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Billet de blog 6 février 2012

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LE GRAND DOSSIER DE L'ULTRALIBERALISME, VI, Le Royaume-Uni : Tony Blair, première partie

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 Le tournant néo-libéral : L'Après Thatcher De John Major à David Cameron
Anthony Blair (1997-2007)

INTRODUCTION


Les architectes du Nouveau Travaillisme (New Labour), dont Tony Blair, nous dit-on*, inscrivent partiellement leur réflexion dans la lignée des thèses communautaristes de Amitai Etzioni ou du communisme chrétien de John Macmurray. Tony Blair ne déclarait-il pas en 1996 : " Je crois à une plus grande égalité, si le prochain gouvernement travailliste ne parvient pas à élever le niveau de vie des plus pauvres à la fin de son mandat alors il aura échoué ". Par ailleurs, l'article IV des statuts du parti travailliste affirme que le parti est un parti socialiste. Si vous n'avez pas compris que Tony Blair était réellement de gauche avec ça, alors enfonçons le clou : Le même article IV, dont Blair opère la refonte très vite après son élection, déclare que la répartition des richesses doit se faire “entre les mains du plus grand nombre et non entre les mains de quelques-uns”. Ce faisant, un parti moderne ne pouvait conserver les archaïsmes d'origine (1918), et efface du credo “l’appropriation collective des moyens de production”. Il y a des limites, tout de même ! Doutez-vous encore du socialisme de Tony Blair ?

En tout cas, le respecté Cercle Frédéric Bastiat, d'obédience libérale, s'il vous plaît, a une conviction a ce sujet : "Tony Blair est-il socialiste ? Non, il ne l’a jamais été. Il ne croit pas à la propriété publique ni à l’action collective. Il s’oppose à tous les principaux objectifs des syndicats. Il a combattu les valeurs de base et les intérêts de tous les groupes de tradition socialiste. Il soutiendra l’économie de marché et le libre-échange. Il étendra le rôle du secteur privé et encouragera les entreprises à saisir toutes les occasions pour faire mieux que le secteur public" extrait de : http://bastiat.net/fr/cercle/rencontres/1999-2.html Le député travailliste Roy Hattersley fait en substance, et amèrement, le même constat en déclarant : "Lorsque j'ai adhéré au parti travailliste, c'était une croisade. Aujourd'hui, c'est une opportunité commerciale." Et que dire de tous ces membres éminents de l'oligarchie qui figurent dans le gouvernement Blair, sinon le constat, une nouvelle fois, que les gouvernements de nos pseudo-démocraties sont remplis de gens qui défendent les intérêts des plus riches. Au premier rang desquels on trouve Gordon Brown (Chancelier de l’échiquier), bien sûr, qui est" un des maîtres d’oeuvre de la politique de Blair et son garant auprès… des grandes entreprises et du monde de la finance !" selon Philippe Auclair, mais aussi "Lord Sainsbury, l’un des plus riches capitalistes britanniques grâce à sa chaîne de magasins ; lord Simon, secrétaire d'Etat au commerce, ex-manager de British Petroleum ; M. Martin Taylor, dirigeant de la Barclays Bank, chargé de la réforme de la sécurité sociale ; M. Peter Davis, dirigeant du groupe d’assurances Prudential, chargé du groupe de réforme sur l’Etat du bien-être "


extraits de : http://www.recherches-internationales.fr/RI76/RI76-NL-Philippe-Auclair.pdf Le Monde Diplomatique, décembre 1998.


L'historien anglais Eric Hobsbawm, dans son entretien en 2006 au Journal Le Monde (Entretiens à vif de Frédéric Joignot) enfonce le clou : "Son goût marqué à fréquenter les riches et les hommes d’affaires a fini par lasser jusqu’aux conservateurs. L’homme, visiblement, se sent à l’aise avec les millionnaires ! Il suffit de voir qui défile à Downing Street, où l’ambiance est assez ploutocratique. Il va même passer ses vacances avec Berlusconi." Et les dernières révélations sur Tony Blair confirment totalement le propos de l'historien. Derrière la face visible du "Bureau de Tony Blair", se dressait une face financière cachée, la Windrush Ventures, une mystérieuse société qui a vu son chiffre d'affaires augmenter de 3,5 millions de livres entre 2010 et 2011, pour un total de 12 millions (14,5 millions d’euros) :

"Les bénéfices déclarés en 2011 ne seraient que de 1 million de livres. Ce qui a permis à Blair de payer seulement 315 000 livres d’impôts selon The Independent. La société a reçu l’année dernière un total de 9 837 000 livres pour « la rémunération des services de management ». Ces services du Bureau de Tony Blair (120 salariés) comportaient des conseils à Nursultan Nazarbayev, président de Kazakhstan ; à la famille royale du Koweït ; à des inves- tisseurs d’Abu Dhabi et à une société pétro- lière sud-coréenne. On a appris récemment que Blair avait écrit au colonel Kadhafi en 2008 pour lui demander son avis concernant des investissements utiles à réaliser en Afrique. Piste fermée depuis, malheureusement pour Blair. Au Proche-Orient, où Blair a la chance de représenter le Quartet dans le but de trouver un chemin à la paix, il a soutenu les sociétés Wataniya Mobile et British Gas dans leurs projets d’investissements. Coïncidence, ces deux sociétés sont des clientes importantes de JP Morgan, la banque américaine qui paie Blair 2 millions de livres par an pour ses judicieux conseils. Blair a dit qu’il n’était pas au courant. Mais ses comptes posent des problèmes à Richard Murphy, comptable de Tax Research UK, chargé d’examiner les finances des sociétés. Murphy trouve bizarre que la comptabilité révèle peu de détails et manque de transparence, situation qui « n’est pas dans l’esprit de la loi ». Évidemment, les affaires de Blair, consultant et conférencier prisé à l’étranger, marchent impeccablement, de quoi préparer une paisible retraite. Utilisant ces revenus, la famille Blair est maintenant propriétaire d’une dizaine de maisons dont la résidence principale à Londres (3,7 millions de livres) et une jolie demeure de campagne (5,7 millions)… Plus belle la vie en temps de récession !"


source : http://www.humanite.fr/monde/tony-blair%E2%80%89-voila-une-affaire-qui-marche-487439


Mais oubliez tout cela, puisqu'on vous l'affirme, Le Néo-travaillisme n'est ni de gauche, ni de droite, donc, puisque son projet est neuf. On l'appelera "La Troisième Voie", que Vaclav Havel, président de la république tchèque, appelait "la voie qui conduit au tiers monde". Une sorte de système hybride, dirons-nous, qui redonne de nouveau à l'état une place interventionniste, tout en martelant que ce n'est plus la vieille gauche dispendieuse, qui octroyait des "droits exempts de devoirs" (dutiless rights), mais une nouvelle qui passe un pacte avec le peuple, un contrat social sur la base du donnant-donnant. "Pas de droits sans responsabilités (No Rights without Responsibilities, Giddens, 1998:65)... Ceux qui profitent des biens sociaux devraient à la fois en faire un usage responsable et apporter quelque chose en retour à l’ensemble de la communauté sociale" (Giddens*, 2000:52).


* Anthony Giddens, sociologue et idéologue des Nouveaux Travaillistes.


L'Etat devra donc "se faire« investisseur social » (Social Investment State) (Giddens, 1998) en assurant l’égal accès de chacun à ces biens stratégiques (l’éducation, les qualifications, la santé, etc.) sur lesquels s’appuie le « capital humain ». Le Welfare State* allait, par conséquent, se reconfigurer autour d’une approche préventive le conduisant à intervenir en amont des problèmes et à sécuriser les trajectoires des individus (Gautié, 2003)." Le journaliste est Will Hutton et l’économiste John Kay affirment dans l'Observer d'octobre 1996 que l'idée principale des modernisateurs de l'économie britannique doit être "travailler c'est exister (To work is to be). Le travail est "la meilleure forme de Welfare" (Tony Blair, 1997 b), et la "meilleure route pour sortir de la pauvreté » (Department of Social Security, 1998:19).


* DIT-ON : Valérie AUDA-ANDRE, « La lutte contre la pauvreté et l’exclusion dans la Grande-Bretagne des années 80 et 90 : une exigence républicaine ? », http://erea.revues.org/345 * WELFARE STATE : L'État Providence (NDE) extrait de : http://www.caf.fr/web/WebCnaf.nsf/090ba6646193ccc8c125684f005898f3/c86d97430d4a1ed9c12578bc002cc21f/$FILE/ PSF104_1_Jerome_Tournadre.pdf
"La vision de l’économie et de la société portée par Tony Blair et par les «néo-travaillistes», notamment ses plus proches lieutenants Peter Mandelson, actuel Commissaire européen au commerce, et Jack Straw, Ministre des affaires étrangères de l’intervention en Irak après avoir été Ministre de l’intérieur chargé d’une politique répressive que ne désavouerait pas Nicolas Sarkozy, est pourtant d’un libéralisme prononcé, même si ce libéralisme est ponctuellement tempéré par des interventions publiques pragmatiques et plutôt efficaces. «Nous sommes maintenant tous des thatchériens», déclare fièrement Peter Mandelson. Ce n’est pas vrai dans tous les domaines, mais c’est parfaitement exact pour tout ce qui concerne la défense d’une mondialisation fondée sur la libéralisation totale des échanges et le démantèlement des protections nationales, l’appui constant à la directive Bolkestein et à l’AGCS* dans sa version états-unienne, l’obsession de la « flexibilité du travail » et la « réforme » de la protection sociale au sens du MEDEF. Sans parler de l’union sacrée avec Georges Bush, non seulement dans le domaine des interventions militaires impérialistes, mais aussi dans les institutions internationales de la mondialisation néo-libérale (OMC, FMI et Banque Mondiale) : alors qu’en France, à droite comme à gauche, on s’inquiétait de la nomination d’un ultraconservateur américain, Paul Wolfowitz, à la tête de la Banque Mondiale, Tony Blair se déclarait « très à l’aise » avec cette nomination."


* Accord général sur le commerce des services (NDE)


source : Le modèle social européen version Tony Blair, article de Jean Duverne septembre 2005 http://www.voxnr.com/cc/politique/EEkVAuFEZknqXnwqqQ.shtml

Dessin humoristique d'actualité, par Michaelski Elections présidentielles françaises, avec Ségolène Royal en miss France 2007 lorgnant vers le Blairisme source : http://www.e-mosaique.eu/indessin.htm

L'ACTION DU GOUVERNEMENT BLAIR, Introduction


En données macroéconomique, nous l'avons déjà vu avec Maggy, les politiques ultralibérales (ou néocapitalistes) britanniques semblent concocter des potions bienfaisantes pour l'économie. Celles de Tony Blair ont alléché (et continuent de le faire) hommes et femmes politiques français (voir dessin ci-dessus), des socialistes aux sarkozystes, citons les principales d'entre-elles : - Entre le premier trimestre 1997 et le premier trimestre 2007, le chômage a reculé de 7,3% à 5,5% (de 2 millions en 1997 à 1,4 million en 2005) - Le smic horaire, instauré en 1999, passe de 3,60 livres en 1998 à 4,85 livres en 2005. - La hausse des prix à la consommation s'établit en moyenne à 1,5 % par an pendant le mandat Blair, contre 4,1 % entre janvier 1989 et avril 1997. - La croissance du PIB (Produit Intérieur Brut), de 2,8 % en moyenne entre 1997 et 2007, contre 2,2 % au cours des vingt années précédentes. - Augmentation des dépenses publiques : 4,7% pour la santé (contre 3,11% pendant la période des Cconservateurs), 3,8% pour l'enseignement (contre 1,5%), 1,5% pour la sécurité sociale (contre 3,5%) et réduction du budget des armées de 0,6% (contre 0,2%).


Le chômage baisse, le salaire de base augmente, l'inflation est contenue : Un antilibéral s'arrête en général là pour se féliciter de la meilleure santé du pays. Est-ce à dire que les Britanniques avaient retrouvé en masse le chemin d'un emploi décent ? Est-ce à dire que la pauvreté avait diminué ? Que la richesse produite par l'ensemble du pays fut mieux redistribuée ? Certainement pas, nous allons le voir en détail.


L'EMPLOI


Dès 1998, le gouvernement Blair instaure des New Deals, sortes de programmes de retour à l'emploi. Ce sont en particulier des programmes d'incitation à l'emploi à destination - des jeunes (New Deal for Young People), Nouvelle Donne pour les jeunes, 18-24 ans) - des chômeurs de longue durée ( + 25 ans, + 50 ans) - des handicapés (New Deal for Disabled). - des parents isolés, New Deal for Lone Parents (NDfLP) créé en raison de la faible représentativité des familles monoparentales sur le marché du travail, et tout particulièrement les mères célibataires. Les contraintes sur les jeunes chômeurs sont multipliées : Pendant quatre mois, ceux-ci doivent se rendre à de multiples entretiens, à défaut desquels ils peuvent se voir supprimer tout ou partie de leurs allocations. Toutes les deux semaines - puis toutes les semaines au bout de trois mois d'inactivité - les demandeurs d'emploi font le point avec un conseiller. A la fin de cette période, plusieurs cas se présentent en cas d'échec : - Un emploi subventionné par l'Etat pendant six mois - Un emploi bénévole - Une formation d'un an - Une aide à la création d'entreprise Si le jeune ne rentre dans aucune case, il est radié des listes du chomâge, dont la durée et l'indemnisation passera en 1994 de 12 mois à 6 mois, pour : 360 € par mois et 280 € pour les moins de 25 ans, un niveau parmi les plus bas d'Europe. Par ailleurs, en 1999, est instauré un smic jeune (moins de 21 ans, pour 4,10 livres ou 6 euros). Au-delà de cet âge, ce smic horaire passe de 3,60 livres en 1998 à 4,85 livres en 2005, soit une hausse de 35 %. Cet ensemble de mesures, mais aussi un certain nombre d'autres dispositions que nous allons voir plus loin, vont faire des disparaître des millions de chômeurs des statistiques. Après obtention d'un travail stable et d'une rémunération décente ? Ni l'un ni l'autre pour de nombreux Brittaniques et l’indicateur de « travail décent » du Bureau International du Travail (BIT) le montre bien en classant la Grande-Bretagne dans les cancres au fond de la classe puisqu'elle occupe le 16ème rang. Huit millions de personnes travaillent à temps partiel et s'il y a un salaire horaire minimum, il n'y a pas un nombre d'heures minimum garanti de travail (par exemple, en 2003, 29 % des femmes travaillent à temps partiel (26 % des salariés au total), pour une durée moyenne de seize à trente heures par semaine). D'un côté des allocations chomâge misérables, de l'autre des petits boulots précaires. La flexibilité du travail, la dérèglementation chères à Maggy Thatcher permet toujours aux patrons de disposer d'une main d'oeuvre bon marché, jetable (licenciement* quasiment unilatéral, séparation d'avec les jeunes quand il faut les payer davantage à 22 ans, représentation syndicale généralement faible, etc cf plus haut). On parle alors souvent de Les bad jobs (mauvais emplois) ou encore de dead-end jobs (emplois sans perspective), qui se multiplient.


* LICENCIEMENT : Les contrats permanents ne sont pratiquement pas règlementés, hormis une procédure administrative de licenciement pour motif personnel, mise en place fin 2004.


En 2005, ces travailleurs pauvres (working poors) forment le gros des 17 % de pauvres, sans oublier les retraités dont 20% vivent au-dessous du seuil de pauvreté ou encore les 2,7 millions d’invalides du travail qui représentent 7,5 % de la population active et dont 750 000 déclarent vouloir travailler ! Ce sont en majorité des victimes de la désindustrialisation du pays (au Nord, surtout) qui s'est alors tourné massivement vers les services.

Il faut savoir aussi qu'en deçà d’un certain seuil de revenu (National Income Contribution : 82 livres hebdomadaires en 2005), ni les employeurs ni les salariés ne cotisent pour les droits d'admissibilité à la retraire. Ce qui signifie que ces travailleurs devraient épargner pour se payer une retraite, tandis que d'autres devraient le faire pour améliorer une retraite de base dérisoire. En 2003, le ministre de l’emploi et des retraites, Andrew Smith, estimait alors à près de 13 millions les travailleurs n’épargnant pas assez pour financer leur retraite. Comment pourraient-ils se payer une retraite complémentaire qui, selon Smith, toujours, représente 320 € d'économie par mois dès l’âge de 30 ans pour une retraite décente ? 

Au total, et selon un rapport publié en mars 2003, 13.000.000 de personnes, dont 4.000.000 d'enfants, vivent en dessous du seuil de pauvreté ! (source Libération du 05/12/2003)
" Rappelons tout d’abord sur quels objectifs et quels enchaînements supposés vertueux repose le credo libéral. Selon les économistes orthodoxes, il existe un taux de chômage dit structurel, au-delà duquel la politique macroéconomique (politique monétaire et politique budgétaire) peut être nocive parce que génératrice d’accélération de l’inflation [1], donc de déséquilibres futurs. La priorité doit dès lors être accordée aux « réformes structurelles », principalement à la flexibilisation du marché du travail, pour faire baisser ce taux de chômage structurel. L’un des objectifs est ainsi d’alimenter l’offre de travail la plus large possible (on retrouve ici l’obsession d’élévation des taux d’emploi), susceptible de se soumettre aux conditions d’emploi et de salaire fixées par le marché. L’atteinte d’un tel objectif repose sur la concurrence salariale que sont à même d’exercer les chômeurs (ré)intégrés au marché du travail. De cette flexibilité à la baisse des salaires est censée dépendre la baisse à court terme du chômage, et à plus long terme, la dynamique de l’emploi entretenue par un partage de la valeur ajoutée en faveur des profits...La loi d’airain est ainsi énoncée mais il se trouve qu’aucun des enchaînements supposés ne trouve de validation par le fonctionnement réel de l’économie et du marché du travail britannique. (...)

En fait, les bons résultats obtenus en matière de chômage ont largement résulté d’un phénomène de « rétrécissement du marché du travail ». Alors que la population en âge de travailler croît sur la dernière décennie, la population active britannique a quasi stagné, ce qui est sans équivalent en Europe. Pour les hommes, la baisse du chômage a été plus accentuée que la croissance de l’emploi, ce qui laisse supposer qu’une partie du chômage a été reportée sur l’inactivité. On assiste ainsi, phénomène particulièrement atypique, à une diminution significative du taux d’activité des hommes de 25-54 ans passant de 95% en 1990 à 91% en 2003. Alors que pour les femmes, l’accroissement de l’emploi s’est traduit sur la même période par un recul de plus faible ampleur du chômage, accompagné d’une légère croissance de leur participation à l’activité. Des études plus détaillées montrent qu’il existe, dans le cas des femmes britanniques, des flux continuels entre l’emploi et l’inactivité. C’est précisément la porosité des frontières entre emploi et inactivité qui expliquerait la faiblesse du taux de chômage féminin, toujours inférieur à celui des hommes dans ce pays. Tout se passerait comme si les femmes — compte tenu des conditions draconiennes d’inscription au chômage — se retiraient spontanément du marché du travail dans les moments où le chômage les menacent, pour y revenir aussitôt lorsqu’une opportunité d’emploi se présente, majoritairement sur des emplois à temps partiel. Près de 40% des chômeuses seraient ainsi soustraites des statistiques du chômage. La baisse du chômage des hommes s’expliquerait de son côté par un processus de déversement du chômage vers l’inactivité, non réversible pour une partie d’entre eux, notamment pour les non-qualifiés et les plus âgés. La traduction institutionnelle de ce phénomène réside dans l’ampleur du nombre de titulaires du régime d’invalidité (Incapacity Benefit) qui atteint 2,7 millions de personnes selon les sources officielles, un chiffre qui a progressé d’un million en dix ans. Leur nombre est désormais deux fois et demie plus élevé que celui des bénéficiaires de l’indemnisation chômage dont le régime a été rendu de plus en plus restrictif (32 réformes depuis 1979).

Ce glissement des chômeurs vers l’aide sociale engendre à son tour un renforcement des contrôles (tests médicaux au cours desquels les titulaires du régime ont à prouver leur inaptitude au travail). Le programme New Deal for disabled vise l’activation des dépenses d’invalidité par une remise au travail à travers des petits boulots dans le secteur marchand ou associatif, accompagnés dans le meilleur des cas d’une formation. Le récent dispositif Pathways to work impose une période de six mois d’entretiens centrés sur la recherche d’emploi avant de pouvoir vraiment accéder au régime d’invalidité. Les contrôles se traduisent bel et bien par des sanctions pouvant aller jusqu’à la suspension des allocations mais la réincorporation de ces personnes dans l’activité demeure 4,25 livres de 18 à 21 ans ; 3 livres pour les moins de 18 ans) constitue un rempart institutionnel important* (environ 1,5 million de travailleurs en ont bénéficié dont 70% de femmes), mais son impact se heurte à une limite importante : pour ces nombreuses titulaires d’emplois à temps partiel, souvent courts, il ne constitue pas une garantie de revenu pour vivre. Par ailleurs, les contournements du salaire minimum sont régulièrement dénoncés par les syndicats, et la presse en fait un écho assez large. Certains secteurs sont réputés pour bafouer la législation, notamment l’hôtellerie-restauration, le nettoyage ou le secteur textile (travail à domicile), où la syndicalisation est particulièrement faible et la négociation collective inexistante. Bien qu’en légère diminution, la pauvreté demeure un fléau national : un ménage sur cinq touche de moins de 60% du revenu disponible médian .


* Ce qui reste à démontrer, quand on sait que le coût de la vie est environ deux fois plus important qu'en France . Blair a, en particulier augmenté les taxes sur les services publics privatisés et a par voie de conséquence alourdi les factures de gaz, d' électricité, et d'eau de ses concitoyens. Pour cette raison, Gordon Brown, son chancelier, a été surnommé : Taxman (NDE). [1] Les économistes libéraux parlent aussi de Nairu (Non accelerating inflation rate of unemployment). [2] Depuis 1996, la jobseeker’s allowance est versée sans condition de ressources pendant six mois pour les chômeurs qui peuvent se prévaloir d’une durée de cotisation d’au moins un an sans interruption. Pour les autres (85% des cas), elle est versée sous conditions de ressources sous les mêmes conditions que l’assistance (Income support). Dans ce cas, la base de calcul de versement de la prestation tient compte du revenu du conjoint qui ne doit pas travailler plus de 24 heures par semaine et tient compte de la taille de la famille. Le montant de la jobseeker’s allowance s’élève à 56,2 livres sterling hebdomadaires (1 livre vaut environ 1,4 euro)."


source : Les trappes du modèle social britannique, par Florence LEFRESNE, économiste et chercheuse à l’Institut de recherches économiques et sociales (IRES - France). http://politique.eu.org/spip.php?article265

Jeu Pacman sur Gordon Brown, le Taxman source : http://www.taxmangordon.com/


"LES  INÉGALITÉS


"Nous l'avons évoqué pour les mandats précédents, le coefficient de Gini qui est un bon indicateur des inégalités continue d'être haut pendant la période de Tony Blair :

Que ce soit pour la pauvreté des enfants ou les inégalités de richesses, encore une fois, la Grande Bretagne reste dans le peloton de queue des pays développés. Les enfants pauvres sont autour de trois millions et demi (un enfant sur cinq) et le rapport des revenus des 10 % les plus riches à celui des 10 % les plus pauvres est de l’ordre de 14, quand il est de 5 à 6 dans les pays nordiques ou de 9 en France, mais... 16 aux États-Unis (rapport du PNUD (Programme des Nations Unies pour le Développement) pour 1999.

                                          2002
 1% de la population détient 23% de la richesse nationale
50% de la population ne possède que 6% des richesses.
                                            2007
                                
200% d'augmentation des sans logis, selon l'association humanitaire Shelter

Pendant ce temps, les profits des cent grandes sociétés de l'indice Financial Times Stock Exchange (FTSE 100) ont explosé : ils sont aujourd'hui sept fois supérieurs à ce qu'ils étaient en 2002.

     

      
   

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