L'été gourmand

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Les marchés du sud-ouest recèlent des trésors de gastronomie tout autant que les incontournables attrape-nigauds que la gente foraine est capable de proposer pour leurrer le touriste en goguette, l'acheteur le plus susceptible de se laisser dépouiller de son plein gré. Après avoir tenté de parcourir dans une marée humaine celui de Saint-Antonin-Noble-Val, la sagesse voulait de tenter d’assouvir notre fièvre acheteuse du côté de Caussade.
Il n'y a guère de surprise, on trouve les mêmes étalages qui pratiquent eux-aussi leur Tour de France sans avoir recours aux produits stupéfiants. Il convient de ranger les étalages en deux catégories : les produits de bouche et les produits louches. Mais ne soyons pas dupe, le louche aussi concerne la bouche tant il n'est pas facile de repérer le véritable producteur du revendeur. Parmi ceux-ci il convient de distinguer l'habitué du marché et les occasionnels de la caravane estivale. Il y a de quoi se perdre…
Sans que cela puisse être considéré comme une généralité, la taille de l'étal est un bon indicateur. Plus ça s'étale, plus il convient de se montrer circonspect. C'est un peu comme la longueur de la carte dans les brasseries et autres caboulots représentant les « nourrissoires » de l'industrie agro-alimentaire. Il est un domaine tout particulier où le n'importe quoi domine la question en remettant singulièrement en cause l'adage : « Tout est bon dans le cochon ! ».
Le saucisson sec détient à ce titre la palme de l'imagination débridée et du tour de cochon industriel. On y trouve tous les parfums possibles pour dissimuler plus ou moins adroitement l'origine incertaine d'un pauvre goret qui a rendu l'âme avant que de se faire de l'excellent sang et du bon gras. C'est ainsi que repoussant ces illusoires étalages charcutiers, je vis à l'écart, une petite vitrine réfrigérée chargée sur son pourtour d'une charcuterie qui semblait s'être trompée de siècle.
Aux manettes, Serge, un esthète du bon et bien vivre venait de fêter ses soixante années de présence sur ce magnifique marché. Une paille pour qui ne mégote pas sur la qualité de la bête qu'il honorera de son ancestral talent pour mettre en musique une chair grasse comme il convient puisque issue d'une truie qui a de la bouteille. Et ce ne n'était pas suffisant, le foie du canard gras vient à la rescousse pour concocter un friton à vous damner.
Que dire d'une ventrèche dont la couleur même sort totalement des canons de produits standardisés. Le gris domine en repoussant à jamais la perspective d'un rose aussi douteux que chimique. Quant au goût, il n'y a pas photo quoique l'expression est fort mal appropriée puisqu'avec Serge on n'achète pas sans avoir goûté. L'homme du reste ne lésine pas sur la quantité de l'échantillon qui n'a rien d'homéopathique.
Il faut du reste ne pas être pressé puisqu'entre récit personnel, évocation de son métier et de ses clients, vous allez vous remplir la panse et les oreilles, découvrir ce personnage pittoresque, picaresque, ubuesque. Vous découvrirez alors qu'il a son laboratoire à Villefranche de Rouergue, qu'il ne fait que trois marchés : samedi à Montpezat du Quercy, le dimanche à Villeneuve d'Aveyron et le lundi à Caussade.
Après une demi-heure en sa compagnie, je suis reparti le ventre plein, le sac à provision plus copieusement garni encore et des cadeaux pour faire profiter les miens. Un personnage que je vous invite à découvrir à votre tour tant sa fréquentation est plaisante et sa charcuterie exceptionnelle. C'est grande réjouissance de trouver encore un tel artisan, amoureux de son métier et désireux de partager sa passion avec des clients qui même l'espace d'une seule visite, ont l'impression d'être de ses amis.

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