Prise de pouvoir de la petite reine

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Le vélo est à coup sûr élevé au rang de souverain dans notre cité au point du reste qu'un député qui s'auto-proclame engagé, expose sa trombine sur des affiches qui couvre les panneaux publicitaires et n'a pas oublié de glisser un petit vélo en bas de sa propagande pré-électorale et de ses incomparables binocles. Il laisse ainsi croire qu'il sillonne sa circonscription à bicyclette alors qu'il arpente plus sûrement les plateaux TV, ceux où l'on peut dérailler à loisir et foncer tête baissée dans les chausse-trappes des nids de poule semés par Bolloré et les siens.
Mais qu'importe celui-ci qui n'a pas encore emporté de haute lutte la ville qu'il convoite, la bataille se déroule ailleurs, en roue libre sur des trottoirs qui sont désormais le royaume de la petite reine de location métropolitaine. Jadis attachés à une borne électrique quand les vélos de prêt payants étaient stationnés dans des endroits repérables et non envahissants, le changement de prestataire a totalement changé la donne.
Le vélo qui du reste a changé d'allure, optant pour une esthétique discutable, en encombrement certain avec la curieuse possibilité de recevoir deux utilisateurs, dont l'un sur le porte bagage, se range ou plus exactement s'abandonne n'importe où sur un espace jadis réservé aux piétons et qu'on nomme encore dans cette certaine commune civilisée : un trottoir.
Bien sûr, des marques au sol sont censées délimiter des espaces à cet usage réservé, espaces qui du reste sont envisagés sans le moindre souci de circulation ni de respect pour les attardés qui vont encore à pied, éventuellement en poussant un landau qui ne trouvera plus de place pour contourner ce dépôt sauvage qu'impose un système de location absurde.
En effet le coût de l'aventure est fixé à deux euros pour 10 minutes d'usage. Le temps imparti dépassé, l'engin s'arrête là où il a atteint sa limite de validité. Il ne reste plus qu'à l'usager pressé de l'abandonner sur sa béquille dans un équilibre instable. Qu'importe si un bambin qui joue ou se déplace là où il est censé pouvoir le faire, fait choir cette chose inélégante au possible, lourde et dangereuse de surcroît.
Notons qu'en dix minutes dans cette cité, on est censé pouvoir effectuer son déplacement. Un temps suffisant pour les décideurs du centre ville, un impossible dès que l'usager vient de l'un de ces quartiers périphériques dont on n'a si peu d'égard ici. Alors les vélo deviennent des épaves encombrantes, des verrues qui se font ventouses hideuses au milieu du passage.
Tout ceci s'inscrit dans la volonté de démontrer que toute la place est faite à ce moyen de locomotion qui porte à lui seul les vertus d'une mobilité qualifiée alternativement de douce, durable, écologique, civique et naturellement citoyenne au point du reste de l'émanciper de toutes les règles et usages du code de la route ainsi que du partage en bonne intelligence de l'espace commun.
Le vélo est élevé au rang de tyran local, s'octroyant le droit de fendre la foule des badauds pourvu qu'un coup de sonnette avertisse de son passage fulgurant, se permettant d'emprunter les trottoirs quand bon lui semble et à allure respectable et cela même quand des bandes cyclables leur sont dédiées et cela avec la bienveillante indifférence d'une police locale qui agit avec la même permissivité avec la horde sauvage des trottinettes.
Des conseillers en communication ont sans aucun doute imaginé que la prochaine élection municipale se gagnera sur la surenchère dans le domaine de la bicyclette et de tous ses avatars électrifiés. Nous aurons certainement droit à une campagne itinérante, le mollet altier et la fleur au guidon. Il est à espérer qu'une liste songera à défendre les droits du piéton, quantité négligeable désormais quand ces derniers se voient contraints de sortir des clous pour laisser passer la furia « cyclopédique ».

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