Le moteur du développement.
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Nous vivons une époque formidable pour laquelle les codes volent en éclats dès qu'il s'agit de faciliter le moteur essentiel de l'économie libérale : l'achat compulsif et irréfréné. Je devine qu'une fois de plus vous allez penser que je monte sur mes grands chevaux, ce en quoi vous commettriez lourde erreur. Point de chevaux ici puisque mêmes les fiscaux ont été remisés au placard.
Nous avons grandi au mitant des trente glorieuses. L'expansion d'alors, pour pleine d'une énergie qui s'avèrera destructrice ultérieurement, était accompagnée d'une surveillance discrète, bienveillante et permanente qui nous interdisait de franchir une ligne qui était encore jaune. Nous savions que non seulement la maréchaussée veillait au grain mais que de plus, tous les adultes remplissaient leur mission éducative pour nous remettre dans le droit chemin.
Nous devions attendre nos quatorze ans pour accéder à la mobylette qui allait nous donner encore plus d'ailes que nos bicyclettes qui pourtant nous avaient déjà mis le pied à l'étrier. Nous allions sur les chemins et les routes sans crainte, apprenant ainsi à nous conduire parmi une circulation, certes moins dense mais dépourvue de limitations.
L'engin motorisé était alors une étape supplémentaire vers une émancipation qui passerait à coup sûr par la déesse automobile, celle qui faisait vivre mon village d'enfance. Au début, du reste, le casque n'était pas obligatoire ce qui ne nous empêchait pas d'en porter tous un. La prudence et la sagesse étaient de mise sans qu'il fût besoin de recourir à un père fouettard qui du reste ne se serait pas fait prier pour verbaliser…
Nous savions les rudiments du code de la route, nous nous arrêtions aux feux rouges ou au stop. Nous tendions nos bras pour tourner car gare à celui qui sortait du droit chemin. Tout ceci relevait d'une évidence que même le bouleversement de 1968 n'avait pas ébranlé. Quoiqu'en disent certains qui, en dépit de leur passage aux affaires, ne surent jamais rétablir l'ordre bon-enfant qui régnait alors, le BSR n'étant qu'un soubresaut sans lendemain.
Puis, adultes, nous constatâmes que les générations suivantes s'émancipaient joyeusement des règles d'un jeu que nous avions respecté sans rechigner. Ils roulaient sans casque, n'attendaient pas leurs 14 ans pour emprunter une mob qui parfois n'était pas leur. Il était même plus prudent d'anticiper leurs infractions pour éviter le pire.
C'est ainsi qu'on mit le pied dans l'engrenage avant même de se passer d'un engrenage pour transmettre ce mouvement irréfrénable de la désobéissance civique de fait. Le moteur à explosion étant appelé à imploser, pour faciliter le phénomène, l'impuissance publique a donné libre cours à la motorisation électrique sous toutes ses formes et sans législation réelle.
La notion de véhicule à moteur a été court-circuitée par ce diabolique moteur électrique qui s'est embarqué sur tout ce qui pouvait rouler. N'établissons pas la liste de ces engins qui circulent ainsi aussi bien sur les routes que les trottoirs sans qu'il ne soit rien imposé. L'anarchie est au rendez-vous d'une mobilité qu'ils prétendent douce et durable alors qu'elle demeure pour le moins parfaitement illégale et totalement discutable.
Que des gamins arrivent à l'école primaire sur des engins filant une vitesse déraisonnable, sans casque, sûrement sans assurance, sans connaissance du code de la route et sans régulation aucune atteste d'une volonté des autorités de favoriser l'apprentissage de la transgression. La méthode du reste de la part d'une nation dans laquelle il est permis de légiférer avec un casier judiciaire chargé. C'est permis puisque ce n'est pas interdit tandis que rouler ainsi avec un moteur sans attestation routière semble être devenu un principe acquis.
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