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Billet de blog 12 octobre 2013

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La fin du monde est pour dimanche

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Le temps ne fait rien à l'affaire …

François Morel se donne en spectacle. Le succès est garanti tant le personnage touche avec des textes souvent ciselés. Ses chroniques sur France Inter font merveille; il a eu l'idée d'en regrouper six pour constituer un spectacle patchwork sur le temps qui passe. Le prétexte est aussi vague que le fil conducteur et, à vouloir absolument donner une cohérence à cette construction artificielle, il se peut qu'elle perde beaucoup en magie.

Car c'est bien le principal reproche que je me permets de faire à ce spectacle. À aucun moment, je n'ai retrouvé le souffle des chroniques radio. Comme si la mise en scène, l'agitation et l'environnement avaient brisé ce rapport intime que j'ai toujours ressenti à son écoute. La magie du poste se fracasse sur la nudité d'un plateau habillé de vidéos.

Le procédé fournit quelques tableaux magnifiques mais nous impose des images quand seul le texte aurait dû nous prendre par la main. Dans ce décor virtualisé, François Morel semble souvent perdu; petit bonhomme fragile, il se cogne à une mise en scène qui exige plus de coffre. Il tient bien cette dimension avec son histoire d'enfant qui n'aime pas le cirque. Il s'agite,hausse la voix, gesticule avant de retomber dans cette intimité qui lui sied si bien. Bizarrement, ce n'est pas le texte le plus abouti, c'est même le contraire.

La grandeur de la salle nuit également à ce merveilleux conteur. Nous aurions aimé plus d'intimité, plus de proximité. Il est si petit, vu du dernier rang de cette grande salle, si dérisoire aussi, perdu sous ce plafond gigantesque. L'art du conte est celui de la confidence; l'homme l'a compris quand il nous joue la caissière de chez Continent, fan de Sheila. Mais avait-il besoin de se grimer ? Le texte en aurait-il perdu de sa puissance évocatrice s'il ne s'était pas travesti ? Je ne le crois pas !

Il ose pourtant aller sur des territoires scabreux, des imaginaires qui flirtent avec la grande tradition des conteurs. Le récit d'une histoire d'amour entre un homme et une huître entre dans ce registre. Pourtant, même s'il ne tombe pas dans les travers, il finit par lasser un peu. Son numéro traîne en longueur, il veut manifestement meubler le silence, occuper ce temps qui lui fuit entre les mains. Son numéro doit faire la maille …

C'est quand le rideau est baissé, c'est quand il abandonne la lourdeur d'un système superfétatoire qu'il touche vraiment. Il s'adresse à chacun d'entre nous, debout sans artifice, seul devant le rideau, il s'adresse enfin à notre cœur. Sa plus belle histoire d'amour c'est nous ! Le rêve passe, il doit rester ce nouveau clown à la mode qu'attendent les prescripteurs des médias.

Ici, on évoque Devos quand sur la scène, il se prend pour Chaplin avec son ballon monde. François Morel n'a nul besoin de référence pour être lui -même, pour ne pas s'encombrer de grands anciens. Il a créé un personnage fragile, un équilibriste des sentiments, un rebelle circonspect, un rêveur assoupi. Il doit rester sur cette frange étroite des émotions et des histoires simples.

Je suis sorti déçu par une prestation qui, pour professionnelle et aboutie qu'elle fût, ne m'a jamais transporté de l'autre côté du miroir. J'en suis d'autant plus chagriné que je le sais capable de le faire. Qu'il se dénude un peu, qu'il cesse de vouloir en mettre plein la vue à ceux qui ont besoin de spectaculaire, de grandiose pour oser l'imaginaire. Les applaudissements terminés, ceux- là vont retourner à leur monde trépidant; Morel n'y a pas sa place.

La fin du Monde, c'est quand Pierrot abandonne sa chandelle et son quartier de Lune pour s'installer au milieu des projecteurs, c'est quand Juliette a besoin de Technicolor pour se faire son film, c'est quand François se prend pour Charlot en s'y prenant comme un pied, c'est quand Morel refuse de rester lui-même.

La salle s'est vidée bien vite et bien vite aussi ont repris les conversations sérieuses . Il n'y a pas eu ce temps en suspens qui est le propre des belles rencontres. Nous nous sommes manqués, j'en suis navré !

Critiquement vôtre.

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