
L’annonce de sa présence avait suscité la polémique en Romandie. Pensez donc, l’UDC, parti suisse populiste provocateur et xénophobe mais néanmoins soucieux de son image, allait voir un de ses membres participer à une convention d’extrême droite en France. Pire, une convention organisée par le Bloc identitaire, un mouvement considéré comme « à droite de la droite dure » par Jean-Yves Camus, politologue français spécialisé dans l’étude des mouvements d’extrême droite (il a parlé récemment du Bloc identitaire, qui souhaite se former en parti politique, dans une interview à Sud Ouest.com). Interrogé à plusieurs reprises par les médias romands, Dominique Baettig, le membre de l’UDC en question, avait répondu qu’il se rendait à la réunion d’Orange « en son nom propre » et « par curiosité », et que tant que la limite de « l’incitation à la haine » ne serait pas franchie, il ne voyait pas où était le problème.
Et bien il faut croire que les limites ont été franchies, et que même pour un UDC confirmé, les débats d’Orange avaient des relents nauséabonds. Interrogé hier au téléphone par le Matin Dimanche (et plus précisément par la soussignée) durant la pause entre deux conférences de la Convention identitaire, le conseiller national jurassien a été catégorique : « Je m’en vais, je n’ai rien à faire ici ». Ah bon, pourquoi ? « Il y a trop d’aspects incontrôlés, de provocations. Ils sont parfois à la limite de l’exaltation. Ce n’est pas ma manière de faire de la politique. » Et Dominique Baettig de prendre l’exemple de l’immigration : « Ce n’est pas en disant « expulsons-les tous » et en faisant des immigrés des boucs émissaires qu’on résoudra le problème. »
Ceux qui connaissent l’UDC, ses moutons noirs et ses burqas menaçantes ricaneront certainement, avec raison. Un UDC qui tient un discours pareil, c’est un peu l’hôpital qui se moque de la charité. Un parti dont la section genevoise dénonçait « la racaille d’Annemasse » sur des affiches il y a moins d’une semaine et qui joue sur la peur des étrangers et des musulmans à longueur d’année est un peu mal placé pour s’offusquer des raccourcis pris par d’autres. Néanmoins, la décision de Dominique Baettig de quitter la convention amène quelques réflexions :
1) 1. Dominique Baettig n’a pas souhaité décrire précisément la nature des dérapages qui ont eu lieu à la convention identitaire d’Orange. Mais pour qu’un UDC s’indigne des discours trop radicaux sur l’immigration tenus par d’autres, il faut croire que les termes employés devaient être plus que gratinés, voire au-delà des limites de la loi.
2) 2. Alors que le FPÖ autrichien, la Lega italienne, et le Vlaams Belang belge se sont rendus à la convention, l’UDC n’était pas officiellement présente à Orange (Si Dominique Baettig était annoncé triomphalement par les organisateurs comme l’élu-suisse-qui-légitime-les-identitaires-par-sa-présence, il assure que cela s’est fait à son insu). L’absence du parti suisse ainsi que la réaction du conseiller national jurassien montre à quel point les politiques suisses, de gauche comme de droite, se méfient des foules exaltées et des mises en scène grandiloquentes. Un point qui distingue l’UDC de ses homologues européens, même si, dans le fond, le discours est le même.
3) 3. Si Dominique Baettig semble avoir eu une réaction des plus sincères en quittant Orange, l’UDC ne pouvait rêver meilleure publicité que ce départ en fanfare pour prendre ses distances avec l’extrémisme de droite. Mais ne soyons pas dupes, et réfléchissons : si Soli Pardo, président de l’UDC genevoise et auteur du slogan sur la « racaille » avait été à Orange à la place de Dominique Baettig, aurait-il été choqué au point de s’en aller ?
(Source photo : bannière du site du Bloc identaire, Dominique Baettig est au centre de l'illustration)
Camille Krafft