En eaux troubles.
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Ils aiment à croire qu'une commune passion les réunit et donnent à voir qu'ils célèbrent collectivement ce lien mystérieux qui est censé faire sens et communion entre eux. Pourtant, l'image est de courte durée pour qui dépasse l'illusion d'une apparence fictive. Tant de choses se jouent dans ce pauvre cérémonial qu'en aucune façon, il ne peut les unir véritablement.
Ils évoquent un passé qui d'ailleurs pour nombre d'entre eux ne s'appuie que sur des représentations hâtives, des images totalement surannées et une histoire qui se contente de n'être qu'image d'Épinal. Rien n'est véritablement établi dans leurs esprits si ce n'est ce désir de jouer à leur tour un rôle qui semble séduire le plus grand nombre d'autant que fort peu font l'effort de se documenter réellement sur ce temps qu'ils célèbrent maladroitement.
Pourtant, très rapidement, ils se découvrent en désaccord avec le compère, le voisin, le collègue pour adhérer à ce jeu de dupe. Chacun dans cette clique comprend son rôle à sa manière, se démarquant à la fois du récit historique, des nuances géographiques et des multiples contingences économiques. Ils sont tous dans la posture sans que jamais la leur soit en symbiose avec celle d'un voisin vu plus comme un comparse que comme un compagnon.
La vacuité de la posture saute aux yeux en dépit d'une vêture qui fait assaut des pires anachronismes, des plus délirants dérapages. Le réel n'a du reste que peu d'importance parce que s'exprime surtout leur volonté de se démarquer de l'autre, de celui qui est censé partagé la même émotion. L'habit ne fait ni le moine ni le fidèle d'autant qu'il est plus que probable qu'aucun deux ne connaît la liturgie.
Puis leur nombre grandissant, les adeptes de cette commémoration équivoque se regroupent en cohortes imperméables les unes aux autres. Ce qui était vague dans les esprits va se cristalliser autour de critères et de valeurs qui n'ont strictement rien en commun avec ce qui les a amenés là. Toutes les nuances de la société vont justifier l'existence de cliques, groupes, groupuscules, bandes qui cesseront de communiquer entre elles tant elles sont diamétralement opposées.
À la fracture générationnelle va se superposer des critères idéologiques inconciliables d'autant plus que les manières de se vêtir, de se comporter, de se divertir et tout simplement d'être seront diamétralement opposées. Tout les distinguera même dans la façon d'envisager et d'honorer l'objet de leur passion. La fracture est implicite et personne ne cherche plus du reste à trouver un terrain d'entente avec le voisin.
C'est alors que se mettent en action des façons d'agir qui se heurtent et se fracassent. Les uns vivent leur plaisir comme un simple passe-temps entre camarades tandis que d'autres cherchent un moyen de faire entendre une voix particulière, une conviction singulière alors que certains font, et c'est fort respectable, le pari de la professionnalisation et que d'autres encore profitent de ce vecteur pour se lancer dans une bataille politique.
C'est le grand brouhaha, une véritable pétaudière quand ils se retrouvent sous la même bannière d'autant que les plus roublards, ne cherchent même plus à singer un prosélytisme de bon aloi visant à convaincre le plus grand nombre de les rejoindre dans cet amour pour un objet commun. Ceux-là cherchent uniquement le profit en se tournant exclusivement vers les décideurs, les financiers, les commanditaires pour les détrousser tout en les déconsidérant souverainement sous leur inépuisable obséquiosité.
Le mépris est ainsi le sentiment le mieux partagé entre les différences coteries qui s'ignorent et s'évitent, se querellent et se déchirent, ne cherchant même plus à donner à voir une solidarité de pacotille. Tout va à vau-l’eau dans ce petit monde qui risque fort de sombrer si personne ne prend garde à recoller les morceaux tant que c'est encore possible même s'il faut se passer des brebis les plus galeuses du lot.
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