Roberto Saviano est l'invité d'honneur du 6ème congrès international du journalisme d'investigation qui a ouvert ses portes ce matin à Genève. Encadré par ses gardes du corps - assez facile à repérer dans cet aréopage de reporters fluets- le journaliste italien a ouvert les premières causeries qui se tiennent au Centre International de Conférence Genève (CICG) . Le ton est tout desuite donné : Saviano ne s'exprimera pas au pupitre prévu à cet effet.Trop exposé ? Le journaliste préférera rester assis pendant que lesgorilles situés dans les bords de l'estrade scrutent inlassablement lafoule.
Si l'Italie et la lutte contre les mafias constituent une grande partie de son allocution, Saviano prend le temps de décrire un peu son quotidien. Placé sous protection 24 heures sur 24 depuis que la Camorras'est juré de lui faire la peau, le journaliste a quand même décidé de rester en Italie. Où ? On n'en saura pas plus. La notoriété, les menaces de mort et l'important dispositif de sécurité autour de sa personne ont profondément modifié sa manière de travailler.
Auparavant, il pouvait mener ses investigations sur le terrain, mais ce dernier est devenu trop dangereux pour lui. « Cela me manque, affirme-t-il , j'ai dû me concentrer sur d'autres sources. Je travaille maintenant avec les cours de justice. Ces nouvelles sources compensent mon absence sur le terrain ». Le succès qu'il a rencontré lui a également profité dans certaines situations : Saviano constate qu'il lui est plus faciled'accéder à des documents importants du fait de sa notoriété. Lesactivités sociales lui restent toujours interdites pour des questionsde sécurité. Pour maintenir le contact avec ses proches et lesnombreuses personnes qui le soutiennent, Saviano utilise les réseauxsociaux. « Facebook a sauvé ma vie sociale » ironise-t-il. Cette notoriété, est « source de paradoxes permanents », confie-t-il aupublic. L'auteur, très inspiré par Truman Capote voulait décrire des faits réels mais qui se liraient « comme un roman ». Certains lui reprochent de tisser un récit de fiction sur la réalité qu'il décrit quand d'autres estiment qu'il prend des risques inconsidérés endécrivant le réel.
C'est ce que semblait lui reprocher le Premier Ministre italien. Selon Berlusconi, Saviano aurait fait trop de vague et aurait ainsi récolté ce qu'il avait semé.Le Cavaliere n'en est pas à une contradiction puisque le groupeMondadori qui a publié le reportage de Saviano appartient à sa famille.
Journaliste et écrivain italien Roberto Saviano a publié en 2007 une enquête importante portant sur la mafia napolitaine, la Camorra.Le reporter, dans la droite ligne du «narrative writing» avait brosséun portrait sans concession de cette organisation. Son récits'organisait autour de personnages occupant différents postes,différentes fonctions au sein de la Camorra. D'abord tiré à 5000exemplaires, le livre a trouvé son lectorat en dehors même de lafrontière italienne. Les ventes atteignent les 4 millions. Un film aégalement été réalisé à partir de son ouvrage.
Pour aller plus loin : Gomorra, dans l'empire de la Camorra, Gallimard, 2007
Guillaume Henchoz