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Carine Fouteau

Journaliste, présidente et directrice de la publication de Mediapart

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Billet de blog 16 janvier 2025

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Intelligence artificielle : Mediapart se dote d’une charte

Face aux développements apparemment illimités de l’IA, Mediapart a décidé de réfléchir à ses besoins et de cadrer ses usages, en toute transparence à l’égard de ses lecteurs.

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Mediapart se vit comme un journal au cœur de la mêlée, qui se doit de rendre des comptes à ses lecteurs et ses lectrices. Face au développement tentaculaire de l’intelligence artificielle générative, notre équipe a élaboré collectivement une charte d’utilisation que nous publions ce jeudi 16 janvier, à quelques jours de l’investiture de Donald Trump à la Maison-Blanche. Pour y accéder dans sa totalité, c’est ici.

Alors que les États-Unis, première puissance militaire et économique mondiale, vont être dirigés, pendant au moins quatre ans, par un pouvoir allié aux géants de la tech défendant une vision libertarienne et autoritaire, techno-solutionniste, masculiniste et climaticide, il nous est apparu plus urgent que jamais de réfléchir à nos usages en fonction de nos besoins et de fixer des cadres, lisibles par tous et toutes, en accord avec nos valeurs éditoriales. 

Illustration 1
© Photo Sébastien Calvet / Mediapart

Voici le préambule de notre charte :

Le développement de l’intelligence artificielle (IA), de l’automatisation des tâches à la génération de contenus, constitue, après l’apparition d’Internet et des réseaux sociaux, la troisième mutation technologique contemporaine à laquelle l’écosystème des médias fait face.

Journal d’information indépendant de tous les pouvoirs, Mediapart s’est lancé en 2008 dans le sillage de la révolution numérique. Exclusivement en ligne, il s’est construit sur les extraordinaires potentialités d’Internet en tissant avec ses lecteurs et ses lectrices un lien unique, fondé sur l’échange et le partage. Son pari – vivre du seul soutien de ses abonné·es en leur apportant une information exclusive de qualité – a réussi : sa capacité à placer les puissants face à leurs responsabilités et la pérennité de son modèle en font quotidiennement la démonstration.

Mais la promesse initiale d’Internet comme espace émancipateur d’accès entre égaux à la connaissance s’est fracassée sur la rapacité capitalistique des géants du secteur. L’élan démocratique a été rattrapé par l’avidité des intérêts privés. Accaparé par les Gafam, l’espace médiatique, par ailleurs en France sous la coupe de quelques milliardaires plus soucieux de leur influence que du bien commun, est en crise profonde : le droit de savoir est menacé par la propagation des mensonges et des « faits alternatifs », attaquant la frontière entre le vrai et le faux.

C’est dans ce contexte malsain que se déploie l’IA, à l’échelon mondial et à grande vitesse. Les mutations technologiques ne sont ni libératrices ni asservissantes en elles-mêmes. Elles peuvent aussi bien contribuer à la recherche de la vérité des faits que participer à diffuser la haine et la confusion. Les résultats produits par ces outils dépendent de la manière dont ils sont configurés et de leurs usages.

Mediapart en connaît les opportunités : renforcer les capacités d’enquête, optimiser les tâches à faible valeur ajoutée, faciliter la démultiplication des formats, renforcer l’accessibilité, répondre aux besoins des lecteurs et des lectrices.

Mais aussi les dangers : l’opacité et les biais de certains algorithmes (sexistes, raciaux, linguistiques, Nord/Sud, etc.) manipulés à leurs profits par les entreprises de la Silicon Valley, le manque d’exactitude et le risque de désinformation, le pillage des données (des internautes et des médias), les impacts sociaux, politiques et écologiques.

Face à ces enjeux, Mediapart s’en tient aux principes qui font sa force : l’impératif de transparence et la protection de l’indépendance, conditions sine qua non de la confiance des lecteurs et des lectrices. Nos contenus et nos données sont notre bien le plus précieux : nous nous engageons à en garder le contrôle.

Notre journal ne craint pas la rivalité de l’IA car notre équipe dispose d’un savoir-faire que les machines, aussi bien programmées soient-elles, n’acquerront jamais : la capacité à discerner le vrai du faux en vérifiant, recoupant et documentant les faits, à contextualiser et à révéler ce qui est caché, ignoré ou passé sous silence.

C’est pourquoi nous donnerons toujours la primauté à notre rédaction et à ce qui constitue l’éthique journalistique : proposer une information honnête dans le respect du contradictoire et de la protection absolue de nos sources.

Les modèles entraînés par les Gafam s’appuient sans discernement sur ce qui a été dit et écrit dans le passé ; Mediapart façonne avec professionnalisme le futur grâce à ses scoops, ses analyses et ses reportages.