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Billet de blog 14 septembre 2025

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Mon royaume d'enfance.

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Un passé révolu ...

Illustration 1

Né sur un champ de foire, j'ai sans doute puisé là toutes les raisons d'être un bête de foire, marqué ainsi par un destin dont je ne cesse de faire mon marché. Il faut avouer qu'en ce temps déjà lointain, une place destinée à cet usage était sujette à bien des animations aussi diverses que variées. Il y avait de quoi donner le sentiment au gamin que j'étais qu'il vivait là une position privilégiée.

Tout d'abord alors qu'il ne s'y passait rien, j'avais à ma disposition un vaste terrain de jeu qui au début était en terre battue, avec une rigole en son milieu et des platanes vénérables dont certains résistaient vaille que vaille aux agressions chimiques régulières d'une voisine qui ne les supportaient pas. C'est là que j'appris à faire du vélo avant que de voler de mes propres ailes pour très vite battre la campagne environnante.

Ce fut aussi le domaine de mon père lorsqu'il cardait la laine dans un grondement mécanique qui devait réveiller tout le quartier sans que quiconque ne se plaigne des inconvénients qu'il y avait à côtoyer le matelassier, responsable de la qualité du sommeil de nombre des gens du pays. Il dressait encore ses tréteaux pour réparer ou fabriquer les tapis de batteuse ou pour me permettre parfois de déclouer un fauteuil ou un canapé, seuls activités qui me furent données de réaliser sans catastrophe.

Ce fut au temps de la terre battue, l'emplacement idéal pour les parties de billes et surtout les grands circuits qui accompagnaient l'actualité du moment : les vingt-quatre heures du Mans puis le Tour de France. Quand le bitume prit le relais, ce furent les évolutions des voitures de rallyes qui vinrent transformer mon royaume en un tonitruant gymkhana qui ne m'a jamais enthousiasmé.

Mon domaine m'échappait chaque lundi dès le petit matin jusqu'en fin de soirée en cette époque où c'était alors un rendez-vous incontournable dans la région. Une fois par mois, les petits cochons venaient lui donner une allure de ferme en plein air pour savoir à quelle sauce ils seraient mangés. Il n'était pas rare que l'un d'eux tente de se faire la belle tout en provoquant une belle agitation qui m'enchantait bien plus que les effluves de cette matinée si particulière.

Illustration 2

Les gorets partis sous d'autres cieux, les marchands reprenaient les rennes et s'installaient pour planter leur décor chamarré. C'était alors un marché très important qui s'étendait sur les quatre mails de la ville, là où après la guerre, les baraquements avaient servi de domicile à ceux qui avaient vu leur demeure partir sous les bombes ou le feu. Il n'y avait rien qui m'enchantait plus que les bonimenteurs qui venaient attirer le chaland avec une verve sans pareille. C'était un bonheur, une gourmandise vocale qui m'influença durablement.

La place fut aussi et peut-être surtout dans mes souvenirs de gosse, l'emplacement de la fête foraine et d'abord des auto-tamponneuses, juste devant ma fenêtre. J'y ai fait des tours et des tours quand les employés me prenaient à leur bord pour faire venir le monde durant les moments creux. Si bien qu'à l'adolescence, lorsque cette attraction de déplaça vers la Sange, j'avais depuis longtemps perdu l'envie d'y gaspiller mon argent de poche. La place était encore le réceptacle de diverses animations en une époque où toute la population répondait présente quand la municipalité proposait quelque chose. Mais ce dont je me souviens le plus ce sont les lendemains de diffusion de la piste aux étoiles à la télévision. Il y avait à Sully un acrobate vélocipédique qui se faisait un devoir de reproduire les numéros qu'il avait admiré sur le petit écran et naturellement c'était là son chapiteau à lui.

Au fil du temps, les voitures se firent plus nombreuses au point de réclamer la plus grosse part de la place. À ce jour, quand je retourne sur mon terrain de jeu d'alors, je peine même à trouver emplacement pour mon véhicule. Les grands espaces d'alors se pliant au quadrillage blanc qui délimitent de nombreux emplacements, tous pris. Le marché devenu peau de chagrin, la foire aux cochons oubliée à jamais, les animations cédant la place à l'automobile à l'arrêt, mon royaume d'alors a triste mine tandis que mes souvenirs se sentent d'autant plus à l'étroit que la boutique de mes parents doit se contenter d'être un misérable bureau vide. Est-ce mes souvenirs qui se meurent ou mon village d'en-France qui file un mauvais coton ?

Illustration 3

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