Vendredi 17 mai, un groupe de militaires à la retraite, membres de la « Promotion 1978 » de l’École ainsi que des sympathisants de la dictature sont entrés dans l'Espace Mémoire et Droits Humains de l'ex ESMA, pour célébrer la « Journée de la Marine ».
Cette commémoration comprenait une visite du Musée des Malouines, de la Maison de l'Identité et du Musée de la Mémoire de l'ESMA, où ils ont chanté "La marche de la Marine" et ont été photographiés à côté du Skyvan, l'avion utilisé pour les vols de la mort. Cet événement n'est pas un acte isolé, mais une manifestation supplémentaire du climat de revendication de la dictature promu par le gouvernement de Javier Milei et de sa vice-présidente, Victoria Villarruel.

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Les participants, dont certains en uniforme, n'ont pas caché leur nostalgie de l'époque où la répression et le terrorisme d'État étaient la norme. Ils ont posté sur les réseaux sociaux des images et des commentaires célébrant le retour dans un lieu qu'ils considèrent comme « récupéré » sous la nouvelle administration. "Dites-moi que c'est vrai... que nous l'avons récupéré", a posté l'un des participants, tandis qu'un autre qualifiait l'espace d'"usurpé", faisant clairement allusion à son utilisation actuelle comme lieu de mémoire.
Le Centre d'études légales et sociales (CELS) a été l'un des premiers à réagir, dénonçant l'inaction du ministère de la Défense, dirigé par Luis Petri. Selon le CELS, il existait une autorisation officielle permettant aux militaires à la retraite d'entrer dans l'enceinte, ce que les porte-parole de la Défense et du Secrétariat aux Droits humains ont démenti. Cependant, la présence de personnalités comme Cecilia Pando (militante pro dictature) et Aldo Rico (ancien militaire putschiste) lors de récentes visites, renforce la perception d'une permissivité inquiétante de la part des autorités.
Les réactions des organisations de défense des droits humains ont été immédiates. Selon le journal Página 12, Ana Soffiantini, une survivante de l'ESMA, a exprimé son indignation : « Nous nous sentons re-victimisés par ce groupe de personnes. C’est un lieu de mémoire où le Nunca más (plus jamais ça) s’exprime clairement. » La visite des militaires n'est pas seulement un affront personnel, mais aussi une attaque symbolique contre la lutte pour la mémoire et la justice. Le « Collectif de survivants du Centre de torture clandestine et d'Extermination de l'ESMA » dénonce dans un communiqué, auprès des organisations nationales et internationales, l'attitude provocatrice des anciens élèves de ce centre et la ferme condamnation des événements survenus vendredi dernier dans l'Espace Mémoire de l'Ex-ESMA.
L’intrusion a également suscité des critiques parmi des personnalités politiques et sociales. Horacio Pietragalla Corti, ancien secrétaire aux Droits humains, a diffusé l'une des vidéos de la visite, comparant "l'événement à un hypothétique raid néo-nazi sur Auschwitz". Victoria Monténégro, présidente de la Commission des Droits humains du Parlement de Buenos Aires, a qualifié cet acte de « répréhensible » et a critiqué l'inaction de Alberto Baños, l'actuel secrétaire aux Droits humains. Carlos Pisoni, de H.I.J.O.S Capital, a exigé des réponses des militaires sur le sort des disparus et des enfants enlevés pendant la dictature.

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Le 24 mars de cette année marquait les 20 ans de la récupération de l'ancienne Ecole de Mécanique de la Marine (ESMA) comme lieu de mémoire. Le 19 mai 2015, après des années de débats et de consensus, le Musée du Site Mémoire de l'ESMA a été inauguré dans l'ancien « Casino des officiers » (où seules 200 personnes ont survécu sur les cinq mille retenues en captivité ), avec une proposition muséographique permanente. Le Musée du site commémoratif de l'ESMA est un monument historique national, déclaré bien culturel du MERCOSUR et inscrit depuis 2023 au patrimoine mondial de l’humanité de l'UNESCO. En outre, le terrain de sport a joué un rôle fondamental dans le projet d’extermination de l’ESMA. C'était le lieu choisi par les tortionnaires pour brûler les corps de certaines personnes séquestrés. C'est pourquoi l'équipe d'anthropologie médico-légale travaille actuellement sur le site.
Haine, négationnisme et stigmatisation
Ce même jour du 17 mai a également été célébré la Journée internationale contre l’homophobie et toutes les formes de LGTB. Les manifestants.es ont concentré les mots d'ordres contre la lesbophobie en réclamant justice contre le brutal attentat du 5 mai. En effet, la nuit du 5 au 6 mai, quatre femmes ont été agressées parce qu'elles étaient lesbiennes dans un hôtel de Barracas, un quartier de la ville de Buenos Aires. Trois d'entre elles sont mortes des suites de leurs brûlures. L’auteur de l’acte criminel, un voisin, a été arrêté. Plus de 300 personnes ont manifesté à Madrid le 18 mai contre la politique de destruction de l'Etat, de haine et de cruauté de Javier Milei, invité à participer à la fête de Vox avec l'ensemble de "l'internationale d'extrême droite" avec la présence de Marine Le Pen. (voir note de Ludovic Lamant). Le même jour, des militantes de Femen ont accusé le président argentin de promouvoir la haine dans son pays et manifesté leur rejet de l'assassinat de trois femmes lesbiennes à Buenos Aires.

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Ce lesbocide et la provocation des nostalgiques de la dictature sont la conséquence du discours de haine et du négationnisme du gouvernement de Javier Milei qui, depuis son arrivée au pouvoir en décembre 2023, s’attaque directement aux principes de justice et de mémoire qui ont coûté beaucoup de vies et tant d’efforts.
La société argentine ne peut se permettre d’oublier son passé ni d’accepter que les défenseurs de la dictature, responsable d’assassinats et de 30 000 disparus, deviennent les nouveaux maîtres de l’Argentine.