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Billet de blog 13 août 2025

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En passant la main.

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Le manuel du bien dire.

Illustration 1
© Christian Boucher

Las de tourner en rond, il me vient l'envie folle de passer la main. Si tout d'abord l'idée me sembla belle, il me fallut l'expliquer autour de moi puisque comme vous l'avez sans doute, vous aussi, constaté, l'usage des expressions laisse pantois bien de nos semblables. C'est ainsi que pour mieux me faire comprendre, j'ajoutai que j'entendais ainsi passer mon tour.

En un tour de main, j'entrai là dans un cercle infernal. Mes intentions prenaient, aux yeux de beaucoup un vilain tour puisque il est de coutume de prétendre que les jeux de mains sont des jeux de vilains. Pourtant, quoi de plus normal pour qui a envie de souffler un peu que de laisser la place. Mais aussitôt des voix véhémentes prennent le relais pour s'écrier : « Souffler n'est pas jouer ! »

Je sentis soudain le vent du soufflet qui du reste ne fait que précéder celui du boulet. J'allais perdre pied alors que jusqu'à présent, il n'était question de cette main qui, lasse de passer de la pommade dans le dos à ceux qui ne rêvent que d'un peuple courbé, désirait simplement se tourner les pouces sans tourner en boucle. J'en avais par dessus la jambe de ne pouvoir à ma guise me jouer des mots et des expressions dans une société qui avait la main lourde pour qui aime les propos légers mais quelque peu acides.

Je traînais la patte, la langue chargée de tout ce fatras langagier qui constitue ma tasse de thé, ignorant qu'une bonne pâte ne doit jamais cesser de pétrir cette substance dont elle fait son miel. Se jouer des mots impose donc de ne jamais renoncer à gravir les différents degrés qui constituent sa matière même sans user de rires enregistrés ou d'émoticônes superfétatoires.

Je venais d'avoir la main lourde sur ce clavier, sautant d'un idiome à l'autre sans être certain que quiconque puisse suivre mes pas, saisir ma pensée ou comprendre mon propos. À moins tout bonnement que je sois en train de perdre la tête, de me laisser dépasser par cette nouvelle forme d'humour pour laquelle tenir des propos sans queue ni tête, est la plus confortable voie pour accéder au succès.

Si effectivement la tête est passée de mode, nul ne songeant désormais s'adresser à l'esprit, il convient pour gravir les échelons de la notoriété de faire des pieds et des mains pour s'en tenir à ce qui se trame sous la ceinture. Prendre son pied sans avoir l'air d'y mettre la main étant devenu la préoccupation première de l'humoriste contemporain.

S’accrocher aux vieilles branches de l'humour pour garder la main est aussi vain que tendre une main qui file un mauvais coton. La subtilité n'est plus de mise lorsque les gros sabots sont conseillés pour faire son chemin sur la nouvelle scène. Marcher sur la tête tout en faisant bien attention à là où vous mettez les pieds, est un moyen sûr de faire son chemin sans jamais vous mettre à dos les décideurs et autres promoteurs qui aiment à ce qu'on leur passe de la pommade précisément au-dessus de leur seul sujet de préoccupation.

Mordre la main qui vous nourrit étant ainsi le plus sûr moyen de se casser les dents surtout si vous avez, à son égard, la dent dure. La caresser dans le sens du poil est largement préférable pour qui attend accumuler les cachets sans recevoir la moindre lettre de cachet. Je sais la chose dure à avaler surtout quand il ne faut jamais perdre de vue qu'il convient de garder sa langue en présence de tous ces donneurs d'ordre aussi prétentieux qu'incultes.

Alors, plutôt que de passer la main ou pire encore : de mettre la pédale douce, dans un monde qui ne tourne plus rond, j'entends continuer à jouer d'une langue chargée de venin pour garder la main tout en persévérant dans cette volonté d'user du pouvoir des mots pour dénoncer les maux du pouvoir. Ce texte est, ça va s'en dire, fait totalement à la main sans le moindre recours à l'intelligence artificielle ; on s'en doute aisément.

En passant la main © C'est Nabum

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