Ça ne se passe pas à l'hôtel Sofitel de New York mais dans un «hôtel-résidence» Pierre & Vacances aux alentours de Cannes dans les Alpes-Maritimes. Des femmes de chambre, qu'habituellement personne ne remarque. Ni les clients, ni leurs employeurs, tant elles sont «discrètes». Invisibles plutôt. Femmes, noires, sans papiers, pas qualifiées, parlant mal le français, l'écrivant encore moins, elles cumulent les risques de discrimination dans une relation au travail.
Elles sont chargées du nettoyage du lieu, frottent, récurent, époussètent. Les chambres, les lits, les salles de bain, mais aussi la vaisselle.
Les contrats qui les lient au «directeur du site» sont à l'image du rapport de force avec lui. En leur totale défaveur. Conclus pour une semaine, renouvelés au gré des besoins «sans formalités ni prévenance», ils sont prévus pour les «extras», à savoir le «surcroît d'activité lié aux rénovations». Aucune protection n'est prévue, si ce n'est le tarif horaire brut de 9,90 euros, égal au Smic en vigueur, «y compris l'indemnité de congés payés», précise le contrat.
En situation irrégulière, ces huit femmes de nationalité capverdienne n'en sont pas moins des salariées. Et à ce titre bénéficient de droits. Soutenues par la CGT, elles sont en grève depuis mardi 17 mai pour réclamer non seulement leur régularisation mais aussi la requalification de leur contrat en CDI. «Elles sont employées comme des bonnes à tout faire depuis plusieurs années, elles enchaînent ces contrats hebdomadaires, alors qu'elles travaillent en permanence environ 35 heures par semaine», indique Raymond Chauveau, à l'origine de la mobilisation des travailleurs sans papiers engagée dans la région parisienne depuis 2008. Présent à leurs côtés, il souligne que «comme d'habitude, les responsables de la société essaient de nous faire croire qu'ils ne savaient pas que ces personnes étaient en situation irrégulière». «Là, comme elles parlent Portugais, ils nous disent qu'ils pensaient qu'elles étaient portugaises. C'est drôle comme sur la Côte d'Azur les Capverdiens deviennent portugais», ironise-t-il. «Nous leur avons apporté des photocopies de leur passeport, au cas où ils auraient encore des doutes», ajoute-t-il.
Chaque année, les cégétistes des environs essaient de mener des actions pendant le festival de Cannes pour attirer l'attention des médias, réunis pour le cinéma, sur la situation des sans-papiers. Cette fois-ci, c'est donc sur les hauteurs de la ville que cela se passe. Banderoles, revendications, discussions avec la direction... L'envers du décor passe au premier plan. L'hôtel, avec piscine à débordement, s'appelle Villa Francia. La France, laquelle?