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Billet de blog 15 septembre 2016

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Édith, un magazine féminin sur papier glacé

Le conte défait.

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 À conte d’auteur … 

Illustration 1

Madame Édith se donne à qui veut bien se saisir de ses offres alléchantes, de son voyage au pays de la coterie. Elle aime le luxe, la mode et tout ce qui la place au-dessus du commun des mortels. Elle est la digne représentante d’une classe qui aime à se regarder, à se prendre en photo sous toutes les coutures dans des habits de gala. Il lui faut être vue avec le beau monde : le monde des paillettes et de l’apparence.

Avec madame Édith, le pique-nique se fait chic, au cœur de la ville. On y boit, dans d’immenses verres à pied, des boissons aux teintes intrigantes. Elle a l’art consommé d’être là où il faut se montrer, usant alors d'anglicismes pour exprimer sa joie. Le luxe et la volupté font bon ménage au pays de la société des gens qui sourient sur commande.

Feuilleter ses rubriques est un étrange voyage au pays de la vacuité d’un monde qui ignore la crise et la pauvreté. L’entre-soi est le formidable bouclier protecteur pour ces personnages de carton-pâte qui aiment à se retrouver sous le soleil d’Ibiza. La belle escapade que voilà surtout quand c’est septembre et que le menu fretin, la plèbe, a repris le collier.

Madame Édith vit de publireportage. Ce sont de belles annonces promotionnelles grimées en articles de fond. Le fond, c’est justement ce qui manque le plus à cet étrange commerce de la gratuité. La qualité du papier, la beauté froide du graphisme, l’abondance des illustrations compensant sans nulle doute une insuffisance rédactionnelle. Il convient d’être indulgent ; ce genre de magazine rutilant n’est pas destiné à être lu. C’est un bel objet à regarder.

Madame Édith n’hésite pas à renvoyer l’ascenseur à ses amis, ses soutiens, ses partenaires. Elle a fait de son joli produit sa carte de visite et son viatique pour quelques privilèges justement accordés. On se fait la courte échelle, on se congratule, on s’autoproclame dans ce petit microcosme de la bourgeoisie locale. C’est un monde sans rides, sans soucis, sans fautes de goût. Un monde idéal pour tout ceux qui n’aiment pas le réel.

Madame Édith a encore une âme de petite fille. Elle se promène au pays des contes de fées. Même, s’il faut l’avouer, les ogres et les sorcières ne sont pas un univers pour les enfants. Madame Édith le découvre en feuilletant rapidement « La psychanalyse des contes de fées » de Bruno Bettelheim . Cette référence absolue en la matière devient pour elle un ouvrage controversé qui est tiré par les cheveux. L’expression se justifie car plus loin on fait la promotion d’un salon de coiffure qui a le privilège de disposer d’une coloriste experte …

Madame Édith a un vernis culturel. Les contes de fées se résument pour elle aux grands classiques : ceux qu’on ne peut avoir manqués durant son enfance. Hansel et Gretel, Le petit chaperon rouge, Blanche neige, la Belle au Bois Dormant, Cendrillon et le Petit Poucet. On devine que les dessins animés ont remplacé pour elle la lecture de nos grands auteurs. Il n'y a que le gratin : celui qu'il convient de mettre en évidence pour briller dans sa société factice.

Un psychanalyste local, sans doute bien plus accessible que le pauvre Bettelheim, vient apporter sa caution à l’entreprise culturelle. Les truismes fleurent bon le consensus mou. Dans un pareil ouvrage, il convient de ne jamais choquer l’ordre établi. C’est pourtant là la raison d’être du conte qui est par essence subversif, inquiétant, monstrueux et déstabilisant.

On ne s’aventure jamais dans de telles contrées. Madame Édith reste à la lisière du bois avec son gentil panier à provisions rempli des jolis produits des marchands des halles. Quant aux contes plus récents, l’expert les balaie d’un revers de la main. Ouf, j’ai redouté un instant que mes Bonimenteries ne fussent évoquées dans un tel ouvrage. Me voilà échappant au pire, le papier glacé m’a toujours fait froid dans le dos et ce monde artificiel ne sera jamais le mien.

Conteusement leur

 à vous de voir

http://fr.calameo.com/read/000755574fb8b8944d925

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