
Agrandissement : Illustration 1

« Leaders des BRICS au 15e sommet en 2023. De gauche à droite : Lula da Silva, président du Brésil, Xi Jinping, président chinois, Cyril Ramaphosa, président sud africain, président indien Narendra Modi, président indien et Sergey Lavrov, le ministre des Relations extérieures de la Russie. » Source : https://www.flickr.com/photos/197960982@N04/53137049345/
Il faut dénoncer les principaux responsables de la poursuite du génocide que sont le gouvernement des États-Unis, la Commission européenne, le gouvernement britannique et les autres États d’Europe occidentale. Mais il est important de critiquer sans concession l’attitude des BRICS+ car ils laissent les autorités israéliennes mener leur politique criminelle sans prendre la moindre la moindre sanction économique. Les BRICS+ sont une coalition hétéroclite rassemblant 10 pays (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud auxquels se sont ajoutés en 2024 l’Égypte, les Émirats Arabes Unis, l’Éthiopie, l’Indonésie et l’Iran) dont certains sont directement alliés aux États-Unis.
Dans la seconde partie de la série questions/réponses sur les BRICS+, Éric Toussaint revient succinctement sur les relations entre l’Égypte et Israël puis aborde la politique régionale réactionnaire des Émirats Arabes Unis et de l’Arabie Saoudite. Ensuite, il passe en revue la déclaration finale de juillet 2025 adoptée par le sommet des BRICS+ à propos de plusieurs conflits en cours.
L’Égypte, membre des BRICS+, a-t-elle augmenté son commerce avec Israël malgré le génocide ?
Certainement, par exemple, l’Égypte, fournit des quantités de plus en plus importantes de ciment qui permettent à Israël de développer ses colonies illégales en territoires occupés pendant qu’elle détruit systématiquement et massivement des habitations et des infrastructures à Gaza et en Cisjordanie. Selon le site enterprise.news : « les exportations égyptiennes de ciment vers Israël ont explosé, multipliant leur volume par plus de 16 en 2024, pour atteindre 66,2 millions de dollars, contre seulement 3,8 millions en 2023, selon le Conseil des exportations de matériaux de construction. » [1] (Source : https://enterprise.news/egypt/en/news/story/55498e50-8e41-47d9-8781-8abf16961180/the-cement-industry-is-recovering,-but-challenges-remain). Israël est passé du 35e rang des importateurs de ciment égyptien en 2022 au 4e rang en 2024, ce qui coïncide avec la décision prise par la Turquie en avril-mai 2024 de suspendre ses exportations de ciment vers Israël, [2] faisant de l’Égypte son principal fournisseur alternatif. L’Égypte est complice du génocide en aidant Israël à faire face à des sanctions prises par la Turquie.
Par ailleurs, l’Égypte importe du gaz vendu par Israël. Son gouvernement a réprimé en juin 2025 les manifestant·es qui venaient des quatre coins de la planète pour tenter de se rendre à la frontière avec Israël afin d’exiger la fin du génocide et obtenir l’entrée de l’aide humanitaire dans la bande de Gaza.
Soulignons également que l’Égypte, comme indiqué dans la partie 1 de cette série, qui reçoit une aide militaire de la part de Washington pour un montant de 1,3 milliards de dollars par an, coopère militairement avec Israël, notamment dans la destruction des tunnels de communication entre son territoire et Gaza.
Venons-en maintenant au rôle des Émirats Arabes Unis (EAU), membre à part entière des BRICS+, et à l’Arabie saoudite sollicitée pour en faire partie.
À part l’intervention militaire émiratie dans l’archipel de Socotra au large d’Aden abordée dans la première partie, quelles sont les interventions militaires directes ou indirectes des EAU dans la péninsule arabique ?
Dans la péninsule arabique, pendant la majeure partie des années 2010, les Émirats arabes unis (qui sont membres à part entière des BRICS+) et l’Arabie saoudite (qui est invitée par les BRICS à en faire partie) sont restés des alliés contre-révolutionnaires proches dans leur opposition aux mouvements populaires du « Printemps arabe ». Avec l’Arabie saoudite, les EAU sont intervenus militairement au royaume de Bahreïn pour mettre fin aux fortes protestations populaires en 2011 [3]. Au Yémen, les EAU ont collaboré avec l’Arabie saoudite à partir de 2015 pour remettre en place le régime renversé l’année précédente par un soulèvement populaire. Peu à peu, les EAU ont poursuivi leur propre agenda séparément de l’Arabie en tentant d’établir le contrôle sur une partie des côtes du Yémen.
Y a-t-il des interventions directes ou indirectes des EAU dans des conflits armés en Afrique ?
En Libye, en 2019 et 2020, les EAU ont activement soutenu financièrement et avec envoi d’armes le général Khalifa Haftar, un chef de guerre libyen, après qu’il ait lancé une attaque contre Tripoli pour renverser le gouvernement soutenu par l’ONU.
Au Soudan, en s’en référant à l’analyse de Husam Mahjoub précédemment citée (voir partie 1 de cette série), on peut affirmer que l’implication des Émirats arabes unis au cours de la dernière décennie reflète leurs tendances sous-impérialistes croissantes, notamment en matière de domination régionale, d’exploitation économique et d’intervention militaire. Avec l’Arabie saoudite, ils ont recruté des soldats soudanais des Forces armées soudanaises (SAF) et des Rapid Support Forces (RSF, en français Forces de soutien rapide) pour combattre dans la guerre au Yémen. Les EAU ont apporté un soutien financier au régime dictatorial de Omar el Bechir à Khartoum jusqu’à son éviction en avril 2019 à la suite des manifestations de masse qui ont débuté en décembre 2018 (révolution de décembre).
Après la chute d’Omar el Bechir, les Émirats arabes unis et l’Arabie saoudite, ainsi que l’Égypte, ont encouragé un processus qui a abouti à la formation d’un gouvernement de transition, lequel n’a pas répondu aux aspirations du peuple soudanais. Les trois pays ont ensuite sapé le volet civil du gouvernement, soutenant les chefs militaires par une aide financière, des fournitures militaires et des actions de lobbying afin de consolider leur pouvoir. Les Émirats arabes unis ont également poussé le Soudan à normaliser ses relations avec Israël par le biais des accords d’Abraham [4], alignant ainsi le Soudan sur les stratégies régionales menées par les Émirats arabes unis. En octobre 2021, les trois pays ont soutenu un coup d’État militaire qui a encore renforcé la domination militaire au Soudan. Alors que les tensions s’intensifiaient, le soutien des Émirats arabes unis s’est orienté de manière décisive vers les Rapid Support Forces (RSF), contribuant au déclenchement de la guerre le 15 avril 2023, qui s’est depuis transformée une des pires crises humanitaires au monde. Les Émirats Arabes Unis ont été une plaque tournante pour le financement, la logistique, les médias, les relations publiques et les activités politiques de la RSF.
En Somalie, les Émirats arabes unis ont financé, formé et équipé les forces somaliennes pendant plusieurs années. Les relations se sont détériorées en 2018 lorsque Mogadiscio a saisi des fonds émiratis, mais les Émirats arabes unis ont ensuite rétabli leur soutien, en particulier au Puntland. Lire notamment : Whashington Institute, “More Emirati Military Involvement in Somalia Could Help Curb al-Shabab”, publié le 27 juin 2023, https://www.washingtoninstitute.org/policy-analysis/more-emirati-military-involvement-somalia-could-help-curb-al-shabab En français : Pour une description générale de l’intervention des EAU en Afrique, lire Oscar Lafay, « Les nouvelles routes africaines de l’influence émiratie », IE, publié le 6 juillet 2025, https://www.portail-ie.fr/univers/2025/les-nouvelles-routes-africaines-de-linfluence-emiratie/
En Érythrée, les Émirats arabes unis ont loué le port et la base aérienne d’Assab, les transformant en un important centre logistique pour leurs opérations militaires au Yémen (2015-2019). Cette initiative a renforcé leur présence dans la mer Rouge.
En Éthiopie, les Émirats arabes unis ont fourni des drones et un soutien à Abiy Ahmed pendant la guerre du Tigré (2020-2022), contribuant ainsi, selon certaines sources, à modifier la dynamique du champ de bataille contre le Front populaire de libération du Tigré (FPLT).
Les Émirats arabes unis sont passés du statut de plaque tournante commerciale et financière du Golfe à celui de participant actif dans les conflits africains. De la Libye et du Soudan à la Somalie, l’Érythrée, l’Éthiopie et le Sahel, ils utilisent une combinaison d’armes, de drones, de ressources financières et de mercenaires pour influencer les résultats. Leurs actions aggravent souvent les conflits, renforcent les régimes autoritaires et compromettent les processus de paix, tout en se présentant sur la scène internationale comme un « garant de la stabilité ».
Comment peut-on résumer l’intervention des EAU dans la région arabe ?
Les Émirats arabes unis ont joué un rôle central dans la répression des mouvements démocratiques dans le monde arabe. Ils se sont opposés aux mouvements populaires réclamant plus de justice sociale, ils ont soutenu des régimes autoritaires. Parallèlement, ils ont poursuivi une expansion militaire et économique, intervenant au Yémen et en Libye, établissant des bases stratégiques et utilisant leur richesse pour asseoir leur influence régionale. Ils ont également soutenu des forces opposées aux révolutions et collaboré avec d’autres puissances contre-révolutionnaires (Israël, Arabie saoudite) pour bloquer toute transition démocratique et limiter les droits des peuples à décider de leur avenir. Les Émirats constitue un pilier de la contre-révolution dans la région, tout en adoptant une politique correspondant à leurs propres intérêts de puissance régionale montante, ils ont privilégié la stabilité despotique dans la région ainsi que le respect des intérêts de l’impérialisme des Etats-Unis et ceux d’Israël au détriment du changement démocratique et des aspirations populaires.
Que font les Émirats Arabes Unis parmi les BRICS+ ?
Les Émirats arabes unis (EAU) ont officiellement rejoint les BRICS en janvier 2024, aux côtés de quatre pays (Indonésie, Iran, Égypte, Éthiopie), dans le cadre d’une expansion historique du groupe.
Les Émirats arabes unis ont adhéré aux BRICS pour accroître leur influence mondiale. Ils restent des alliés des Etats-Unis et d’Israël et en rejoignant les BRICS, ils gagnent en importance sur la scène internationale. Pour les EAU, l’adhésion aux BRICS élargit les possibilités d’investissement et de commerce notamment avec la Chine.
Quelle est la réaction de Donald Trump quant à l’adhésion des EAU aux BRICS ?
On verra dans le futur quelle pression Donald Trump exercera sur les EAU en ce qui concerne leur participation aux BRICS. Il n’existe à ce jour aucun témoignage ou déclaration publique directe de Donald Trump dénonçant spécifiquement l’adhésion des Émirats arabes unis (EAU) aux BRICS. Alors qu’il a tenu des propos virulents à maintes reprises contre les BRICS, aucun article, post ou discours officiel ne mentionne que Trump ait ciblé précisément l’adhésion des EAU (voir l’encadré sur les déclarations de Trump à propos des BRICS)
Encadré : Trump et les BRICS
Au début de sa présidence, Trump croyait à tort que l’Espagne faisait partie des BRICS, et quelques jours plus tard, il a révélé une nouvelle fois l’ampleur de son ignorance en déclarant en se demandant si la Chine faisait partie des BRICS. Et enfin, il n’a rien dit au sujet des alliés des États-Unis, l’Égypte et les Émirats arabes unis, qui sont membres des BRICS+.
Extrait d’un article de The New Republic publié le 21 janvier 2025 : « Donald Trump échoue déjà au test implicite de géographie que représente l’entrée en fonction du président des États-Unis.
Quelques heures seulement après avoir prêté serment lundi, un journaliste a interrogé Trump sur sa demande aux États membres de l’OTAN de consacrer au moins 5 % de leur PIB à la défense, citant le niveau des dépenses de défense de l’Espagne. Le président a répondu de manière totalement erronée.
« L’Espagne est très bas [en matière du niveau de dépenses militaires]. Et pourtant, font-ils partie des pays BRICS ? » a demandé Trump.
« Quoi ? » a répondu le journaliste.
« L’Espagne est un pays du BRICS. Vous savez ce qu’est un pays du BRICS ? Vous le découvrirez », a déclaré Trump, réussissant à être à la fois sarcastique et dans l’erreur.
« Mais euh, si les pays du BRICS veulent faire cela, c’est très bien, mais nous allons imposer des droits de douane d’au moins 100 % sur leurs transactions commerciales avec les États-Unis », a déclaré Trump. » [5]
(Source : https://newrepublic.com/post/190476/donald-trump-basic-geography-spain-brics )
Trump a déclaré à Fox News le 14 février 2025 qu’il n’était pas sûr que la Chine faisait partie des BRICS et que de toute manière les BRICS étaient en train de se désagréger :
« Les BRICS, les pays des BRICS, je pense qu’ils sont en train de se désagréger rapidement. Nous avons dit que s’ils comptaient faire quoi que ce soit pour affaiblir le dollar…, ils incluraient la Chine. Je ne sais même pas si la Chine est membre des BRICS, mais quelques pays se sont réunis pour essayer de jouer les malins. J’ai dit : « Nous allons imposer des droits de douane de 100 % à chacun de ces pays. Rien qu’à l’idée de dire cela, je pense que tout s’est effondré. »
Source : Fox News repris sur X https://x.com/Acyn/status/1890511342647283888
Selon une dépêche de Reuters datée du 18 juillet 2025 Trump a déclaré à propos des BRICS sans nommer les pays concernés :
« Quand j’ai entendu parler de ce groupe formé par les BRICS, six pays en gros, je les ai très, très durement critiqués. Et s’ils finissent par se constituer de manière significative, cela prendra fin très rapidement » Il a ajouté : « Nous ne pouvons laisser personne se jouer de nous. » [6]
(Source : Reuters, https://www.reuters.com/world/africa/trump-says-brics-would-end-quickly-if-they-ever-form-meaningful-way-2025-07-18/ ).
Pourquoi les membres fondateurs des BRICS ont-ils invité les EAU à adhérer ?
Pour élargir leur influence, les dirigeants des pays fondateurs des BRICS ont considéré qu’il était utile d’intégrer une puissance pétrolière et financière qui en même temps est un allié traditionnel des Etats-Unis. Pour la même raison, ils souhaitaient l’adhésion de l’Arabie saoudite.
Qu’en est-il de l’Arabie qui était invitée à adhérer à part entière et de la Turquie qui était invitée comme membre associé ?
Il est justifié de prendre en compte le rôle de l’Arabie et de la Turquie car ces deux pays sont des puissances sous-impériales dans la région qui ont décidé de ne pas faire le choix de rejoindre les BRICS tout en maintenant des relations étroites avec eux en participant à leurs sommets. Le président turc, Recep Tayyip Erdoğan, était présent en octobre 2024 au sommet de Kazan et l’Arabie était représentée par son ministre des affaires étrangères tant à Kazan qu’au sommet de Rio.
L’Arabie Saoudite qui était également invitée à adhérer aux BRICS à part entière n’a finalement pas confirmé son adhésion. Il est probable que l’Arabie qui était présente à Rio en juillet 2025 pour le sommet des BRICS fait monter les enchères à l’égard de Washington qui voudra éviter que cette énorme réserve de pétrole et cette puissance financière rejoigne également cette coalition hétérogène désignée par Washington comme un ennemi. L’Arabie a tout intérêt à se maintenir dans une situation ambiguë et à ne pas adhérer aux BRICS+.
La Turquie qui a été invitée également par les BRICS à s’associer sans devenir membre joue également sur les deux tableaux. Elle occupe une place géostratégique dans l’OTAN et mène une politique relativement autonome de celle de Washington, de Moscou et des capitales d’Europe occidentale. Elle défend ses propres intérêts dans la région mais elle sait que si elle rejoignait officiellement les BRICS+, cela augmenterait énormément les tensions avec Washington. Pour montrer son autonomie et regagner de la légitimité dans la population musulmane, la Turquie est un des seuls pays qui a réellement réduit ses relations commerciales avec Israël alors que les BRICS+, mis à part l’Iran, renforcent leur commerce avec Israël.
Quelle est la réaction des BRICS+ par rapport aux actions de guerre unilatérales des Etats-Unis et d’Israël contre l’Iran ?
Dans la déclaration finale du sommet de Rio du 6 juillet 2025, les BRICS critiquent, au point 21, les attaques contre l’Iran mais ne désignent pas les Etats-Unis et Israël comme responsables de celles-ci. Alors que l’Iran qui est membre des BRICS+ est agressé militairement, la coalition BRICS+ ne prend aucune mesure concrète pour le défendre, ce qui montre qu’ils sont sur la défensive par rapport à l’offensive militaire de Washington et d’Israël et qu’il sont incapables d’adopter une attitude commune forte sur la question. Pour expliquer cela, il faut tenir compte des pressions exercées par les EAU qui, tout en faisant partie des BRICS+, sont eux-mêmes opposés à l’Iran et donc favorables à son affaiblissement, et certainement à un changement de régime à Téhéran. Les EAU ont tout intérêt à ce que les BRICS ne prennent pas d’initiative pour défendre l’Iran. D’ailleurs, les Émirats arabes unis et l’Arabie saoudite ont aidé à différents moments Israël et les États-Unis à empêcher les missiles iraniens d’atteindre leur cible en Israël. Lire : The Times of Israel, “Report : Gulf states, including Saudi Arabia, provided intelligence on Iran attack”, publié le 15 avril 2024, https://www.timesofisrael.com/report-gulf-states-including-saudi-arabia-provided-intelligence-on-iran-attack/
Quelle est la réaction des BRICS+ contre la destruction des infrastructures et les pertes humaines des Houthis ?
Dans la déclaration finale, les BRICS+ ne parlent pas des attaques des Etats-Unis et d’Israël contre les Houthis car, à part l’Iran, ils sont opposés aux actions menées par les Houthis en solidarité avec la lutte du peuple palestinien. En effet, ces actions, qui visent principalement Israël et les intérêts des États-Unis, entravent le commerce des BRICS avec Israël et les obligent à dérouter un nombre important de bateaux pour éviter la région. Plusieurs navires transportant des marchandises en provenance ou à destination de la Russie, de l’Inde et même de la Chine ont été attaqués par les Houthis depuis début 2024. Lire une étude assez complète sur le sujet : Michael Knights, « A Draw Is a Win : The Houthis After One Year of War », CTCSentinel, Octobre 2024, Volume 17, Issue 9 Authors : https://ctc.westpoint.edu/a-draw-is-a-win-the-houthis-after-one-year-of-war/#annotationac Lire à propos d’une action des Houthis concernant les intérêts de la Chine, l’attaque du 19 juillet 2024 contre le Pumba, un bateau qui revenait de Turquie et repartait vers la Chine https://www.sh-sgl.com/en/news/info.aspx?itemid=2751
Dans la déclaration finale du Sommet de Rio, il n’y a aucune critique et aucune mention des attaques militaires réalisées par les Etats-Unis et Israël en territoire yéménite contrôlé par les Houthis. Or ces attaques ont provoqué la mort de nombreux civils.
Soulignons que, dans la déclaration de Kazan d’octobre 2024, les dirigeants des BRICS condamnaient, sans les nommer, les actions des Houthis qui s’attaquent aux bateaux qui commercent avec Israël. Les BRICS affirmaient :
« qu’il importe de garantir l’exercice des droits et libertés de navigation des navires de tous les États en mer Rouge et dans le détroit de Bab Al-Mandab ».
Pour en savoir plus sur l’action des Houthis, lire l’opinion de Gilbert Achcar publiée en mars 2025 : « Le Yémen au bord du gouffre », https://blogs.mediapart.fr/gilbert-achcar/blog/190325/le-yemen-au-bord-du-gouffre
Quelle est la position des BRICS+ concernant la Syrie ?
Concernant la Syrie, la déclaration finale du sommet des BRICS+ au point 29, se félicite de la levée des sanctions contre la Syrie. Alors que le régime en place à Damas qui était allié à Moscou et à Téhéran a été renversé en décembre 2024 et que Bachar al Assad a ensuite trouvé refuge en Russie, les BRICS+ se réjouissent de la levée des sanctions. Les BRICS+ appellent Israël à quitter le territoire syrien qu’il occupe, c’est-à-dire le plateau du Golan. Dans la déclaration il n’y a aucune dénonciation des centaines d’attaques aériennes réalisées par Israël depuis décembre 2024. Cela montre également que les BRICS+ ne souhaitent pas prendre de position dure à l’égard du régime néofasciste en place en Israël. Sans sanction contre Israël comment est-il imaginable de forcer le gouvernement de Netanyahou ?
Quelle est la position des BRICS+ concernant le Liban ?
Alors qu’Israël qui a mené des attaques meurtrières au Liban de manière systématique occupe une partie du territoire de ce pays, les BRICS+ appellent au point 28 l’État sioniste à respecter les accords passés avec le gouvernement libanais et lui demandent de retirer ses troupes d’occupation. Néanmoins il faut souligner que les BRICS n’annoncent aucune mesure concrète pour tenter de forcer Israël à tenir compte de leur appel. Soulignons que le gouvernement libanais dénonce l’occupation israélienne.
Quelle est la position des BRICS+ concernant l’invasion de l’Ukraine par la Russie ?
Seul les point 22 et 35 abordent la guerre en Ukraine et il n’y a pas de condamnation de l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Par ailleurs, il n’est pas fait mention de l’OTAN. Les attaques de l’armée ukrainienne contre des civils en territoire russe (point 35) sont dénoncées mais les attaques russes contre des civils ukrainiens ne le sont pas. Or cette guerre a fait des plusieurs centaines de milliers de morts parmi les Ukrainiens et les Russes.
Il n’y a pas non plus d’annonce d’une initiative des BRICS+ pour mettre fin au conflit, ce qui permet à Trump de se présenter comme le seul arbitre, celui qui permet d’arriver à un cessez le feu ou à une paix durable.
Il fait de même à propos de l’aboutissement des négociations entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan annoncée lors d’une réunion à la Maison blanche début août 2025 par Trump en présence de dirigeants des deux pays belligérants.
Quelle est la position des BRICS à propos de l’OTAN ?
Comme indiqué plus haut, la déclaration finale de Rio ne contient aucune mention ou critique de l’OTAN. Il en avait été de même dans la déclaration finale du sommet de Kazan en octobre 2024.
Quelle est la position des BRICS+ concernant le conflit armé au Soudan ?
Les BRICS appellent à un cessez le feu mais, comme mentionné plus haut, les Émirats Arabes Unis, soutiennent les Rapid Support Forces (RSF) qui jouent un rôle majeur dans la poursuite de la guerre en cours et qui sont responsables de crimes contre l’humanité à grande échelle, tout comme les forces gouvernementales contre lesquelles elles combattent [7].
La déclaration finale de juillet 2025 adoptée par les BRICS+ aborde-t-elle d’autres régions de conflits ?
Rien n’est dit sur la situation dans l’Est de la République Démocratique du Congo (RDC) et des Grands Lacs qui est tout juste mentionnée parmi d’autres conflits au point 31 de la déclaration, aux côtés des conflits dans la Corne de l’Afrique et au Soudan (dans lesquels les EAU sont impliqués).
Dans la déclaration finale, il n’y a pas la moindre mention du conflit entre le Pakistan et l’Inde (éminent membre des BRICS) qui a atteint un point critique en mai 2025 à propos du Cachemire. Cela permet là aussi à Trump de pouvoir prétendre être l’arbitre qui a mis fin à l’escalade du conflit (version contredite par N. Modi). Et cela dans un contexte où les autorités pakistanaises le proposent pour le prix Nobel de la paix.
Rien n’est dit non plus sur le conflit en cours en Birmanie entre la dictature militaire (qui entretient de bonnes relations avec Pékin) et la résistance ou sur les tensions en mer de Chine et à propos de Taïwan.
Un point particulier de la déclaration est consacré à la situation à Haïti, elle affirme que « La crise actuelle exige une solution menée par les Haïtiens, qui englobe le dialogue national et la recherche d’un consensus entre les forces politiques locales, les institutions et la société. » Cela n’est pas mauvais.
Quelle est la position des BRICS+ à l’égard de l’Alliance des États du Sahel (AES) qui regroupe le Burkina Faso, le Mali et le Niger ?
Il n’y a aucune référence à l’AES dans la déclaration finale. Il n’y avait pas de représentants officiels de l’AES (qui existe depuis 2024) ou de ses pays membres parmi les invités officiels.
Conclusions
Dans cette seconde partie, Éric Toussaint montre que les BRICS+ constituent une coalition hétéroclite et contradictoire : tout en prétendant incarner une alternative au camp dirigé par l’impérialisme des États-Unis et à la domination qu’il exerce sur les peuples du Sud, ils maintiennent des relations étroites avec Israël et des régimes réactionnaires. L’Égypte et les Émirats Arabes Unis, alliés de Washington et de Tel-Aviv, jouent un rôle central dans cette compromission. Face au génocide à Gaza et aux guerres (Yémen, Iran, Ukraine, Syrie, Liban, Soudan, Est du Congo,…), la déclaration finale du sommet de 2025 se limite à des appels généraux, sans sanction contre Israël ni initiative forte. Cela révèle le manque de volonté de la coalition BRICS+ de prendre des mesures claires et nettes pour affaiblir le gouvernement néofasciste de Netanyahou, pour mettre fin au génocide à Gaza et mettre un terme aux guerres en cours alors que plusieurs d’entre eux y participent activement, comme la Russie et les EAU qui mènent des agressions contre leurs voisins.
En pratique, les BRICS+ laissent largement l’initiative à Trump qui se pose en faiseur de paix (Inde/Pakistan, RDC/Rwanda, Ukraine/Russie, Arménie/Azerbaïdjan,…) alors qu’il est à l’offensive de manière agressive par différents moyens (militaires, douaniers, tentatives de prise de contrôle de zones riches en matières premières,…) et qu’il n’hésite pas à recourir à la force tout en soutenant Israël dans ses crimes.
Face à cette situation, la priorité doit être donnée à l’action indépendante des peuples et aux mobilisations les plus fortes et massives possibles contre le génocide en cours contre le peuple palestinien et en solidarité avec toutes les victimes des conflits quelle que soit l’endroit de la planète où ils se déroulent. Il s’agit aussi de se mobiliser à l’échelle internationale et locale contre la montée des forces d’extrême droite et néofascistes. La construction d’une alternative anti-impérialiste, féministe, internationaliste, écologiste et socialiste demeure plus que jamais nécessaire.
Dans les parties suivantes de la série, l’auteur abordera la position des BRICS+ par rapport au FMI, à la Banque mondiale, à l’OMC, au « libre » commerce, à la « libre » concurrence,... Il analysera les outils dont se sont dotés les BRICS comme la Nouvelle banque de développement. Il abordera la position des BRICS+ concernant le dollar. Leur position sur les défis écologiques.
Par Éric Toussaint
L’auteur remercie pour leur relecture et pour leurs conseils de Omar Aziki, Patrick Bond, Sushovan Dhar, Jawad Moustakbal et Maxime Perriot. L’auteur est entièrement responsable des opinions qu’il exprime dans ce texte et des erreurs éventuelles qu’il contient.
[1] “Egyptian cement exports to Israel skyrocketed by more than 16x in 2024, reaching USD 66.2 mn from just USD 3.8 mn in 2023, according to the Export Council for Building Materials.” (Source : https://enterprise.news/egypt/en/news/story/55498e50-8e41-47d9-8781-8abf16961180/the-cement-industry-is-recovering,-but-challenges-remain )
[2] Malgré cette suspension, les données du Turkish Statistical Institute (TurkStat) montrent qu’en avril 2024, des exportations de produits incluant le ciment, le fer, l’acier et autres matériaux de construction se sont poursuivies, totalisant plusieurs millions de dollars. Par exemple, les exportations vers Israël comprenaient environ 6,6 millions USD de “plâtres, chaux et ciment”, ainsi que d’autres matériaux comme le fer et l’acier.
[3] Voir le résumé sur la vague de soulèvements populaires au Bahreïn : https://fr.wikipedia.org/wiki/Soul%C3%A8vement_bahre%C3%AFnien
[4] Les accords d’Abraham sont deux traités de paix entre Israël et les Émirats arabes unis d’une part et entre Israël et Bahreïn d’autre part. Le premier, entre Israël et les Émirats arabes unis, est annoncé le 13 août 2020 par le président des États-Unis Donald Trump. Ils sont signés le 15 septembre 2020 à la Maison-Blanche à Washington, accompagnés d’une déclaration tripartite signée aussi par le président américain en tant que témoin. Ces accords sont prolongés par ceux avec le Soudan, et le Maroc. Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Accords_d%27Abraham
[5] “Donald Trump is already failing the implicit geography test that is taking office as the president of the United States.
Just hours after being sworn in Monday, a reporter asked Trump about his demand that NATO member states spend at least five percent of their GDP on defense, citing Spain’s defense spending level. The president responded completely incorrectly.
“Spain is very low [in defense spending]. And yet, are they a BRICS nation ?” Trump asked.
“What ?” the reporter replied.
“They’re a BRICS nation, Spain. You know what a BRICS nation is ? You’ll figure it out,” Trump said, managing to be both snide and wrong.
“But uh, and if the BRICS nations want to do that, that’s OK, but we’re gonna put at least 100 percent tariff on the business they do with the United States,” Trump said. The ‘S’ in BRICS does not stand for Spain at all.” (Source : https://newrepublic.com/post/190476/donald-trump-basic-geography-spain-brics )
[6] « When I heard about this group from BRICS, six countries, basically, I hit them very, very hard. And if they ever really form in a meaningful way, it will end very quickly,« Trump said without naming the countries. »We can never let anyone play games with us." » (Source : Reuters, https://www.reuters.com/world/africa/trump-says-brics-would-end-quickly-if-they-ever-form-meaningful-way-2025-07-18/ )
[7] Pour un bilan humain du conflit au Soudan : https://unric.org/fr/crise-au-soudan-la-reponse-de-lonu/ consulté le 3 septembre 2025. Lire aussi : https://news.un.org/fr/story/2025/04/1154666