Bilan subjectif de la Remontée du Saumon.
Remonter la Loire de Meung sur Loire à Sully sur Loire avec une flottille de marins d'eau douce, forts en gueule et farouchement indépendants ne fut pas chose aisée. Vingt bateaux de bois sur un fleuve qui n'est pas de tout repos pour le navigateur. La Loire réclame prudence et tempérance, impose ses volontés à l'homme qui s'aventure sur son onde, exige modération et discipline, ce qui, hélas,manqua souvent à notre troupe marinière.
Cela commença d'ailleurs par un grand coup de gueule, nécessaire et salutaire de l'amiral Jean, grand pourfendeur du grand n'importe quoi. Ce ne sont pas les novices qui doivent être à la manœuvre quand l'armada se met en branle. Il avait raison et la suivre prouvera qu'il aurait fallu retenir le conseil. Vingt bateaux de bois dont la plupart font douze mètres de long sur un espace réduit, c'est occasion rêvée à carambolages et belles embardées.
Cela se poursuivit à chaque arrivée et départ, aux passages de ponts, surtout quand ceux-ci sont délicats à franchir. Nous eûmes maintes fois l'occasion d'entendre coup de gueule et exclamations, de voir belles pirouettes dans l'eau et de déplorer un peu de casse à bord. Pour être mariniers par passion, nous n'en sommes pourtant pas marins aguerris à l'art complexe de la navigation en bande.
Le passage du Pont Royal fut à ce titre un point d'orgue qui eut son billet. Nous nous en sortîmes, par miracle, sans grand dommage. La leçon ne fut guère retenue et la suite fut du même tonneau. Objet bien souvent de sortie sous sa forme moderne du cubitainer en plastique, la tradition n'est pas toujours suivie à la lettre.
Car à rester si longtemps sur l'eau, le marinier prend vite soif et comme l'homme n'est pas du genre facile, il ne faut pas faire que lui en promettre. Il y eut grande goulée de vin tout au long du parcours, ce qui peut aussi expliquer quelques manœuvres hasardeuses. Mais que celui qui n'a jamais fauté m'offre la première bière !
Il faut dire, pour leur accorder pardon ou circonstances atténuantes, que bien des villes ou des villages traversés firent bel et bon accueil à la Remontée du Saumon. Les haltes d'Orléans, de Chécy, de Bou, de Jargeau, d'Ouvroir les Champs, de Saint Benoït sur Loire et de Bouteille furent à ce titre exemplaires. Les municipalités n'hésitant pas à tenter tous nos diables en leur offrant apéritif ou café arrosé. Le mariner est gars aimable et ne sait pas refuser un geste convivial !
Les arcandiers, les berdilleurs et tous leurs collègues, tous occupés à leur collation roboratives oublièrent un peu de tenir leurs promesses. Ils devaient pousser quelques chansons de Loire et montrer les bateaux aux curieux venus assister à leur passage. Seul un scribouilleur tint parole en offrant à qui le voulait bien sur la rive une histoire de Loire et de sa marine.
Qu'importe, l'aventure fut belle même si elle eut mérité un peu plus de vent favorable de manière à sortir la voile, spectacle magnifique pour les yeux et si conforme à l'histoire de notre marine. À l'arrivée, il restait encore une quinzaine d'embarcations pour atteindre la croix de Saint Nicolas, patron des mariniers, plantée face à notre Loire à Saint Père.
Pour la prochaine édition, nous devrons régler quelques détails, mettre un peu plus d'ordre dans nos manœuvres et de sagesse dans nos appétits. Il faudra tout autant que les arrêts soient mieux planifiés pour que nous offrions un véritable partage à la population à terre. Enfin, il serait bon que toutes les municipalités ouvrent leurs bras avec la même spontanéité que quelques petits villages qui donnèrent belle leçon d'hospitalité.
La première Remontée du Saumon est morte, vive la suivante. À n'en point douter, l'aventure mérite qu'on la renouvelle, qu'on lui donne plus de retentissement à terre afin de donner à cette balade fluviale l'écho qu'elle mérite. Nous tirerons les enseignements de ce fort sympathique ballon d'essai.
Rétrospectivement leur.
FIN