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Billet de blog 9 novembre 2025

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T'as de bons restes, tu sais !

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

La faim glorifie le doyen.

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Alors que nombre d'individus plus ou moins louches ne sont pas bien dans leur assiette et jettent sans vergogne un tiers des denrées alimentaires qui ont rempli leurs caddies tandis que leurs héritiers, bien trop occupés sur leurs écrans, se font livrer leur malbouffe par des esclaves à bicyclette, il demeure quelques irréductibles franchouillards à résister, en cuisinant chez eux des produits de qualité achetés chez les producteurs locaux ou issus de leur potager.

Ceux-là, curieusement, à moins que ce ne soit subséquemment, n’ont pas pour habitude de jeter au composteur ou pire encore, à la poubelle, les reliefs de leurs préparations. Non seulement parce qu'ayant fait l'effort de les éplucher et de les cuisiner, ils ont une relation affective avec eux mais plus encore, parce que leur éducation tout autant que leurs convictions les poussent à ne jamais gaspiller de nourriture.

Relent d'un héritage qualifié désormais de passéiste par les chantres de la modernité et d'un consumérisme effréné, ils ne peuvent envisager de gâcher ces produits si précieux et encore moins de garnir leurs poubelles des surplus d'une frénésie dispendieuse et honteuse qui anime leurs semblables. Ils conservent précieusement les restes qui trouveront par leur soin, une nouvelle vie lors d'un plat préparé avec autant d'amour et de délicatesse que le précédent.

L'art d'accommoder les restes est passé de mode dans ce monde qui ne sait plus prendre son temps. J'aime à évoquer de manière sans doute abusive le verbe « Ravauder » pour exprimer cette pratique obsolète qui consiste à remettre en musique ce qui n'a pas été consommé. Cette pratique relève tout autant d'une posture philosophique que d'une obligation morale vis à vis de ces denrées si précieuses tout en honorant les pratiques de nos anciens.

Face à la prodigalité de beaucoup pour un bol alimentaire qui finit par n'avoir plus aucune saveur, il me semble indispensable de prôner ce retour à l'essentiel, à une forme de respect de la nature qui passe par le refus systématique du gaspillage. C'est aussi une façon de conchier tous ces spots publicitaires qui font l'apologie d'un nourrissage si voisin du gavage animal.

La plus élémentaire manière de profiter de nos restes demeure encore la soupe même si celle-ci est passée de mode parmi les adeptes du vite prêt ou tout prêt. Il s'agit simplement d'associer ce qui peut s'unir et de repousser les mariages impossibles tout en complétant avec les incontournables pour ne pas vous retrouver dans le potage.

Autre vedette du sauvetage des reliefs, le fameux « J'y fous tout ! » qui contrairement à ce que son appellation laisse supposer, demande une science des associations et parfois une certaine prise de risque tout en jouant de la sauce ou du condiment pour obtenir des merveilles. C'est ainsi que le mariage de la carpe et du lapin vous donnera l'occasion d'expérimenter la Gibelotte, plat tombé dans les oubliettes de la gastronomie traditionnelle.

Toutes les associations cependant ne sont pas permises et exigent aussi de votre part une bonne dose d'anticipation lors de la constitution des plats initiaux. Il est prudent de ne pas mêler les parfums et les sauces avec les légumes qui pourraient bénéficier d'une nouvelle chance. La cuisson de ces derniers à la vapeur en fait des candidats idéaux pour une nouvelle interprétation dans un autre contexte.

Accommoder les restes, ce n'est donc pas un geste de dépit pour ne pas jeter, mais bien une tournure d'esprit qui vous permet de penser votre cuisine en envisageant plusieurs coups à l'avance. Le jeu même des cuissons multiples concourt à cet état d'esprit qui fait de votre cuisine une source de surprise, de satisfaction et de plaisirs multiples et néanmoins partagés.

J'aime quand on me dit que j'ai de bons restes. La faim glorifie le doyen qui n'a de cesse d'honorer l'héritage d'une grand-mère qui fut en son temps un véritable cordon bleu et une femme économe et parcimonieuse.

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