Distribution à la sauvette

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Depuis une escale malheureuse dans l'univers de l'édition, mes « Bonimenteries » sont restées à quai, ne s'offrant de voyages que par le truchement d'un conteur au bord de l'eau. Leur nombre, leur diversité, leur éparpillement à la fois thématique, géographique et contextuel m'a fait sans cesse repousser l'idée d'une nouvelle publication. La tâche s'avère aussi rude que désespérée tant le nombre de ces récits atteste de la déraison d'un auteur victime d'une hypertrophie du récit ligérien.
Si au temps de la glorieuse marine de Loire, les marchandises étaient déchargées avec un ordonnancement rigoureux, chaque quai ayant sa spécialité, sa marchandise, je me heurte ici à l'impossibilité de donner une cohérence à des nouvelles qui surgissent au hasard d'un déplacement, d'une idée, d'un contexte ou de manière totalement fortuite également. Organiser ce recueil en chapitres thématiques serait aussi vain qu'artificiel. Le mieux étant de laisser faire le vent, qui n'a eu de cesse de me souffler tout ceci au creux de l'oreille.
Je ne ferai pas la sottise d'enregistrer quelques textes, qualifiant immédiatement les autres de subalternes afin de compléter l'ouvrage d'un CD qui ne serait écouté au mieux qu'une fois. Nombre de ces récits ont du reste été le support d'une petite animation YouTube qui n'avait d'autre objet que de mettre en forme un montage sonore pour mon émission hebdomadaire : « À mots ouverts » sur la Webradio : « Soleil et Mélodies, la Radio ».
Je vous laisse la liberté de dénicher sur ma page YouTube ces enregistrements souvent maladroits, réalisés avec les moyens du bord, sur la terre ferme. Marinier à pied, je n'ai pas d'autre ambition que de vous raconter mes sornettes lors d'animations en bord de rivière. Grande souvent est la différence entre l'écrit initial tel que vous pourrez le découvrir au fil des pages et la « racontée » publique qui n'est jamais figée dans le marbre.
Cependant, je sais que quelques animateurs de balades sur l'eau puisent dans mes écrits matière à eux aussi les narrer auprès de passagers d'un jour. C'est pour eux et ceux qui voudront bien faire de même que ce recueil a sa raison d'être en leur donnant totale carte blanche pour se les approprier. Le sens de la propriété n'a pas sa place dans l'univers de la tradition orale.
D'autre part, dans d'autres lieux, des animateurs, des enseignants, des bibliothécaires et d'autres encore, pourront s'ils le désirent puiser dans cette collection hétéroclite. Qu'ils n'oublient jamais alors de reprendre totalement le récit afin de se l'approprier véritablement, de le placer dans le contexte qui est le leur avec les mots et les tournures qui ont leur préférence .
Cette prétention explique la publication d'un tel ouvrage qui n'a nullement l'ambition de toucher le grand public ni même d'encombrer certaines grandes librairies urbaines peu enclines à faire de la place à ces auteurs régionaux qu'ils méprisent souverainement.
Ce sera donc après une véritable quête d'initié que ce présent ouvrage tombera dans des mains innocentes, ignorant la vacuité d'un tel recueil. Prétendre distraire le monde en racontant des histoires est passé de mode selon les promoteurs avisés des animations et spectacles dans les innombrables guinguettes ligériennes et sur les podiums festifs qui ne sont prétexte, le plus souvent, qu'à un joyeux concours de décibels.
Sa rareté en fera aussi sa valeur qui n'aura rien de pécuniaire. C'est le bonheur de la transmission et du partage qui se joue là, loin des idées reçues qui prétendent que le bon peuple n'apprécie plus qu'on lui raconte des histoires. J'ai maintes fois vérifié le contraire en constatant cependant que rares étaient les décideurs qui se risquaient à me prêter une oreille. Ceux-là sont obnubilés par la recherche de la notoriété, démarche qui les écarte irrémédiablement de l'authenticité qui sied à la pratique de la transmission des contes, des légendes et des mythes.
Bonne lecture à vous.

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