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Billet de blog 25 novembre 2025

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L'injonction à la facilité.

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Vos textes sont trop longs.

Illustration 1

Combien de fois ai-je entendu cette réflexion qui sonnait comme un conseil bienveillant : « Vos textes sont trop longs, il faut faire beaucoup plus court ! ». Ainsi donc, pour se plier à la tendance de l'époque, aux facilités de l'heure et aux désirs de flatter les cossards de la lecture dans le sens du poil qu'ils ont dans la main, je devrais chaque jour faire court, simple et pour satisfaire à la seconde demande de ces êtres dans l'air du temps « simplifier considérablement mon vocabulaire ».

Il convient donc de se plier à la médiocrité de l'époque pour faire de l'audience, compter les lecteurs parmi ceux qui justement ne savent plus lire. Cette injonction s'inscrit dans la tendance qui veut qu'il faudrait rendre plus simple la langue de Molière dans ces pièces pour tenter de toucher les ignares qui font semblant d'être des élèves.

C'est implicitement donner raison à cette multitude qui ne sait plus lire, qui ne maîtrise plus les complexités de notre langue, qui exige la simplification de l'orthographe et du lexique, qui réclame la mort des phrases complexes. Pour flatter la multitude analphabète ou presque, il convient de tailler dans l'art de manier les métaphores, totalement inaccessibles aux nouveaux primates des réseaux sociaux, supprimer toute référence culturelle pour les intoxiqués aux écrans débilitants, user du langage SMS pour les raccourcis du bulbe.

Il faut donc se plier aux injonctions d'une société qui entend priver de réflexion la masse, assignée à la seule pratique consumériste. Ouvrir l'esprit, inviter à la réflexion, proposer des textes qui permettent de s'approprier des formes élaborées et des mots nouveaux, ce serait desservir la fonction d'abrutissement général des réseaux sociaux. Inviter le lecteur au rêve, à la poésie, à l'imaginaire ou à la subversion ce serait non seulement une faute mais plus encore un acte antisocial.

Le mieux, pour ne pas subir pareille critique serait donc de donner dans cette forme simpliste du discours publicitaire, de la propagande politique, des explications des journalistes Bolloré. Abolir les phrases complexes en déclarant la disparition des relatives et des subordinations tout en à s’évertuant à n'utiliser que le présent de l'indicatif, serait la plus sûre manière de satisfaire mes contempteurs.

Autre précaution indispensable pour satisfaire à ce rétrécissement langagier, se priver le plus possible de mots devenus obsolètes, rares ou anciens, complexes ou parfois savants au profit des tournures à la mode qui « du coup » vous permettent de ne pas terminer votre phrase en usant d'un définitif « voilà ! ».

Il est vrai que l'excroissance exponentielle des messages écrits de toute nature constituerait une bonne raison de faire bouillir mes textes pour les amincir drastiquement. Proposer une bouillie légère, sans consistance ni saveur, que l'on peut lire à la paille d'un simple coup d'œil distrait, voilà le seul conseil qui vaille à moins que de céder aux sirènes de la stupidité universelle et de confier à une intelligence artificielle quelconque la responsabilité d'une rédaction millimétrée.

Je m'y refuse et continuerai obstinément à proposer environ 4 000 signes à des lecteurs qui ont encore la capacité de consacrer un peu de temps à cette pratique millénaire qu'on nommait jadis la lecture. Que les lobotomisés et les analphabètes potentiels, les élèves des écoles de commerce ou les apprentis journalistes passent leur chemin, ici point de découpe des phrases pour tenir dans un format accessible aux tenants de la trépidation et de l'agitation.

Quant aux derniers Mohican de la lecture, qu'ils soient remerciés de parcourir jusqu'à son terme un billet qui avouons-le franchement tire un peu trop à la ligne et traîne singulièrement en longueur pour des raisons qu'ils comprendront aisément. Certains pieds de nez finissent parfois par tutoyer le pied de page !

Illustration 2

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