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Billet de blog 16 décembre 2023

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Argentine : sévère attaque contre les libertés démocratiques

Les mesures de la première semaine de la présidence de Javier Milei annoncent la croisade libertaire pour l'instauration d'un nouvel ordre social. « La prison ou une balle » est l'idée maîtresse comme l'a exprimé le député José Luis Espert, pour imposer à l'Argentine un recul de plus de cent ans. Le protocole publié par Patricia Bullrich, ministre de la Sécurité, en précise la nature.

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Pour imposer son projet ultra liberal, Javier Milei a confié a sa ministre de Sécurité l’instauration d’un système répressif jamais vu. Anticipant la protestation sociale en préparation, l’ensemble de mesures vont à l’encontre de la Constitution argentine.

Voici la déclaration du CAJ (Comité d’action Juridique), membre de la FIDH (Fédération Internationale pour les droits humains).

Illustration 1
Patricia Bullrich/Javier Milei © Pagina12

FÉDÉRATION INTERNATIONALE POUR LES DROITS HUMAINS - FIDH - COMITÉ D'ACTION JURIDIQUE (CAJ)
COMMUNIQUÉ SUR LE PROTOCOLE BULLRICH

1.- Le protocole de Bullrich constitue une tentative de coup d'État, sous prétexte de la sécurité. Il accorde au pouvoir exécutif des pouvoirs qui sont propres et exclusifs au pouvoir judiciaire.

2 - Seul le pouvoir judiciaire peut ordonner l'intervention de la police, qu'elle soit fédérale ou provinciale.
Le pouvoir exécutif ne peut pas intervenir de son propre chef en matière de prétendue sécurité, sans un ordre judiciaire préalable.

3.- Dans le protocole, Bullrich décrète que l'Exécutif peut détenir des personnes, saisir des véhicules et imposer des amendes et des sanctions administratives sans droit à la défense. Elle fait ainsi peser une menace abstraite sur l'ensemble de la population, ce qui constitue en soi un délit.

4 -Le protocole instaure un espionnage interne, préalable, ultérieur et permanent des organisations syndicales, sociales et politiques, en s'arrogeant le pouvoir de les persécuter dans leur droit légitime de pétition et de revendication, que ce soit dans la rue ou à l'intérieur des entreprises ou à leurs portes. Ce droit est garanti non seulement par la Constitution, mais aussi par les décisions réitérées de la CIDH, qui sont contraignantes pour l'État argentin. La CIDH est un organe de contrôle de l'État argentin.

5.- Un autre élément illégal aberrant consiste à privatiser le coût de leur propre action policière, en voulant faire payer aux syndicats les frais de l’action policière qu'elle ordonne elle-même.

6- Le coup d'état est consommé dans tous les domaines de son action. La prétendue flagrance de l’article 194 du Code pénal n'est rien d'autre qu'une manœuvre de confusion.

Depuis l'arrêt Natera Gatti, la plus haute juridiction pénale de la Nation, la Chambre de Cassation, a établi qu'il n'y a pas d'infraction au Code pénal. La Chambre de Cassation a établi que le délit de l'article 194 n'existe pas lorsqu'une personne quitte et entrave la circulation, où qu'elle se trouve, parce qu'il s'agit de l'exercice légitime d'un droit.
Bullrich se rebelle contre la décision du pouvoir judiciaire, en prétendant appliquer le Code pénal. Elle le fait en toute connaissance de cause, car tout pénaliste connaît la jurisprudence en la matière, même ses conseillers anonymes.

7.- Le protocole viole les articles 14 et 28 de la Constitution Nationale, qui interdisent la réglementation des droits par le pouvoir exécutif. Seule une loi peut réglementer l'exercice d'un droit. Bullrich se rebelle ici ouvertement contre le pouvoir législatif, en prétendant se placer au-dessus de la loi.

8 - La tentative est d'agir devant le fait accompli, en prétendant une légalité inexistante.
En d'autres termes, elle agit pas seulement contre les droits humains en invoquant un prétendu "nouvel ordre", mais aussi contre la Constitution et la séparation des pouvoirs, en plaçant l'exécutif au-dessus de tout, comme l'a fait Videla.

9 - Un paragraphe encore plus alarmant est celui de l'article 10, qui vise à identifier, stigmatiser et criminaliser les personnes qui, lorsqu'elles manifestent pour leurs droits, participent à des manifestations avec leurs enfants. Il autorise l'identification des parents et des enfants et la persécution de ceux qui les ont emmenés avec eux, sous prétexte de "protéger leurs droits".

Le pouvoir exécutif s'arroge la fonction de dire aux parents ce qu'ils doivent faire : ne pas emmener les enfants où bon leur semble. Il s'agit d'une mesure sans précédent, dans les cent dernières années de l'histoire argentine.

Il s'agit d'une méthode dictatoriale inédite, jamais appliquée pendant les dictatures elles-mêmes. Aucun gouvernement ne peut empêcher la liberté de mouvement d'une famille. C'est ce que propose le protocole au nom de la "liberté". Une aberration contre les droits des enfants et des jeunes que les conventions internationales signées par l'Etat argentin considèrent comme illégales.

10 - Dans ce contexte d'atteinte aux libertés démocratiques, c'est le pouvoir judiciaire qui doit mettre fin à cette tentative de coup d'État, en déclarant l'ukase de Bullrich illégal et anticonstitutionnel.

11.- Les syndicats, les organisations sociales et les partis politiques régleront cette tentative fasciste dans la rue, où la "législation" du général Videla a été glorieusement défaite.
Horacio Gonzalez - Directeur / Juan Carlos Capurro - Président
(Traduction de l’espagnol par mes soins)

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