La levure ou la présure.
Injustement incarcéré alors que mon innocence est une évidence pour tous les amis de mon bord, je prends la plume pour mieux m'envoler et échapper à ce triste sort qui me range désormais dans la grande cohorte des martyres de la liberté. Je sens déjà le souffle de Nelson Mandela sur mon épaule et celui de tant d'autres que ma culture politique ne me permet pas de connaître. Pourtant, je me sens en intimité avec ceux qui ont souffert pour défendre leurs idéaux.
Faut-il que je consacre un premier chapitre à définir mes idéaux afin que vous compreniez mieux ce qui me vaut cette infâme sanction ? Je ne vous ferai pas l'injure d'écrire ici, alors que le temps presse avant mon inévitable élargissement, les préceptes et valeurs qui ont prévalu à mon action. Mes avoirs et mes fréquentations attestent que je suis incorruptible et que l'argent n'a jamais été le moteur de mon parcours.
Dois-je encore justifier mes positions et mon appétit de pouvoir alors qu'on veut me détruire en me glissant derrière les barreaux ? Je préfère fermer la bouche et ne l'ouvrir que pour manger des yaourts alors que la république des juges gauchistes boit du petit lait. Le silence s'impose face à cette affreuse cavale qui me vaut de ronger mon frein derrière ses murs tandis que j'ai tant à faire à l'extérieur pour continuer à porter ma parole de vérité en des conférences grassement rétribuées.
Le plus douloureux et je n'entends pas m'étendre sur le sujet, c'est d'être privé de ma chère épouse, modèle de simplicité et de fidélité. Je me languis d'elle mais ne voudrait pas satisfaire tous mes ennemis qui ne sont que des jaloux et des envieux. Ils n'acceptent pas qu'un être comme moi, une forme de gnome énervé d'après ces individus qui aiment à me salir, puisse être aimé ainsi par la plus belle femme de l'univers. M'enfermer ne changera en rien son amour et ma belle chanteuse m'attendra, quoique vous en pensiez !
Faut-il ergoter sur cette garde rapprochée que l'on m'a accordée afin d'assurer ma sécurité. Je ne suis pas un détenu comme les autres, j'ai droit à bien des égards compte tenu de ma position et de mon passé. Je sais que les véritables fripouilles qui sont provisoirement mes voisins sont tout disposés à me faire la peau. Je suis celui qui a terrorisé les racailles. Il ne faudrait pas l'oublier et je sais qu'ils gardent tous un chien de ma chienne.
Dois-je encore rendre compte de l'amitié d'un collègue que le hasard et ses talents ont placé au poste de garde des sceaux ? N’avait-il pas le droit de me rendre visite alors qu'il me doit tant dans la progression fulgurante de sa carrière ? Il y a dans cette polémique une méconnaissance des relations qui nous unissent en faisant véritablement abstraction des fonctions qui sont les siennes. Jamais, je ne réclamerai un traitement de faveur, mon incarcération en est une éclatante démonstration.
Faut-il revenir sur les honteuses accusations mensongères qui m'ont conduit à supporter ce déni de justice ? J'ai une multitude d'alibis dans cette sombre histoire de Lybie. Je suis blanc comme poudre de cocaïne et je dois ce jugement à la simple et unique raison que des juges m'ont dans le nez. Évoquer mes comptes de campagnes c'est écrire un mauvais conte, une farce scandaleuse. Je suis d'une probité scrupuleuse, mon patrimoine en est une éclatante démonstration. Je vis chichement avec les modestes rétributions liées à mes fonctions électives.
Devant tant de questions qui ne méritent pas de gâcher de l'encre, je renonce à cette aventure biographique. Quand je serai élargi, j'aurai tant à faire pour rattraper le temps et l'argent perdus durant cette parenthèse. Un livre certes pourrait être un joli succès d'édition qui mettrait un peu de beurre dans les épinards mais il n'est pas raisonnable de consacrer du temps à une activité si peu lucrative. Je vais confier le travail à un « N.E.G.R.E » Navigateur Expérimental Générant de la Rédaction Électronique, ce qui démontrera à tous mon ouverture d'esprit.
À propose d'ouverture, voici la porte qui s'ouvre. Je vais pouvoir me sauver de ce cul de basse fosse pour aller bien vite au Fouquet's. Mes mémoires de taulard, de toute manière sont déjà sous presse ...