Constituer une liste.

Casse-tête pour une écharpe ! 

Qui a connu la difficulté de coucher sur le papier la liste des produits et ingrédients qu'il faudra acheter à son arrivée sur un lieu de villégiature ne peut qu'avoir une vague idée des affres incommensurables du candidat à la mairie au moment de choisir ses colistiers. La tâche devient insurmontable quand celui-ci a abusé des mandats au point de ne plus trop savoir déléguer tout en ayant usé les godillots des premiers mandats.

Les temps ont changé, les amis d'autrefois se sont lassés, certains sont partis en claquant la porte, tous sont las de jouer les utilités avec un chef de file qui se renferme de plus en plus dans un exercice autocratique de la fonction. L'ambition d'un seul a découragé les plus motivés tandis que l'ambition de quelques autres les pousse à ne plus attendre…

Et puis, ce qui était jadis un groupe de compagnons partageant les mêmes vues, ayant un parcours somme toute assez semblable, émanant d'une même catégorie socio-culturelle ne peut plus attirer des électeurs dont les motivations contraignent désormais à un éclatement total de la figuration. Le candidat à sa propre réélection, tout comme ses opposants du reste, doit constituer un savant mélange de profils de nature à satisfaire les différentes minorités d'un corps électoral qui s'éparpille dans toutes les directions.

S'il suffisait autrefois de partager le même dessein, d'avoir une sensibilité commune sur les choses de la politique, d'être éventuellement du même parti politique, aujourd'hui il convient de résoudre une équation aux multiples inconnus pour ratisser large en pratiquant un clientélisme éclectique. Une forme élaborée de la quadrature d'un cercle de plus en plus vicieux tout en respectant une parité qui vient apporter son lot de contraintes supplémentaires. Un véritable casse-tête tout autant qu'un exercice de haute voltige.

Le pauvre homme tout en mangeant son chapeau pour retrouver son écharpe détermine les désormais incontournables de cette liste. Il convient tout d'abord de conserver quelques fidèles grognards en leur rabotant des dents qui commencent à trouver le temps long. Chacun estime dans ce petit cercle que son tour est venu et que leur mentor risque de se lancer dans la campagne du mandat de trop. Il faut sonder les cœurs de personnages qui ne brillent pas toujours de ce côté-là.

Ensuite, il faut renouveler les cadres en tenant compte des impératifs d'une société qui se compartimente de plus en plus. À sa grande désapprobation, notre chef de file doit trouver, pour défendre ses couleurs, des candidats qui expriment au mieux les différents goûts du jour. Non seulement il lui faut apporter du sang neuf, de la jeunesse et de la diversité mais qui plus est, se plier aux grands mouvements qui agitent le tissu social.

Comment mêler la carpe et le lapin quand la première doit représenter la diversité ethnique et le second l'attachement aux valeurs nationales et que dans le même temps il faut de plus introduire des pratiques sexuelles représentant le plus vaste éventail possible tout en y adjoignant des adeptes des grandes religions présentes sur le territoire convoité.

Pour peaufiner cette armée mexicaine, il ne faut pas oublier les sportifs, les artistes, les commerçants, les industriels, les actifs et les retraités, les barbus et les tatoués, les gros et les maigres, les têtes pensantes et les têtes de linotte, qui assurent la tranquillité de cet ensemble hétéroclite.

Enfin, il convient de mettre de l'ordre en plaçant les unes et les autres dans un classement qui donne de l'espoir à certains et réduit quelques autres à un simple rôle de figuration. Tout ceci me direz-vous n'a rien à voir avec la politique, un projet construit et longuement élaboré, le désir de se mettre au service de la cité. Et vous avez raison, ce n'est qu'une pauvre cuisine électorale qui fait fi des compétences et des convictions pour ne s'attacher qu'aux apparences et aux supputations.