Pauvre de lui.

C'est le seul qui soit marron dans cette affaire ?

Il a le curieux sentiment d'être le dindon de la farce à l'approche de Noël. Tout le monde parle de lui, il est dans toutes les bouches et se fourre même dans d'autres endroits qu'il n'est pas raisonnable d'évoquer ici. Il joue du cornet ou de la farce, serait, parait-il une bonne pâte et la crème de nous tous même s'il a tendance à revenir de manière saisonnière dans les canards en mal d'inspiration. Il se peut même que son humour soit glaçant quand on prétend qu'il vient d'Inde alors qu'il est né quelque part en Grèce.

Le marron aurait dû être heureux, lui dont l'origine de son nom fait référence à un caillou, tant il est lisse et de forme idéale pour être jeté par une fronde ou un lance-pierre. Hélas, il ne fait rien de tout ça et encore moins le bonheur de notre table. Pire même, il est toxique pour les chevaux qui avaient la réputation fallacieuse de l'apprécier. Alors il se morfond au moment des fêtes et s'indigne de voir son nom s'inscrire sur les menus de toutes les tables.

Cette usurpation d'identité le désole. La châtaigne a beau jeu d'avancer masquée tout en sortant de sa bogue sous un autre nom dès qu'il s'agit de mettre les pieds sous la table. Qu'importe la manière pour elle de régaler les convives, elle le fait sous un nom d'emprunt ce qui justifie certainement sa manière sournoise de farcir les pauvres volailles, sacrifiées sur l'autel d'une naissance lointaine.

C'est ainsi que s'associant avec le collectif des chapons déshonorés, il entend mener une virulente campagne médiatique pour rétablir les choses au second et obtenir l'usage exclusif de son patronyme. À l'avenir il ne devrait plus être question d'émasculer ces pauvres bêtes ni même de les bourrer avec autre chose que des châtaignes.

Pour soutenir ce courant d'opinion, le marron a obtenu le soutien de la société EDF qui en matière de châtaigne en connaît un rayon. À l'heure du tout électrique, il est bon de nommer convenablement les produits qui concourent au succès de la nuit durant laquelle on dépense le plus d'électricité domestique.

Percevant le succès potentiel de cette démarche, les glands entendent eux aussi faire entendre leur voix, eux qui s'estiment les grands oubliés de la soirée. Si la bûche est à la fête, elle tire la couverture à elle en oubliant qu'elle n'est rien sans le sacrifice de ces derniers. Les glands veulent leur part d'exposition et brûlent de figurer sur la bûche en lieu et place des nains et des champignons qui n'ont rien à voir dans cette histoire.

Le mouvement naturellement fait boule de neige et d'autres profitent de l'aubaine pour avancer eux aussi leurs récriminations qui deviennent vite des revendications. Ainsi canards et oies se dressent comme la confusion homophone entre foi et foie. Que la nativité soit encore une question de foi ne devrait en rien justifier qu'on les gave ainsi pour s'offrir une cirrhose qui n'est même pas alcoolique. Les canards surtout se rappellent l'heureux temps jadis où pas un repas se terminait justement par un petit canard imbibé de goutte.

Constatant les diverses récupérations que son initiative provoque, le marron se demande s'il est judicieux de s'associer à d'autres déçus des fêtes. Il serait fastidieux d'établir la liste des victimes de ces bacchanales à répétition durant lesquelles les humains ont tendance à pousser le bouchon un peu trop loin.

En attendant, voici un joli marronnier traité avec un point de vue assez original pour ne pas provoquer d'indigestion auprès des rares lecteurs qui ne sont pas à table. Ceux-ci du reste doivent se prémunir de Camomille qui est la marguerite des excès alimentaires afin de profiter pleinement des effets relaxants et anti-inflammatoires. Elle apaise l’estomac, réduit les spasmes intestinaux et améliore la digestion après un repas trop copieux.