Nous sommes rentrés en saison des pluies. De violents orages me réveillent la nuit. Le vent souffle à découvrir les toitures. L’eau tambourine si fort qu’on croirait qu’elle va traverser les tuiles. J’ai calfeutré l’interstice entre le bas de ma porte de chambre et le carrelage de peur que crapauds et serpents ne viennent se réfugier dans mon antre. « Quand le ciel bas et lourd pèse comme un couvercle »…
Déjà trois jours sans eau. Même plus au robinet dans la cour. Trois jours sans eau : un jerrican de 20 litres par jour, quatre jerricans… demain, je m’assoie et je pleure.
20 litres d’eau par jour dans des jerricans en plastique, stockés dans la salle de bain, mais qui commencent à puer parce qu’ils ont trainé.
Ça veut dire… utiliser le moins d’eau possible pour faire la vaisselle et accepter que cette eau ait une odeur de marais. Ça veut dire aussi que j’ai eu la mauvaise idée, juste avant la coupure, de manger des sardines. Vraiment mauvaise idée ! Ça veut dire que j’ai attendu que l’eau revienne, encore une mauvaise idée !
Ça veut dire utiliser l’eau de rinçage de la vaisselle pour faire tremper quatre petites culottes. Quatre, hein ! À cinq je gaspille trop d’eau pour rincer. Mettre un peu d’eau de Cologne, ça sent moins mauvais.
Si j’ai réussi à sauver assez d’eau, peut-être que ce soir je pourrai me laver la tête. Sinon, je serai condamnée à garder ma chevelure grasse et qui pendouille sur le front. J'ai de la chance, je porte une coupe courte ! À la fin, toute l’eau partira dans les vécés.
C’est aussi ça, la vie en Afrique dans les conditions des autochtones. Malgré tout, je suis vernie, j’ai une chambre d’officier. Parce que ceux qui n’ont pas de chambre d’officier partagent des toilettes à la turque… et trois jours sans eau…