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Billet de blog 27 février 2023

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Échanges dette contre nature et Debt for Climate, deux initiatives antinomiques

Les échanges de dettes contre nature font leur grand retour. Outre les problèmes de transparence et de souveraineté qui les entourent, ceux-ci ne font que perpétuer la logique de la dette.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Illustration 1

Roberto Fiadone, Faro Recalada a Bahía Blanca, Monte Hermoso, province de Buenos Aires, Argentine, Wikimedia Commons, CC, https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Faro_Recalada_a_Bah%C3%ADa_Blanca,_Monte_Hermoso_09.jpg

À rebours de ces mécanismes, la campagne Debt for Climate réclame aujourd’hui une annulation pure et simple des dettes des pays du Sud Global afin de permettre une réelle transition écologique dans un contexte de crise climatique.

Échanges de dettes contre nature

 Présentés lors des COP27 — pour le climat — et COP15 — pour la biodiversité — comme la solution pour lutter à la fois contre la crise de la dette et la crise climatique et promus par les institutions financières internationales (IFI), les échanges de dettes contre nature (debt swap for nature en anglais) reviennent aujourd’hui sur le devant de la scène. Fort prisés durant les années 80 et 90, ces mécanismes, dont les objectifs affichés sont d’augmenter les capacités d’investissement des pays dits « en développement » dans la protection de l’environnement tout en les soulageant du poids de leurs dettes, bénéficient aujourd’hui de la conjugaison de la crise écologique et de la crise de la dette.

 Dans leur grande majorité, les échanges de  dette contre nature sont des échanges dans lesquels une organisation non gouvernementale rachète des titres souverains, une partie de la dette d'un pays en difficulté financière après avoir négocié une décote avec les créanciers de cette dette. L’organisation perçoit ensuite les intérêts de la dette en monnaie locale et les investit dans un projet de préservation de l'environnement, tel que l'expansion d'un parc ou d'une réserve naturelle.[1] En payant les intérêts en monnaie locale, et non plus en devises dites fortes (euro, dollar, yens, …), comme c’est normalement le cas, le paiement de ceux-ci par le pays « bénéficiaire » est en principe facilité.

 Des accords ont récemment été conclus par The Nature Conservancy (TNC), la plus grande organisation de conservation au monde, avec les Seychelles, le Belize et la Barbade pour la protection d’aires marines et des négociations sont en cours avec Sainte-Lucie, la Namibie, la Gambie, le Kenya et l’Équateur pour des projets similaires.

Cependant, le recourt croissant  à ces mécanismes suscite de nombreuses inquiétudes, parmi lesquelles:

  • Leur manque de transparence: Les échanges dettes contre nature impliquent des négociations opaques, tenues secrètes. Il est donc impossible pour la population de savoir exactement à quoi s’engage leur gouvernement dans le cadre de ses accords, ni d’effectuer des évaluations des impacts environnementaux et sociaux. La discrétion qui entoure les tractations lors de rachat de créances est difficilement compatible avec les processus d’élaboration de plans nationaux visant la protection de larges pans des océans et forêts et des longues phases de délibération et de consultation qu’ils nécessitent. Dans le cas des échanges prévus entre TNC et les gouvernements des Seychelles, du Belize et de la Barbade, les contrats d’investissements ne sont pas publics et il n’y eut aucun « consentement libre, préalable et éclairé des personnes qui dépendent des ressources marines pour leur subsistance ».[2] De la même manière, TNC, qui crée des filiales dans des paradis fiscaux, ne donne aucune information sur les bénéfices qu’elle réalise dans ces opérations.
  • La perte de souveraineté: Les organisations, exclusivement étrangères, pour ne pas dire nord-américaines, prennent par le biais de ces échanges le contrôle de vastes territoires aux dépens des populations locales concentrant ainsi une part importante du pouvoir décisionnel public. Dans les cas de figure précités, TNC revendique d’avoir sauvé 4 millions de kilomètres carrés d’océan pour plusieurs milliards de dollars de capitaux privés ce qui lui « donnera un pouvoir sans précèdent (…) sur une vaste zone de la planète et sur la santé économique de nombreux pays très endettés ».[3] De plus, le budget alloué annuellement aux filiales de TNC « dépassera celui des ministères et éclipsera celui des organisations de la société civile existantes travaillant avec des groupes tels que les communautés de pêche côtières ».[4]
  • Impact nul sur le surendettement: Contrairement à ce qu’affirme l’argument phare de la promotion des échanges de dette contre nature, ceux-ci n’ont pas d’impact significatif sur l’endettement des pays. La dette n’est pas supprimée, elle change juste de créancier et les intérêts sont maintenus, bien que leur destination soit rectifiée. Cette observation est soutenue par le FMI qui n’a d’ailleurs pas changé ses appréciations sur les situations d’endettement des pays concernés.[5] De plus, l’un des principaux impacts négatifs du surendettement sur un pays est que les investissements dans des secteurs primordiaux tels que l’éducation ou la santé sont fortement réduits. Or, si ces échanges permettent en effet de libérer un certain pourcentage des dettes publiques — minimes, mais passons —, ces fonds seront obligatoirement destinés aux organisations de conservation et ne pourront pas être investis librement dans des secteurs qui le nécessitent grandement.

Pour plus d’informations, consultez l’article du CADTM sur le rejet des échanges dette contre nature 

 À noter que d’autres types d’échange de dettes existent tels que les échanges de dette contre climat. Les fonds peuvent ainsi servir à financer des parcs éoliens ou solaires par exemple. La critique reste cependant la même tant sur le manque de transparence que sur l’acquisition par des acteurs étrangers  de capacité d’investissement et d’intérêts colossaux dans les pays concernés ou que sur l’impact sur les situations d’endettement des États. Dans certains cas, ces accords sont eux-mêmes prétexte à imposer de nouveaux plans d’ajustement structurels et autres mesures d’austérité.[6]

 Ainsi, il semble évident que les échanges de dettes contre nature entraînent une gestion contestable des ressources naturelles et ne permettent pas d’apporter une solution concrète au problème d’endettement à l’heure où 52 pays dits « en développement » sont en crise de la dette.[7] Une autre solution permettrait pourtant de libérer les fonds nécessaires pour faire face aux défis sociaux, économiques et environnementaux. C’est l’annulation des dettes des pays du sud.

Debt for Climate (D4C)

 C’est tout l’intérêt de la campagne internationale Debt for Climate (D4C), un mouvement initié par les pays du Sud rassemblant différents groupes environnementaux, sociaux, syndicaux et autochtones, qui a organisé des actions de blocage de sommet du FMI et de la Banque mondiale et occupé le ministère allemand des Finances en octobre 2022. Comme le CADTM, la revendication première de Debt for Climate est l’annulation des dettes des pays du Sud. D’une part, car celles-ci sont en (très) grande partie illégitimes et d’autre part, car il est capital de libérer les fonds nécessaires à une transition énergétique juste dans les pays du Sud Global.

 Ces dettes constituent en effet un frein colossal à toute action ambitieuse visant à lutter contre la crise écologique et climatique, et ce pour plusieurs raisons. 

  • D’abord, la dette représente un gouffre financier. Les pays du sud dépensent des sommes faramineuses pour le remboursement et les intérêts. À cet effet, les pays dits « en développement » dépensent chaque année 3.400 milliards de dollars. Une somme colossale qui les contraint à y consacrer des parts importantes de leurs dépenses publiques, 17,4% en moyenne pour l’année 2021. Ce chiffre atteint 40% pour certains pays.[8] Aujourd’hui et pour les dix prochaines années, un pays tel que la Zambie, qui subit des inondations, des températures extrêmes et des sécheresses, consacre un budget 4 fois important au paiement de sa dette qu’à la lutte contre les effets de la crise climatique. Le Pakistan, qui a subi en 2022 des inondations causant pour 30 milliards de dollars de dégâts, consacre cette même année 40% de ses recettes publiques — 18 milliards de dollars — au remboursement.[9]
  • Ce coût contraint logiquement les pays à couper dans leurs dépenses publiques et désinvestir des secteurs essentiels tels que l’éducation, la santé, les infrastructures … Mais aussi et surtout il rend impossible tout financement conséquent pour la recherche, pour la transition écologique, les énergies bas carbones, l’adaptation et la résilience face aux catastrophes naturelles à l’heure ou ces investissements sont de plus en plus une question de survie.
  • Enfin, la dette pousse les pays à exploiter leurs ressources naturelles. En effet, la dette se rembourse en devises fortes (dollars, euros, yens …) et un des moyens majeurs d’acquérir ces devises est d’exporter des ressources sur les marchés internationaux. Cette promotion de l’extractivisme, à rebours complet de toute logique de sobriété, pousse les États exploiter les forêts, s’orienter vers une agriculture toujours plus intensive, extraire du minerai et … des énergies fossiles.

Le cas de l’Argentine

L’Argentine, au nom de laquelle l’ex-président Mauricio Macri a contracté en 2018 un prêt record de 57 milliards de dollars avec le soutien du FMI et de Washington pour financer sa réélection, subit aujourd’hui les conséquences de cette dette dont l’illégitimité est évidente.[10] Et parmi celles-ci, l’exploitation toujours plus intense de ses ressources naturelles. Esteban Servat, Argentin et membre actif de Debt for Climate nous explique :

« La manière dont l’Argentine essaie de payer cette dette est un exemple de la façon dont cela se passe dans une grande partie du Sud Global, c’est-à-dire en sacrifiant les territoires, en promouvant la fracturation hydraulique, les méga-exploitations minières et la déforestation (pour étendre les cultures de rentes) et en installant des exploitations pétrolières off-shore qui représentent un risque énorme … ». « Et il est largement dénoncé et publié que ce prêt accordé par le FMI et imposé au peuple argentin a été accordé avec l’idée qu’il serait remboursé avec les ressources naturelles de l’Argentine, en particulier avec « Vaca muerta », un gisement de gaz de schiste, le deuxième plus grand au monde sur lequel les États-Unis construisent une base militaire. »

« Voici le lien entre la dette et l’avancée de l’extractivisme, un extractivisme génocidaire, destructeur, qui transforme les zones rurales en zones sacrifiées, avec les maladies et la désertification que ces techniques d’exploitation entraînent. Tout ça pour payer cette dette et continuer d’envoyer au Nord les ressources naturelles et les matières premières pour alimenter un système de consommation malade et suicidaire. »

« Notre demande [en tant que D4C] est la suivante : comme premier pas vers la reconnaissance et le paiement des réparations pour les pertes et les dommages par ceux qui ont été responsables de la crise climatique et écologique, mais aussi des colonies et de l’asservissement des populations pendant 500 ans, ne faites pas payer au Sud qui ne contribue qu’à hauteur de 8% des émissions de gaz à effet de serre (GES) et qui est victime de ce colonialisme à l’origine de la crise climatique. »

Propos recueillis en octobre 2022


C’est donc pour propager cet appel et pour profiter de l’anniversaire d’une annulation au combien symbolique, celle dont a bénéficié l’Allemagne en 1953, que D4C organise actuellement, en cette fin février 2023, une série d’actions. En effet, ce 27 février 2023, nous « célébrons » le 70ème anniversaire de l’annulation de la dette de l'Allemagne. 

Les 70 ans de l’Accord de Londres

Car oui, des annulations de dette, il y en a eu, et l’Allemagne est un des pays qui en a bénéficié. Pour rappel, le 27 février 1953 fut signé l’Accord de Londres ayant pour objectif d’alléger les dettes et les conditions de remboursement de l’Allemagne afin de lui permettre de relancer son économie et son industrie, d’investir dans les secteurs économiques clefs et de reprendre une place centrale dans l’échiquier géopolitique au début de la guerre froide. En plus du Plan Marshall, l’Allemagne a donc bénéficié d’une annulation de plus de la moitié de sa dette publique, ainsi que de conditions très avantageuses pour le remboursement du reste de sa dette, parmi lesquels :

  • Des taux d’intérêt bas, oscillant entre 0 et 5%, quand, à titre de comparaison, les pays du Sud se sont vus et se voient toujours imposer des taux deux, voire trois fois plus élevés.
  • Remboursement en monnaie locale (ici en Deutsche Marks) qui, comme expliqué plus haut, rend le paiement plus facile, en tout cas lorsque le pays a le contrôle de sa monnaie.
  • Développement de l’économie intérieur par une politique de substitution aux importations, c’est-à-dire en produisant sur place ce qu’on importait auparavant, permettant la stimulation de la production intérieure. Obligés de se connecter aux marchés internationaux, les pays du Sud sont contraints de renoncer à ces politiques, exacerbant ainsi leurs dépendances envers l’extérieur.

Pour plus d’information, consultez l’article d’Eric Toussaint consacré à l’Accord de Londres

C’est bien grâce à ce traitement de faveur dont aucun pays du Sud n’a jamais pu bénéficier[11] que l’Allemagne a pu rembourser sa dette en quelques années à peine, développer son économie et se targuer d’être aujourd’hui la 4ème puissance économique mondiale. Et comme le souligne D4C, « certains des pays qui ont permis à l'Allemagne de connaître son soi-disant miracle économique grâce à cet allégement de la dette — l'Argentine, le Zimbabwe, la République démocratique du Congo, le Pakistan, pour n'en citer que quelques-uns — sont aujourd'hui lourdement endettés, et pourtant l'Allemagne bloque toute tentative d'annulation des dettes de ces pays. (…) Aujourd’hui la dette des pays du Sud ne présente aucun danger pour la finance mondiale puisqu’elle représente moins de 5% de la dette mondiale (…) Si cela a été possible pour l'Allemagne, il est tout à fait possible pour nous de permettre une transition autodéterminée et juste au Sud. » 

Urgence d’annulation, mais aussi de réparation

 Si l’annulation des dettes des pays du Sud est donc une condition sine qua non à toute transition écologique un tant soit peu crédible, il est important de rappeler que, comme le souligne Esteban Servat, elle ne constitue qu’un premier pas. Si les dettes du Sud envers le Nord sont largement illégitimes, les dettes que le Nord a envers le Sud sont, elles, bien réelles :

  • Une dette morale historique: Pour les conquêtes impérialistes, l’esclavage et la colonisation. Pour la destruction des cultures, le pillage des richesses et l’accaparement des terres et des ressources qui continuent encore aujourd’hui, notamment par le système dette qui permet aux États du Nord de s’ingérer dans les politiques intérieures des États du Sud. Bien qu’il soit difficile de sortir un exemple évocateur tant ils sont innombrables, les épisodes de sécheresses et famines documentés par l’universitaire américain Mike Davis qui touchèrent le monde à la fin du 19ème siècle, causant un nombre considérable de victimes dans le Sud, « vraisemblablement pas inférieur a trente millions »,[12] illustre l’impact qu’a pu avoir l’impérialisme européen sur le reste du monde. En effet, si l’Europe fut bien plus épargnée que ne le furent des pays comme l’Inde, la Chine ou l’Éthiopie, alors que « les réserves de céréales disponibles dans d’autres régions des pays concernés auraient permis de sauver les victimes », c’est notamment dû à « l’exportation d’énormes quantités de céréales vers [les métropoles] au beau milieu de la plus horrible des hécatombes ».[13] Cet exemple nous laisse d’ailleurs avec la question de l’impact que pourra avoir le changement climatique dans un monde aux richesses inégalement réparties, voire toujours accaparées.
  • Une dette climatique: Pour l’énorme contribution des pays européens et d'Amérique du Nord au dérèglement climatique, alors que ce sont les pays du Sud qui se trouvent en première ligne de ses conséquences. Rien qu’en 2021, il y aurait eu pas moins de 320 milliards de dollars de pertes liées au changement climatique, 270 milliards en 2022. Sans surprise, ce sont là deux années records consécutives, records qui seront sans aucun doute battus très bientôt. Outre les pertes matérielles pouvant être chiffrées, à combien s’élèvent les vies humaines ou la perspective d’un climat de plus en plus instable ?
  • Dette écologique: Bien qu’un peu plus complexe à délimiter, le concept de dette écologique est crucial dans la compréhension des relations Nord-Sud. Celui-ci rassemble différentes dimensions. Cette liste non exhaustive permet néanmoins de se faire une idée de ce que représente la dette écologique du Nord envers le Sud :
    • Tout impact sur l’environnement de la production et de l’extraction de matières premières non compensé dans les échanges monétaires, que ce soit la pollution des sols, des cours d’eau, de l’air, la déforestation, la perte de biodiversité tant animale que végétale, …
    • Toutes surexploitations des ressources imposées le biais de la dette,
    • Toute exportation de la pollution du Nord vers le Sud (exportation de déchets, délocalisations des industries polluantes, etc),
    • Toute pollution des communs tels que les déchets toxiques et/ou radioactifs dans les océans, les essais nucléaires,
    • Toute brevétisation des savoirs traditionnels participant, entre autres, à la perte de l’agrobiodiversité
    • Tout pillage ou accaparement de ressources naturelles, mais aussi toute acquisition à un prix injuste, puisque « l'inégalité de pouvoir géopolitique entre les pays fait que certains peuvent imposer des prix aux autres. »[14]

« Les exercices visant à quantifier la dette écologique des pays du Nord vis-à-vis de ceux du Sud ont donné des résultats intéressants. Une étude réalisée à cet effet analyse les flux commerciaux Nord-Sud sur la base d'une estimation des matériaux, des terres, de l'énergie et de la main-d'œuvre nécessaires à leur production. Entre 1990 et 2015, les pays du Nord se sont approprié des ressources dont la production a nécessité 12 milliards de tonnes de matériaux, 822 millions d'hectares, 21 exajoules d'énergie et 188 millions d'heures de travail (Hickel, 2022).

En comparant la valeur de ces apports dans le Nord et le prix qui fut payé au Sud, la différence s'élève à 242 000 milliards de dollars, soit 70 fois le montant nécessaires pour mettre fin à la pauvreté mondiale (Hickel, 2022). »

Sibaja. F, (2022). Detrás del canje de deuda por acción climática.[15]


Échanges dette contre nature et Debt for Climate, deux initiatives antinomiques

 Il est ainsi crucial, non seulement de remettre en question les dettes financières que le Sud a envers le Nord, mais également de mettre en évidence les dettes historiques, climatiques et écologiques que le Nord a envers le Sud Global pour avoir colonisé et asservi une grande partie de la planète, pour avoir été les plus grands émetteurs de GES et pour le pillage des ressources et la destruction de l’environnement. Ces dettes doivent être reconnues, car elles sont à un niveau bien supérieur que peuvent l’être les dettes financières. 

Pour en savoir plus, lire : Pourquoi le CADTM n'est pas d'accord avec les échanges « dette contre action climatique » ?  

À l’inverse de cette logique, les échanges dettes contre nature, en plus des inquiétudes citées plus haut, représentent finalement un énième mécanisme permettant à des acteurs étrangers de prendre le contrôle de ressources de pays du Sud et, loin de remettre en question notre système économique, ils participent activement à la perpétuation de dettes pouvant être qualifiées d’illégitime, illégales et odieuses. Plus les effets des crises de la dette et des crises écologiques et climatiques se feront ressentir, plus le recours à ces mécanismes risque d’être important, ce qui impose la vigilance.

 La crise écologique et climatique que nous connaissons aujourd’hui ne peut être résolue sans une préalable justice de la dette ambitieuse. Perpétuer les dettes financières illégitimes du Sud envers le Nord, vectrices d’inégalité, d’extractivisme, d’accaparement des ressources naturelles et de transfert illégitime de richesses maintient les pays et leurs populations dans des situations de subordinations économiques. Le remboursement empêche ces pays d’investir un tant soit peu dans des politiques sociales, économiques et environnementales crédibles et ne fait que permettre aux détenteurs de capitaux du Nord d’accéder à des ressources bon marché et de prolonger le statu quo, le Business as usual.

 Il faut au contraire rompre avec cette logique et permettre aux populations de reconquérir leur souveraineté. Le CADTM est solidaire de la campagne Debt For Climat et appelle une nouvelle fois à l’annulation des dettes des pays du Sud.

 L’auteur remercie Pierre-Francois Grenson, Eric Toussaint Brigitte Ponet et Christine Pagnoule pour leurs relectures.

Par Pablo Laixhay


[1] Beverly Keene, (2022) De deudas y canjes y acción por el clima. Informe Ambiental 2022. FARN https://farn.org.ar/iafonline2022/wp-content/uploads/2021/04/IAF_2022_CAP1_art_1_2.pdf

[2] Standing. A, (2022). The financialization of conservation. https://longreads.tni.org/the-financialization-of-conservation

[3] Ibid Standing 2022.

[4] CADTM (2022) Financement de l'agenda 03x30 pour les océans : Les échanges dette contre nature doivent être rejetés. https://www.cadtm.org/Financement-de-l-agenda-30x-30-pour-les-oceans-Les-echanges-dette-contre-nature

[5] FMI (2022). Debt-for-Climate Swaps : Analyses, design and Implementation. https://www.imf.org/en/Publications/WP/Issues/2022/08/11/Debt-for-Climate-Swaps-Analysis-Design-and-Implementation-522184

[6] Jubilee et coll, (2021). Debt and the climate crisis: à perfect storm. https://jubileedebt.org.uk/wp-content/uploads/2021/09/Debt-and-the-Climate-Crisis-a-Perfect-Storm.pdf

[7] Ibid Juilee et coll. 2021.

[8] Dempsey. J et coll. (2022). Biodiversity targets will not be met without debt and tax justice. Nature Ecology & Evolution. Vol 6, pp 237-239 https://jubileedebt.org.uk/wp-content/uploads/2021/09/Debt-and-the-Climate-Crisis-a-Perfect-Storm.pdf

[9] Debt Justice et coll. (2022). Why climate justice must include debt justice. https://debtjustice.org.uk/wp-content/uploads/2022/10/Debt-and-the-Climate-Crisis-Briefing-October-2022-UPDATED.pdf

[10] Elena Saludas. M, Delobel. R, (2022), Trois questions à Maria-Elena Saludas sur la crise économique en Argentine. https://www.cadtm.org/Trois-questions-a-Maria-Elena-Saludas-sur-la-crise-economique-en-Argentine  

[11] A noter que, comme le précise Éric Toussaint, « ce que les États-Unis réalisent à l’égard des pays les plus industrialisés détruits par la guerre via le Plan Marshall a été accordé dans l’après Seconde Guerre mondiale d’une manière similaire à l’égard de quelques PED alliés des États-Unis, occupant une place stratégique sur les pourtours de l’Union soviétique et de la Chine. » Notamment la Corée du Sud et Taiwan. Voir https://www.cadtm.org/L-Accord-de-Londres-du-27-fevrier-1953-sur-l-annulation-de-la-dette-allemande

[12] A titre de comparaison, la « Grande famine irlandaise », que tout le monde connait, fit un million de morts.

[13] Davis. M, (2023). Ce qui fait mourir de faim. Le Monde diplomatique, Manière de voire (187), pp 6-10.

[14] Sibaja. F, (2022). Detrás del canje de deuda por acción climática. FARN, p.19 https://farn.org.ar/wp-content/uploads/2022/09/DOC_DEUDA_FINAL-1.pdf

[15] Ibid Sibaja 2022

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