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Billet de blog 25 oct. 2012

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Petit traité sur la Rumeur

À l'usage des ligériens mais aussi des autres ...  Soucieux de rétablir la vérité vraie à chaque fois qu'on ne me demande rien, je viens lever le voile sur une réputation fâcheuse, faite bien souvent à notre bonne ville d'Orléans. Bien des esprits chagrins ne l'évoquent qu'en référence à cette fameuse rumeur qui serait sa spécialité. Ne reculant devant aucune difficulté, le Bonimenteur se doit d'affronter de face cette sinistre réputation. Tout ceci, vous devez vous en douter ne sont que menteries d'ici !

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

À l'usage des ligériens mais aussi des autres ...

Soucieux de rétablir la vérité vraie à chaque fois qu'on ne me demande rien, je viens lever le voile sur une réputation fâcheuse, faite bien souvent à notre bonne ville d'Orléans. Bien des esprits chagrins ne l'évoquent qu'en référence à cette fameuse rumeur qui serait sa spécialité. Ne reculant devant aucune difficulté, le Bonimenteur se doit d'affronter de face cette sinistre réputation. Tout ceci, vous devez vous en douter ne sont que menteries d'ici !

La Loire est l'axe central de la communication ligérienne. La formule est heureuse, ses conséquences lourdes de désagréments divers à commencer par la difficulté à se parler d'une rive à l'autre. Il faut parler fort et il n'est pas certain que le message passe les flots. Mais, dans ce sens, point de rumeur, simplement au mieux une incompréhension profonde, au pire une ignorance de ce que fait, dit et pense le voisin d'en face. Rien de nouveau d'ailleurs sous le soleil ligérien comme partout où se dresse une frontière, ce travers détestable sépare les humains.

Mais, en ce domaine, nous sortons du cadre et n'expliquons en rien les sources du mal. C'est la physique qui doit venir à notre secours pour comprendre ce mal étrange qui secoue régulièrement notre ville. La rumeur naît de données intangibles et irréfutables, de variations inévitables qui font le nid de la confusion et de l'incompréhension.

Pour communiquer, le ligérien dispose de moyens bien commodes de transmettre l'information. Il peut tout à loisir parler ou écrire comme tout à chacun dans les autres régions de France. Là où se noue le drame c'est qu'il confie au fleuve son message et qu'il y a fort à parier qu'il ne maîtrise pas toute la complexité de la chose.

Si le communiquant choisit la bouteille à la Loire, il n'est pas sans ignorer que le message ne pourra raisonnablement que descendre le courant, privant ainsi ses voisins de l'amont d'une part de vérité à laquelle eux aussi ont droit. L'ignorance est la mère de toutes les perversions, faute de savoir, ils s'imaginent d'étranges choses, le mal est en germe, il suffit de quelques pensées hostiles et la rumeur renaît plus sûrement de ses cendres que notre héroïne locale …

Si notre homme se satisfait du bouche à oreille, il doit prendre en considération le vent dominant, les perturbations météorologiques, les variations saisonnières, les mauvaises pensées du moment. Tout est prétexte alors à déformation, amplification ou travestissement de la parole initiale. Les mauvaises langues font leur triste besogne, les sourdes oreilles n'entendent que ce qu'elles veulent bien comprendre et toutes ces distorsions donnent naissance à des phantasmes terribles.

La rumeur aime à pointer du doigt les minorités, les groupes différents, des victimes bien commodes face à l'hostilité croissante du groupe dominant. Sur la Loire, on dit alors pis que pendre des gens du canal, des cul-terreux ou bien des gens qui ne sont pas d'ici. Éternelle rengaine de la méfiance qui devient intolérance, les flots deviennent agités et bientôt c'est le drame !

Puis il y a ceux qui se jettent à l'eau pour défendre leurs idées, venir au secours des boucs émissaires. Par ce geste magnifique, ils pensent faire entendre leur voix. C'est encore un échec cuisant, un geste inutile. Sous l'eau, le message ne passe pas, il est brouillé, englouti par le brouhaha de la surface. Être inaudible ne sert à rien, la rumeur gonfle faute d'un démenti que personne ne donnera à votre place. Vous vous êtes trop mouillé pour être encore entendu.

Il y a encore ceux qui espèrent faire des vagues. Ils remuent, font des gestes désespérés, lancent des cris de détresse. Leur tintamarre est tout juste bon à faire quelques ronds dans l'eau. La surface se ride un peu, le mouvement cesse bien vite. Tandis que la lame de fond de la rumeur poursuit ses ravages, les rides à la surface sont vite oubliées.

Des Rumeurs il y a en tant et plus. Elles ne cessent de grandir le long de nos quais. Les bateaux ont disparu du paysage quotidien, langues de bois et langues de vipère ont pris le relais de la belle langue colorée de nos mariniers. Si les gens d'Orléans sont surnommés les Chiens, ce n'est pas qu'ils aboient à longueur de journée, bien au contraire, ils savent garder de la tenue, muselés qu'ils sont par des siècles de domination bourgeoise sur la cité. Alors, comme souvent, la déjection canine est la pire des nuisances ; un petit mot par-ci, une insinuation par-là, le chien aime à semer des traces, à marquer son territoire de propos bien sentis. La Rumeur se propage.

J'avais dessein de démentir pour me retrouver à subir ce que je pensais combattre, je n'ai plus qu'à avouer ma défaite. La Rumeur d'Orléans n'est pas une rumeur, elle existe bel et bien et c'est d'ailleurs pour ça qu'il existe en cette ville un bonimenteur de Loire. À force de propager vérités fausses et menteries vraies, il y a fort à parier que l'homme nourrit en son sein la rumeur sournoise et maligne !

Conciliabulement vôtre.

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