et même incassable !

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Il fut de tous les bons repas d'antan, se payant même le luxe d'assumer dignement toutes les fonctions auxquelles les gens simples assignaient ses semblables. Sans faire de chichi, l'époque chez nous n'était pas à ce genre d'excentricité « vaisselière », il avait l'exclusivité de la contenance des liquides à l'exception de la soupe. Il s'ouvrait à toutes les boissons, se payant même le luxe d'achever sa mission quand un dessert par trop liquide se dérobait sur le dos de l'assiette.
Dans pareil cas, un problème de taille dans la gestion économique et rigoureuse de la vaisselle surgissait ; il devait se résoudre à ne pas servir d'ultime réceptacle du repas, pour accueillir dignement le café. Mais en dehors de ce cas épineux, de l’apéritif jusqu'au pousse café (ou au simple canard pour les gamins) il tenait le haut du pavé et de la table, sans avoir besoin de se mettre sur son trente et un ni se hausser sur la pointe d'un pied. Il était le seul que l'on portait à nos lèvres, même quand la coupe était pleine.
Nul n'aurait songé du reste à mettre les petits plats dans les grands et à prévoir un de ses collègues pour les diverses boissons du repas. Il faisait la paire avec une assiette Arcopal du meilleur effet avec son décor champêtre. Nous ne sortions le cristal ou la faïence que le jour du Seigneur et lors des grandes fêtes votives, quand l'occasion poussait le mitron à jouer les larrons.
Sa transparence d'alors et ses bords anguleux valaient bien qu'on le couve des yeux et même qu'on le retourne afin de décrypter son message secret. Chacun s'évertuait à tirer le bon numéro pour le décodage d'un nombre auquel on attribuait des vertus magiques qui étaient propres à chaque famille.
Qu'il fût à notre table comme à celle de la cantine lui donnait une dimension familière qui nous rassurait. Pour nous, il n'y avait ainsi nulle distinction entre ces deux instances nourricières et nous leur faisions pareillement hommage sans faire la lippe sur les menus proposés.
Quant à lui, il résistait à tout sauf à notre inaltérable appétence. Pour la satisfaire du reste, il fermait opportunément les yeux lorsque les adultes teintaient notre eau du robinet d'un peu de vin rouge. Depuis cette époque lointaine, la teinture s'est immiscée dans sa composition, proposant une gamme aux formes nouvelles et aux nuances variées.
Permettez-moi de le préférer dans sa nudité, sa transparence originelle. C'est ainsi que le verre Duralex fut mon compagnon à table et au café, dans la salle de bain et parfois, durant la mauvaise saison pour un viandox ou un vin chaud. Il se trouve qu'il vient du Loiret et qu'à ce titre, il est plus particulièrement dans le cœur des ligériens.
L'entreprise a connu bien des vicissitudes et a bien failli boire la ciguë ou encore le bouillon. Par deux ou trois fois sauvée des eaux, y compris un temps par Pyrex (cf ce conte de circonstance) les comptes passèrent au rouge et les fonds furent à sec. Toute la région s'est mobilisée pour sauver ce fleuron de l'industrie locale grâce à une coopérative ouvrière qui a trouvé auprès des institutions de la place des alliés bienveillants.
Un magasin d'entreprise fait un tabac désormais au centre d'Orléans et on peut penser que les ouvriers voient la vie en rose puisqu'ils teintent ainsi certaines de leurs créations. En tout état de cause, je vous invite à acheter leurs produits et si vous voulez en savoir plus, à venir vendredi 10 octobre à la conférence proposée par le Liger Club de l'Orléanais dans la salle du petit théâtre à Mardié à 18 h 30. Chritian Veillon vous présentera l'historique de la verrerie de la Chapelle-Saint-Mesmin ainsi que les plus beaux échantillons de sa collection.

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