiblement, descend tranquillement pour finir ses longues phrases en un souffle. J'attends qu'il évoque Dieu, c'est François Hollande qui fait son apparition pour des premiers applaudissements un peu asthmatiques.
Le second Montebourg sera professeur d'université. Il déballe à la va-vite, un cours d'économie comparée. Il semble absent à son auditoire. C'est mécanique ! Il a du talent, certes, mais sans conviction. Le public ne doit pas être à la hauteur de ses ambitions, il fait le boulot, sans plus. Il va bien trop vite pour donner des respirations. Tout juste s'il offre quelques plages pour des réactions : rires ou applaudissements.
l change alors de personnage. Il rentre dans la truculence. Il nous fait « Les lettres de mon moulin en Saône et Loire ». Il joue, il est bon, il est drôle. C'est son meilleur emploi. Il pare sa voix d'un léger accent bourguignon. Il nous fait du Crédit T'Agricole du meilleur effet. Il sur-joue un peu , hélas, ne change nullement son débit.
Soudain, changement de décor, la mondialisation. Il se drape dans les habits du tragédien. Il prend une voix de speaker des actualités cinématographiques des années 60. Il chantonne un peu, il va de plus en plus vite. Les images défilent virtuellement derrière ses propos. Il avance à la vitesse d'un cheval fougueux, contraint de subir la bride d'un autre.
Il varie une fois de plus sa manière. On entre dans le monde de l'animation. Il joue une farce, il se régale et évoque Colbert, comme si c'était un personnage de bande dessinée. Le public est noyé par le flux, surpris par le spectacle aussi sans doute. Les têtes acquiescent, parfois les mains battent. Il faut pourtant le laisser filer sa route. La salle ronronne et l'orateur file sa toile.
Je m'ennuie un peu. Franchement, il manque la ferveur des meetings du Front de Gauche. C'est trop lisse, trop tranquille, trop installé déjà dans les habits du pouvoir et de la respectabilité. Montebourg pourtant n'est pas franchement à l'aise dans ce rôle. D'ailleurs, il mue une fois encore. Le voilà Shadock, il en profite pour piquer un peu celui dont il est censé vendre la candidature : « Le programme de dé-mondialisation que j'ai porté aux primaires, on le retrouve un peu en pièces détachées dans le programme de Hollande ! » Pan dans le bec.
Pour terminer, il revient au prêche. Il se fait grave. Il pointe du doigt. Enfin, le débit se fait calme. Fatigue, lassitude ou besoin de souffler un peu ? C'est surtout le grand couplet de la morale puis des grandes phrases éternelles. Il faut conclure dans le lyrisme. Il évoque la Résistance, la France, la République. Il se pense en Obama, il ferait bien un rêve, lui aussi.
C'est terminé. Rien de sa sixième République, pas la plus petite évocation de l'autre Gauche. Les applaudissements sont brefs, les auditeurs partent juste à la fin du discours. Pas ou peu de passion dans tout ça. J'ai pourtant vu un fort beau comédien qui défend honorablement un texte qui n'est pas sien. Il a fait le job, il prend rendez-vous tout simplement.
Multifacettement sien.