Constatation de Formation Gâchée.
Le CFG (Certificat de Formation Générale) est un diplôme au rabais, un hochet que l'on décerne à ceux qui tant bien que surtout fort mal, en terminent avec leur scolarité obligatoire. Pour solde de tous mécomptes scolaires, il est fortement recommandé de regarder d'un œil plus que bienveillant ces enfants laissés sur le bord de la route, au cours d'un cursus qui fut souvent chaotique.
L'épreuve orale consiste en un entretien de vingt minutes pendant lequel le candidat exprime ses perspectives de formation tout en déclinant divers savoir généraux que devrait maîtriser le futur travailleur. Rien que de très simple pour qui a un rapport quotidien avec le monde du travail mais qui devient parfois inaccessible pour un adolescent coupé du monde réel des adultes.
En cette session 2012, j'ai eu l'occasion de voir défiler un joli échantillon de toutes nos détresses scolaires, des erreurs d'orientation comme des injustices consécutives à des trajets personnels qui échappent à la norme. Ce fut un joli tour du monde des aberrations d'un système et des errements de quelques jeunes. Ce que je vais vous confier demeurera volontairement flou pour respecter le secret.
Ils viennent des structures à la marge de notre bonne maison ( Segpa - ARTP – Dima) ou sont des élèves de collège conviés à se présenter sans trop savoir pourquoi. Pour beaucoup, presque tous, il faut bien l'admettre, ils ignorent la signification du sigle de leur examen. Ce point interroge sur la compréhension du moment qui peut être leur. Que viennent-ils faire au juste ?
Le doute s'amplifie encore quand on déplore le nombre non négligeable de candidat venant sans convocation ni pièce d'identité. Que dire ? Que faire ? Comment réagir face à un comportement qui atteste de l'indifférence avec laquelle ils considèrent ces formalités contraignantes et sans aucun intérêt. Pour corser le tout, dans le lot, ils sont quelques-uns à ne pas avoir préparé le dossier de stage obligatoire qui doit servir de support à l'entretien.
Croyez-vous qu'ils soient gênés de ces absences étranges ? Que nenni ! Ils s'étonnent même que l'on puisse leur demander des comptes, réclamer des explications et exiger de remédier bien vite à ces oublis coupables. Pire même, des adultes viennent attester de l'identité de ces oublieux de principe, les confortant une dernière fois dans leur irresponsabilité permanente.
Il y a encore une liste non négligeable de jusqu'au boutistes grandioses qui ne daignent même pas nous faire l'honneur de leur présence. Cela termine leur scolarité dans le mépris qui fut leur marque de fabrique pour bien des raisons qui dépassent les capacités absorption ou d'analyse d'une institution confrontée à une société où tant de gens perdent pied avec toute forme d'obligation.
Et puis, il y a ceux qui sont venus avec leur histoire personnelle, des années de galères ou de difficultés, des raisons qui échappent à la science pédagogique, des intrusions de l'actualité dans la vie de gamins qui ne demandaient rien d'autre que de vivre tranquille en leur pays. Nous eûmes de tout et un une soixantaine de candidats, ce fut un joli tour du monde des possibles comme des situations impossibles.
Rien ne nous fut épargné. Nous avons tout vu, tout entendu, bien impuissant à faire rentrer dans des cases ce qui échappe à la raison, à la morale, à la norme ou à la rigueur docimologique. Enfants d'ailleurs surtout, dépassés par les évènements, contraints au plus vite de s'approprier une langue, une manière d'être, un avenir possible. Tchétchène, Ivoirien, Congolais, Russe, Portugais, Marocain, Algérien, ils sont ici pour leur étrangeté.
Nous eûmes dans le lot des gamins dont on sentait une intelligence vive, une maturité qui ne demanderait qu'à s'épanouir si le temps leur en était laissé. Mais ils se heurtent aux jugements hâtifs, aux idées reçues ou aux délais que l'école ne veut pas dépasser. Joli gâchis, parcours entravés qui vont les contraindre à des choix par dépit pour rentrer dans les clous.
Nous eûmes tout autant des gamins cassés ou si cassants. Des remarques désagréables, des refus de répondre, des mots indélicats et des regards hostiles. La confiance n'était plus possible, ils en avaient trop soupé de nos réflexes de castes. Ils ne savaient rien ou ne voulaient rien nous dire, n'avaient aucun projet réaliste et pas de perspectives sérieuses. Ils étaient là parce qu'il le fallait bien.
Puis il y eut encore la grande part de nos élèves d'ici, formés dans nos écoles d'une République qui n'a pas su ou pas pu intégrer ou former tous ses enfants. Des mômes qui ne savent pas quel est le nouveau Président, qui ignorent ce que sont les députés, qui méconnaissent tout des papiers officiels, de la différence entre une formation en Lycée professionnel ou en CFA.
Ils passent à côté d'un monde du travail dans lequel ils sont censés entrer. Ils sèchent à ces questions qu'on nous demande de poser. Ils sont totalement à côté de cette société qu'ils doivent intégrer faute d'avoir eu la chance ou les capacités de continuer l'école. Vide sidérant, indifférence totale, oubli systématique de tout ce qui a pourtant été appris en classe. Que faire ?
Il y a encore ceux qui en ont fini une bonne fois pour toute avec le respect du à l'institution. Ils répondent, gardent leur veste, refusent de faire un travail, réagissent sur un ton sans réplique, s'en fichent totalement et souhaitent le dire sans ambiguïté. Ceux-là, je doute de leur capacité à changer de comportement de si tôt quand ils trouveront un travail. Il leur faudra du temps et des claques symboliques pour en rabatte vraiment de cette sur-puissance dans laquelle ils se sont drapés. Colosses pathétiques aux pieds d'argile, la sortie de l'école sera vraiment douloureuse !
Heureusement il y a encore beaucoup de gamins qui ont donné leur possible. Ils ont montré une bonne volonté qui réconforte et bien vite nous nous faisons cléments pour ceux qui sourient, qui font tout ce qu'ils peuvent pour se montrer aimables, pour donner belle impression et envie de leur tendre la main. Nous fermons les yeux sur les petites erreurs, les oublis ou les confusions qui immanquablement parsèment leurs réponses.
Voilà résumé bien vite, un moment délicat, deux journées consacrées à voir défiler des détresses et bien des difficultés. Que la vie soit un peu plus généreuse avec eux que ne le fut leurs années à l'école, c'est bien tout le mal que l'on peut leur souhaiter.
Examinateurement leur