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Billet de blog 20 avril 2012

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Le difficile apprentissage de la chose politique.

J - 2Je vous reçois dix sur dix. Une élection présidentielle devrait être une formidable occasion de faire un cours grandeur nature d'éducation civique à nos élèves. Jamais en repos, j'ai souhaité proposer un vote à tous les élèves de mon petit établissement, idée bientôt relayée par des collègues avec lesquels j'avais gardé des liens étroits. Ainsi, nous aurons en avant-première les résultats de ce premier tour. La loi me permettra—elle de les divulguer à la France inquiète et si pressée de savoir ?

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J - 2

Je vous reçois dix sur dix.

Une élection présidentielle devrait être une formidable occasion de faire un cours grandeur nature d'éducation civique à nos élèves. Jamais en repos, j'ai souhaité proposer un vote à tous les élèves de mon petit établissement, idée bientôt relayée par des collègues avec lesquels j'avais gardé des liens étroits. Ainsi, nous aurons en avant-première les résultats de ce premier tour. La loi me permettra—elle de les divulguer à la France inquiète et si pressée de savoir ?

Je me suis confronté tout d'abord au mur de l'anonymat. Les élèves de 12 à 16 ans ont encore, à moins de cinq jours du scrutin, des candidats qui leur sont totalement inconnus. Il semble que le journal télévisé ne constitue plus le grand rendez-vous familial qui permettait d'avoir, au moins, un semblant de lecture commune du monde. Nos enfants échappent presque totalement à nos préoccupations d'adulte.

Puis, naturellement, j'ai flirté avec les opinions des familles. Les élèves avaient la tentation de ressortir les phrases entendues à la maison et que je ne voulais surtout pas entendre. Je souhaitais qu'ils se fondent une opinion par l'observation des affiches, des slogans, des clips de campagne, des bribes d'information qui leur arrivaient aux oreilles. Combien de fois me fallut-il interrompre une réplique qui était manifestement répétée pour nous attacher seulement aux critères de choix sans dévoiler le choix lui-même.

La distinction que l'on pense universelle entre Droite et Gauche leur échappait totalement. Comment la définir en toute objectivité, car en classe, cette exigence s'impose vraiment. Il y avait bien cette déclinaison du mot France, les drapeaux tricolores visibles surtout dans les meeting de droite, le ton et la forme des interventions des candidats qui permettaient de sentir une nuance qu'on ne trouvait pas dans la maison d'en face.

Il y avait encore une nouvelle ligne de fracture qui échappait au clivage ancien. L'Europe, l'euro étaient en ligne de mire de nombreux candidats que je qualifiai de souverainistes dans le souci d'être conforme aux usages journalistiques. Cette fois, c'est moi qui fut surpris de découvrir à quel point l'euro faisait parti de leur existence puisqu'ils avaient grandi avec lui et n'imaginaient même pas qu'il puisse être remis en cause.

Des propositions, rares il faut le reconnaître, émergèrent alors. Celui-là ne pouvait supporter l'idée que des candidats soient pour le mariage homosexuel, cet autre s'indignait qu'on puisse souhaiter la légalisation du cannabis, certains s'étonnaient que tout le monde ne payât pas la crise de la même manière, beaucoup se demandaient ce que pouvaient être ces bourses qui dictaient leur volonté au Monde.

Au bout du compte, bien peu de propositions fortes retenues, bien peu de repères identifiables pour distinguer l'un plutôt que l'autre parmi les favoris. Peu de place aussi pour les candidats protestataires. La révolution, l'insurrection, la protestation sont, pour eux, des idées bien étranges, des moyens incertains qui remettraient en cause leur mode de vie.

La seule fracture certaine, comprise, réprouvée officiellement est celle du rejet de l'autre, de l'étranger. Là, le Front National est montré du doigt, toujours réduit à l'adjectif « Raciste » alors que je devine que certains ne disent rien, quand chez eux, on pense l'exact contraire. Ce qui est nouveau aussi, c'est que le candidat sortant se voit gratifier du même reproche, lui qui plaisait tant, il y a cinq ans dans nos classes.

Curieusement, le discours de Cheminade sur la conquête spatiale évoque de l'intérêt. Il est plus facile de comprendre ce projet que les autres positions sur l'Europe, la dette, la solidarité ou l'économie. On perçoit alors un manque de rêve accessible, le grand soir ou la sixième République n'étant pas des perspectives évocatrices à leur âge. Nos candidats protestataires risquent fort de n'être pas entendus par ces gamins.

La seul chose certaine c'est qu'ils sont heureux d'être ainsi sollicités. Ils ont fait un peu plus attention à la campagne officielle, ils ont réfléchi à ce qui pouvait être dit, sans vraiment comprendre les tenants et les aboutissants de ce moment important pour notre démocratie. Il laisse entrevoir que la Politique divise les familles, que ce sujet est souvent écarté à la maison.

J'ai fait mon possible pour ne jamais dévoiler ma préférence, pour ne pas influencer leur réflexion. J'attends maintenant avec impatience de découvrir ce sondage étrange, ce vote de gamins, pour beaucoup, exclus du partage mais vraies éponges à air du temps.

Citoyennement leur.

Premiers résultats officiels portant sur le vote de 81 collégiens de Segpa issus de 2 établissements.

Bulletins blancs : 5

Votes nuls : 2

Éva Joly : 2 voix

Nathalie Arthaud : 2 voix

Marine Le Pen : 8 voix

Jacques Cheminade : 4 voix

Nicolas Sarkozy : 7 voix

François Bayrou : 1 voix

Jean-Luc Mélenchon : 9 voix

Nicolas Dupont-Aignan : 3 voix

Philippe Poutou : 3 voix

François Hollande : 35 voix

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