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Sur 360 millions de spermatozoïdes de mon père, un est arrivé en premier à l'ovule de ma mère: Et je suis là! Nous sommes tous des gagnants!

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Billet de blog 11 novembre 2011

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14-18: Le cousin Léo, mon héros épistolaire...

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10 millions de morts, 10 millions de coups de hache dans la pyramide des âges de l'Europe, 10 millions de "Noms et non!" à l'Europe.

Ceux dont je me souviens, des témoins de 14-18, c'est du grand-oncle Louis artilleur, qui avait perdu l'ouïe à Verdun; de ma grand-mère maternelle Honorine qui avait perdu son premier mari et ses deux frères; du cousin Léo que je n'ai pas connu et pourtant...

Mon grand-père maternel, le second mari de ma grand-mère, lui, avait-eu de la chance, il avait été fait prisonnier huit jours après l'ouverture de "La Grande Boucherie". Il était paysan comme 80% des poilus. Prisonnier de guerre, "Les Boches" comme il disait, le mirent au travail dans une ferme au fin-fond de la Germanie, pour remplacer les paysans allemands appelés au front. J'espère aussi que, ayant l'amour du travail bien fait, il a aussi bien fait l'amour aux germaines. Mais ça, il ne me l'a jamais raconté...

Dans un tiroir du Buffet, Tout plein, c'est un fouillis de vieilles vieilleries ( j'ai lu Rimbaud beaucoup plus tard) parmi des mèches de cheveux et des photos jaunies, des bougies et des chiffons sentant la cire, il y avait un paquet de vielles cartes postales. Sépia ou colorisées, il y avait celles avec leurs slogans "Morts aux Boches" "Nous vaincrons les Boches et les totos" (les poux) il y avait encore celles avec des décors très kitchs, composés de drapeau tricolore, de bouquets et de jonchées de roses où trônaient un poilu et sa dulcinée.

Écrites au dos à la plume sergent-major par ma grand-mère et par Eustache son premier mari , elles se terminaient toutes soit par "Je t'embrasse tendrement ma petite femme Chérie" signé Eustache ou par "Mes plus doux baisers à mon petit mari" signé "Honorine". C'était leur correspondance de guerre, elle avait 17 ans, lui 27 au début le la guerre, ils venaient de se marier...

Enfant, je les lisais de temps à autres, je les avais classées par dates. La dernière datait de novembre 17. La Vierge Marie assise, tenait le corps dénudé de son fils Jésus, gisant, avec en dessous la légende " Notre espoir est en lui"

Au fil des mois, celles d'Eustache devenaient de moins en moins narratives, de plus en plus répétitives. Au front tout était triste, gris, boueux et même la mort d'un camarade de plus, devînt banale...

Sur celles de ma grand-mère, au dessus des "doux baisers à son petit mari" on trouvait des nouvelles de toute la famille, on pouvait suivre les saisons. C'était le temps des cerises, des foins puis des moissons, des vendanges puis des labours, jusqu'à ce triste hiver 17 où le sergent Eustache fut décapité par un éclat d'obus.

Enfin, sur une carte postale de ma grand-mère, c'est là que je fis la connaissance du cousin Léo:

(...) le cousin Léo, écrivait-elle à Eustache en 16, est en permission ces jours-ci. Il va avoir des ennuis. Il dit que dans les Ministères, ce sont tous des pourris, des planqués, des assassins. Il dit que c'est eux qui devraient aller au front, que c'est eux qu'il faudrait tuer et que de l'autre côté, c'est pareil. Que comme ça, la guerre serait vite finie! Je lui dit de se taire, mais rien n'y fait, il est comme fou de rage, il ne veut rien entendre, il dit qu'un jour je comprendrai (...)

Sur une autre carte de juillet 17, elle écrivit (...) nous avons appris la mort du cousin Léo, il a été fusillé par les nôtres, lui qui voulait tous les tuer les politiciens, ils ont eu sa peau...nous en sommes très tristes mais que dire, je l'avais prévenu (...)

Et bien moi, depuis tout petit, mon héros de 14-18, c'est le cousin Léo! C'est mon Bardamu à moi, dont le voyage s'est terminé à 25 ans, au bout de sa nuit.

C'est à lui que je pense tous le 11 novembre.

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