Écrire pour se souvenir.
Ils ont 15 ans, bientôt seize. Élèves que l'on a décrétés en difficulté, la fin de leur scolarité obligatoire sonne souvent le glas des années d'insouciance. Ils devront bientôt affronter la triste réalité des adultes. Dans quelques jours, pour eux, il en sera fini de l'école, ce monde merveilleux ou insupportable où l'on vit entre jeunes du même âge.
Pour beaucoup, ce sera l'apprentissage, la fin des congés scolaires, les dures réalités du monde du travail. Pour d'autres, ce sera le lycée professionnel avec une place dans l'une des rares filières qu'on leur réserve. Ils découvriront des métiers de service ou de main d'œuvre, ils verront se fermer tant de portes et de rêves !
Tout sera différent alors et le droit à l'erreur ou à la dérive comportementale seront à jamais terminés. Ils le savent, le sentent et en ces derniers jours de classe avant la grand saut (ils partent en stage très bientôt), ils ont écrit ce qui sera peut-être leurs derniers messages scolaires. Ils se sont faits plus graves qu'à l'accoutumé, se sont racontés sans fard ni réserve. Ils vous offrent ces instants de mémoire.
Rien d'exceptionnel, rien de fracassant. Des mots d'adolescents, des souvenirs simples, des colères rentrées qui sont enfin dites. Des instantanés d'un quotidien qui s'estompe. Des messages pour les adultes parfois, pour une injustice qu'ils vivent ici dans l'indifférence générale. Des plaintes contre la discrimination dont ils sont si souvent victimes du fait de leur statut marginal mais aussi des regrets et des joies. Partagez ces mots simples en toute discrétion.
Je me souviens …
… de mon arrivée en sixième. Je ne connaissais personne, j'avais peur de me retrouver seul et sans ami. Deux jours après, c'était oublié, j'avais plein de nouveaux camarades
… de ma première bagarre en ce collège. J'avais essuyé une insulte très blessante, j'ai répondu violemment avec mes poings. Ce fut la première rencontre avec celui qui est devenu mon meilleur ami !
… qu'en sixième, nous étions deux, toujours confondues par les professeurs. Nous ne cessions de faire des bêtises ensembles, nous étions inséparables.
… des retrouvailles d'une vieille camarade de crèche. Nous nous retrouvions ici après tant d'années. C'est devenue ma meilleure amie et les professeurs doivent se fâcher pour nous séparer.
… que je ne savais pas quoi penser du collège. Je découvrais de nouvelles choses, je devenais grande. Au final, je garderai un bon souvenir de ce lieu qui m'a appris à aimer un métier, qui m'a donné le goût du travail.
… de mon arrivée ici cette année, je ne connaissais personne. En traversant la cour, j'ai retrouvé un camarde du collège précédent, j'étais rassuré.
… de mes deux années passées dans ce collège. J'en garde de très beaux souvenirs, des crises de fous rire avec les copines, surtout à la cantine. C'est avec regret que je le quitte.
… quand on m'a envoyée en Segpa. Je ne voulais pas venir. Mais au collège, il me fallait disséquer une souris, j'en étais révulsée. C'est ainsi que j'ai accepté avec soulagement mon orientation !
… que je me souviens de rien, que je n'ai rien à dire de ces quatre années passées ici ! À moins que ce soit mon incapacité à mettre en mots ce qui restera paradoxalement un bon souvenir.
… du départ d'un camarade pour une autre région. J'étais arrivé en fin de cinquième et c'est lui qui m'avait accueilli. Je n'ai plus aucun contact avec lui.
… de mon arrivée. Un élève de la classe avait été désigné pour me servir de guide. En fait, il m'a saoulé de paroles, il réclamait mon amitié.
… du départ de notre camarade pour les Vosges. Au début ce fut très difficile, j'ai pleuré. Au fil des jours, j'ai appris à continuer les cours et je corresponds encore avec elle.
… qu'en cinquième, je ne supportais pas une élève. Je la trouvais prétentieuse et menteuse. Petit à petit, nous avons appris à nous connaître, nous sommes devenues amies et quand elle est partie, ça m'a fait vraiment bizarre !
… de mon entrée dans l'atelier habitat. J'ai vu le professeur qui s'en prenait à un élève. C'était très bruyant. Alors, moi aussi, j'ai fait le bazar pour être comme les autres.
… d'un professeur qui m'a toujours fait rire quand il se plaignait de nos mains sales Il prenait des manières, un air hautain pour nous rabaisser.
… des visites au Cercil, d'une rencontre avec une femme courageuse qui nous a raconté son horrible histoire le plus sereinement possible. Quelle leçon de vie !
Quant à moi, leur professeur, je me souviens d'une classe qui n'a jamais su se taire, écouter ni respecter les autres, ! Pourtant, ils avaient des choses à dire dans le plus grand des tumultes.
D'amour et d'orage !
J'ai aimé le déménagement à Anatole Bailly, notre collège était en reconstruction. C'était plus grand, c'était différent, c'était dans la rue de la Cathédrale.
J'ai détesté ce sentiment d'être sans arrêt rabaissée par les adultes surtout quand c'était devant ma mère. C'est ce qui m'a le plus gênée c'est que j'ai fini pas croire : que j'étais nulle …
J'ai aimé le fait de changer d'environnement. Je quittais la petite école, j'ai grandi, j''ai fait des stages. Et bien qu'élève de Segpa assignée au monde professionnel, je n'ai pas perdu pour autant ma soif de culture et de lecture.
J'ai détesté me retrouver dans des classes ou des camarades ne respectaient jamais le silence et le travail des autres. Ils m'ont privé du bonheur de la concentration.
J'ai aimé retrouver un ami d'un ancien collège. Nous nous étions perdus de vue depuis plus de deux ans. Nous avons reparlé de nos bêtises dans notre ancien collège, le temps s'était effacé !
J'ai détesté les élèves et les professeurs qui critiquent les autres sur leur apparence, qui jugent sur les habits, la coupe de cheveux, la manière d'être et d'agir.
J'ai aimé les amis que je me suis faits ici et que je risque de perdre. Je redoute que l'année prochaine, en apprentissage, ce ne soit plus jamais comme au collège.
J'ai détesté notre mise à l'écart du collège neuf. Déjà, on nous considère différemment des autres élèves et en plus, on nous a relégué dans un local dégradé.
J'ai aimé ma dernière année en troisième. Je me suis bien amusé et je n'ai pas été puni. J'ai apprécié le comportement des professeurs plus tolérants à mon égard, plus patients aussi.
J'ai détesté notre établissement. Nous sommes à l'écart dans des locaux vieux et sombres alors que le collège est tout neuf. La Segpa n'a été intégrée à la nouvelle construction.
J'ai aimé les filles de ma classe. J'ai trouvé qu'elles étaient sympathiques, amusantes et intelligentes. Elles étaient beaucoup plus féminines que celles de mon ancien collège.
J'ai détesté les relations que j'ai pu avoir avec un surveillant du collège. Il nous considère comme des gamins, il s'en prend toujours à nous parce que nous sommes de la Segpa.
J'ai aimé être en contact avec mes camarades, m'amuser avec eux. J'ai eu ici de très bons amis et nous nous sommes très bien entendus.
J'ai détesté les insultes, les remarques désagréables des autres, ceux qui n'étaient pas mes amis. Ça m'a fait vivre des moments très pénibles, c'était saoulant !
J'ai aimé les cours et les amis. J'ai appris à mieux écrire, à comprendre ce que je disais. J'ai découvert des camarades disponibles et attentifs. Que du bonheur.
J'ai détesté le règlement. Je ne supporte pas les règles sur la tenue vestimentaire. Chaque fois qu'on portait un vêtement trop court ou trop voyant, c'était le drame.
J'ai aimé être avec mes amis. Nous faisions des bêtises, nous rigolions tous en apprenant à mieux nous connaître. On se reverra plus tard avec plaisir !
J'ai détesté les histoires entre nous. Les gens qui parlaient derrière le dos. Les cours qui étaient ennuyeux. Les absences des uns et des autres. Le règlement trop sévère !
J'ai aimé retrouver une copine d'enfance. Ce fut une grande surprise et depuis, nous sommes inséparables. J'ai aussi apprécié un séjour très amusant dans un autre collège.
J'ai détesté les histoires que nous n'arrêtons pas de faire entre nous. Ça fait de la peine, nous sommes amis et soudain on ne se parle plus jusqu'à ce que ce soit oublié.
J'ai aimé être avec tous mes camarades, je les ai beaucoup appréciés et je serai triste de ne plus les revoir. J'ai aimé apprendre des choses dans ce collège.
J'ai détesté les séances de sport. C'était soit trop court, soit trop long. Certaines séances trop fatigantes et quand on pouvait s'amuser, on nous en laissait jamais le temps.
J'ai aimé quand vous fûtes à l'écoute, sérieux et attentifs, d'un beau texte ou d'un récit fort, d'une histoire vraie ou de réflexions graves.
J'ai détesté votre immaturité, les cris, les gamineries, l'irrespect pour le travail écrit comme si maîtriser l'écriture n'aura jamais aucune importance au cours de votre vie d'adulte !
Nostalgiquement leur.