Une épidémie de rougeole sévit en Suisse romande depuis quelques jours. L'école anthroposophique Rudolf Steiner, située dans les environs de Lausanne, est pointée du doigt : plus d'une soixantaine de personnes ont été placées en quarantaine et le médecin de l'établissement est accusé de ne pas avoir communiqué l'existence de cas dans les délais impartis par la loi. A Genève, une gamine vient de décéder de la maladie.
Frais papa d'un nourrisson, j'observe attentivement le déferlement médiatique autour de l'affaire. La presse romande semble plutôt emboîter le pas des consignes politiques en matière de santé publique. Les parents n'ayant pas vacciné leurs enfants sont un peu trop facilement stigmatisé. Pour bien comprendre les enjeux, il faut savoir que l'obligation de vaccination n'est pas inscrite dans une quelconque loi. Si la Suisse, comme de nombreux autres pays, s'est engagée auprès de l'OMS à participer à l'éradication de la rougeole d'ici à 2010 (c'est mal parti...), elle ne s'est pas donnée pour autant la possibilité de contraindre ses citoyens à vacciner leurs progénitures. La plupart des enfants, sur le conseil des pédiatres, sont assez rapidement vaccinés contre la rougeole, les oreillons, la rubéole et d'autres virus. Toutefois le pourcentage d'enfants vaccinés est l'un des plus bas d'Europe et l'option de la vaccination est présentée comme un choix effectués par les parents.
C'est précisément la responsabilité de ce choix qui fait problème à mes yeux de jeune parent. Sur quelle base suis-je compétent pour choisir de vacciner (ou non) mes enfants ... et contre quoi ? En fait, ce choix n'en est pas vraiment un : on attend des parents qu’ils agissent de manière rationnelle en décidant de vacciner leurs enfants. Mais cela ne fonctionne pas, car certains décident, pour différentes raisons, de ne pas procéder ainsi. Personnellement, ce qui me dépasse un peu, c'est l'ampleur des informations à réunir et à analyser avant de procéder à ce choix. En me renseignant auprès de connaissances, de médecins, de ma propre famille, en lisant des articles, en surfant sur le web, je trouve évidemment ... tout et n'importe quoi : Selon notre pédiatre, vacciner son gamin le plus tôt possible renforce ses capacités de résistance aux virus, mais d'après un homéopathe de ma connaissance, la vaccination a des conséquences sur les réactions des enfants à l'homéopathie et à certaines médecines naturelles. Dans le Temps du jeudi 12 février, on pouvait apprendre au détour d'un article que presque tous les vaccins délivrés en Suisse sont le fait de la même entreprise. Bref, choisir rationnellement ce qui nous paraît le plus adéquat pour notre nourrisson relève de la gageure. En résulte une sorte de vaccination à la carte au contours ma foi assez flous. Au vu du déferlement de rougeole, il serait malvenu de ne pas vacciner les bambins contre ce virus, mais que dire de l'hépatite b et de la varicelle. Pourquoi vacciner à tous prix des enfants contre des maladies sexuellement transmissibles ? Comment choisir ? Les parents sont au final forcés de faire leur supermarché parmi la grande quantité de vaccins proposés, d’en accepter certains et d’en refuser d’autres sur des motifs le plus souvent obscurs.
Et pourquoi choisir ? Le scandale me semble résider dans cette astreinte au choix. Nous sommes forcés d’effectuer un choix qui fera de nous des bons ou des mauvais parents selon l’ère du temps. En ce moment les parents décidant de ne pas vacciner leurs enfants sont sur la sellette. Comme le note l’édito de Thierry Meyer dans le 24h00 de ce vendredi 13 février 2009, Le libre choix des parents empiètent sur celui de leurs enfants. Le problème me semble en fait assez mal posé. On ne saurait reprocher à des personnes le fait de choisir de ne pas vacciner leur progéniture…puisque ce choix est rendu possible par le modèle politique de santé publique dans lequel nous nous inscrivons. Ce ne sont donc pas les comportements de certains parents qu’il faut stigmatiser mais plutôt l’absence d’une politique de santé publique claire en matière de vaccinations. La seule réponse « raisonnable » me semble pour l’instant venir du Conseiller d’Etat vaudois en charge de la santé publique, Pierre-Yves Maillard. Ce dernier préconise une intervention des pouvoirs publics qui prendraient la responsabilité de faire vacciner les enfants dès leur entrée en crèche ou à l’école publique.
Guillaume Henchoz