Le bruit et la fureur.
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Deux expériences récentes m'ont conduit à me rendre dans des arènes sportives, lieux que j'avais cessé de fréquenter depuis quelques années. Quelle ne fut pas ma surprise de découvrir un tout nouvel environnement, essentiellement sonore celui-ci, sans le moindre respect de la pratique, des visiteurs qui ne sont plus que des adversaires et des spectateurs sensibles des oreilles.
Il n'est donc plus possible de regarder une rencontre que ce fut en plein air ou bien dans une enceinte couverte sans devoir se boucher les conduits auditifs devant les injonctions d'un chauffeur de stade à hurler, vociférer, crier pour soutenir ses couleurs. Comme le tout est ponctué d'une bande son assourdissante, nous sombrons dans la plus pénible des cacophonies.
Tout cela sous la houlette d'un animateur décérébré qui bien qu'équipé d'un microphone, semble le prendre pour un porte-voix, afin de tenir des propos d'une rare vulgarité, non pas dans le contenu mais dans la forme et le ton. Le tout en invitant un public par trop complaisant, à le suivre dans ses élucubrations oiseuses à la seule condition de faire grand bruit.
Le bruit et la fureur, le leitmotiv de cette animation qui vise à transformer le public en foule vociférante ce qui nous renvoie immanquablement aux grandes manifestations populaires des pouvoirs dictatoriaux. Je ne puis que m'inquiéter de constater à quel point il est aisé de conditionner cette masse décérébrée qui suit à la lettre les injonctions d'un être aussi peu doué de raison que de modération. C'est affligeant tout autant qu'inquiétant.
Le tout est voulu par des dirigeants sportifs qui ne conçoivent plus une rencontre sportive dans le silence de connaisseurs qui se contentent d'applaudir aux belles actions, qu'elles fussent dans les deux camps. Plus il y a de bruit lorsque l'équipe locale joue, meilleur est le spectacle selon ce principe qui semble faire abstraction d'autres critères.
Le plus surprenant et à vrai dire préoccupant dans cette fournaise de l'esprit, c'est la docilité et même la complicité heureuse d'une grande partie de la foule, prompte à suivre, gorge déployée, les slogans du gourou, les injonctions à trépigner, hurler plus fort que son voisin, se lever aux ordres du caporal-chef. Le peuple est mûr pour la dictature, le sport est à ce titre un formidable terrain d'entraînement.
Je devine la désapprobation de ceux qui participent de bon cœur à cette mascarade. Ils prétendront que c'est leur loisir, leur plaisir, leur manière de se sentir en communion avec les couleurs qu'ils défendent. Je ne vais pas les contredire, les grandes tyrannies débutent toujours ainsi. Je tire la conclusion que jamais, je ne me rendrai dans ces immenses salles de 10 000 spectateurs où les décibels en jeu mettent en danger les oreilles des participants et leur hygiène mentale
Nous allons droit vers une grande acculturation des masses. Tout concourt à en faire des moutons obéissants même s'ils délaissent les bêlements pour des beuglements qui favoriseront ultérieurement leur abatage de masse. Ce sera au seul et unique son de la Marseillaise, ultime chanson au répertoire d'un peuple qui ne sait plus chanter, que la fleur au fusil, ces masses endoctrinées passeront des terrains de sport à ceux des opérations militaires.
Quand la culture se fait simple distraction, quand le sport n'est plus que prétexte à des mouvements d'une foule hystérique, singeant les combats armés, quand la raison part en capilotade pour préparer des lendemains douloureux qui déchanteront amèrement, il y a de quoi s'inquiéter. Hélas, le mal est si profond qu'il est bien inutile de mettre en garde tous les décérébrés de cette société en totale déliquescence à l'aulne de la stupidité désolante de ses dirigeants et de ses élites.