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Billet de blog 17 novembre 2025

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Donnez-moi mon sujet quotidien.

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Supplique du chroniqueur en mal d'inspiration.

Illustration 1
© André Haulotte

« Oh grand créateur, oh muses merveilleuses, donnez-moi chaque jour mon sujet quotidien que je puisse noircir le papier ainsi que les canailles de ce monde. »

La supplique fait parfois long feu, car comme chacun sait, le diable ne fait pas dans le détail et bien trop nombreuses sont les sources d'inspiration qu'il convient de repousser pour ne pas rendre service à tous les malfaisants qui tiennent le haut du pavé. Trop parler d'eux, même en mal, c'est leur rendre service éminent puisque pour eux, rien n'est plus important que de faire parler d'eux.

Alors, il reste à chercher le sujet qui peut faire chronique sans offusquer les multiples sensibilités qui font d'un thème ou d'un combat leur cheval de bataille. Je ne vais pas vous dresser la liste de tout ce qui met en colère ces chevaliers blancs d'une bataille idéologique quelconque. La tolérance en ce domaine a déserté bien des maisons.

Faute de devoir puiser avec une extrême parcimonie dans les sujets d'actualités au risque de passer sous une bannière quelconque et au pilori pour tous les autres, il ne reste que les frasques de nos politiciens qui font désormais l'unanimité contre eux, à la condition de n'en citer aucun en exemple. Le cas général est la plus sûre manière de mettre les rieurs de son côté sans offusquer les ultimes gardiens du temple.

Les inepties locales fournissent quant à elles une matière inépuisable au risque de lasser ceux qui vivent loin de cette cité d'exception, qui à l'imitation de toutes les autres de même grandeur, se plaît à mêler l'absurde, le grotesque, l'ubuesque et le scandaleux dans la gestion du quotidien. Leur rappeler c'est alors prendre le risque des rétorsions et des anathèmes qu'aiment tant à distribuer ceux qui détiennent le pouvoir.

Pour écrire au quotidien, il convient donc de multiplier les angles de saillies, de diversifier les thèmes, de multiplier les points de vue au risque de ne plus savoir vraiment sur quel pied danser. C'est aussi la plus belle manière de se fâcher avec tout le monde puisque tenir le rôle du bouffon ou du fou du roi, n'est plus de mise en ce bas monde.

Reste la langue, le monde des expressions et celui de la vie quotidienne pour tirer à la ligne et trouver matière à raconter quelque chose sans blesser les susceptibilités si nombreuses de nos jours. Même là, les censeurs sont à l'affût de la plus petite entorse au catéchisme officiel de la nouvelle aseptisation générale des pensées.

En ce domaine, il convient de marcher sur des œufs pour ne pas tomber sous les tirs croisés des féministes, des religions de toutes obédiences, du wokisme triomphant, des intégristes de l'environnement, des négationnistes du climat et surtout des analphabètes qui ne supportent plus de lire des phrases trop complexes avec des mots compliqués.

Écrire est devenu une course d'obstacles avec handicap et des chausse-trappes à chaque ligne. Même la fiction pose problème car il faudra se justifier sur le prénom, le genre et la sexualité de chaque personnage tout en se montrant le plus évasif possible sur leurs origines, classes sociales, et croyances. La neutralité finit par tout passer au désinfectant pour ne pas se voir crucifié par les ayatollahs de toutes chapelles.

En reprenant mon incipit, je me rends compte avec effroi que j'ai évoqué le grand créateur, sans autre précision du reste. J'ai certainement outragé les athées et les agnostiques, les premiers tenant à se distinguer des seconds, quant à la convocation des muses, je risque fort de déplaire à tous ceux qui les ont mises au rencart au profit de l'intelligence artificielle. Enfin, prétendre noircir les canailles de ce monde c'est justement tomber dans le panneau en attribuant à une couleur une symbolique qui va me mettre à dos bien des communautés. Devant toutes ces difficultés, il est préférable de renoncer à écrire, du moins pour ce jour.

Illustration 2
© Gustace Courbet

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