Duo des nuages…

Ils tutoient les anges.

Quand un poète rencontre un musicien… C'est ce qui est advenu quelque part en Berry pour le plus grand enchantement de ceux qui aiment les mots, la chanson, l'improvisation et le partage. Ces deux-là étaient sans doute nés pour se rencontrer un jour en se faisant une petite place sous une bonne étoile. Après des parcours fort dissemblables, ce fut comme une évidence, la poésie de l'un avait grand besoin des variations chromatiques de l'autre tandis que le premier était parvenu à canaliser la prolifique virtuosité du second.

Luc-Marie ; le poète, avait depuis longtemps dérobé une plume d'ange pour confectionner des petits trésors poétiques. Il en avait confié certains à Morice Benin, à Emzel Café, Bruno Ruiz et Florent Marchet et encore à la formation : Orel & Co pour des interprétations dans des styles diamétralement opposés. Il avait cependant ce désir fou de passer de l'écriture à l'interprétation pour défendre à sa manière ses créations.

Il s'est lancé dans l'aventure tout d'abord avec des charmantes pianistes qui déposaient de douces mélodies sur ses invocations étranges, ses récits intimes, ses dérives amoureuses ou ses plaintes touchantes. Nous aimions déjà ce qui demandait encore à se parfaire, tant le chanteur n'était pas encore à la hauteur du poète, sans doute par timidité ou par manque de latitude dans son expression vocale.

Puis il s'autorisa à alterner parties parlées et parties chantées pour mieux donner à entendre la beauté de son texte, pour offrir aux auditeurs ce confort nécessaire pour entrer pleinement dans son univers. Il avait beaucoup travaillé sa voix, gagnant en confiance et en interprétation, donnant ainsi toute la substantifique moelle à sa poésie tout en l'incarnant avec subtilité.

Il ne manquait plus qu'un compère qui ne se contente pas de l'accompagner mais bien plus, de lui composer un univers musical sur mesure pour que se libère la puissance de ses phrases, la beauté de ses images, la sensibilité de ses textes. Roby, le multi-instrumentiste prit un malin plaisir à se glisser délicatement dans ses pas, sans avoir l'air de lui ouvrir un nouveau possible.

Petit à petit, le musicien s'accorda des libertés pour que s'envolent les vers vers cet éther qui rend évanescent ce duo magnifique. Que ce soit au piano ou bien à l'accordéon, le musicien ne se satisfait pas d'accompagner, il interprète à son tour, donne un nouvel éclairage aux divagations magistrales du poète. Une symbiose se forme faite d'osmose mais aussi de ruptures, de connivence et parfois de décalages subtils pour que nous les rejoignons dans leur univers mirifique.

Oh, bien sûr, ce qu'ils nous proposent avec délicatesse, sensibilité et mystère n'est pas dans l'air du temps. J'ai assisté à un concert dans un espace en plein air où les gens passent, se rencontrent, s'abreuvent et éventuellement prêtent une oreille distraite aux artistes. Nous étions bien peu à leur avoir accordé l'attention qu'ils méritaient. Mais ceux qui le firent en étaient émus, touchés aux larmes devant tant de beauté.

Ce duo des nuages n'est sans doute pas destiné à ceux qui restent obstinément terre à terre sans écouter vraiment, sans prendre le temps de la compréhension et de l'émotion. Trop de subtilité, trop de beauté, trop de sensibilité pour un public qui consomme la culture comme il se gave de produits ineptes de cette distraction de masse qui n'aime rien tant que le bruit et l'agitation.

Si vous voulez suivre leurs pas, prenez le temps du silence, de l'écoute, de l'attention et du voyage par le truchement des mots et des notes qui exigent votre participation pleine et entière, sans pianoter sur un téléphone, sans discuter avec le voisin, sans siroter une bière, sans bailler aux corneilles et aux inepties de l'époque. C'est certes un exercice nouveau pour beaucoup d'entre vous, mais je vous assure qu'avec ces deux -là, le voyage se fera céleste.