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Billet de blog 25 février 2025

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Axel Kicillof, l’Astérix argentin

Alors que le président Javier Milei affronte une série de demandes de destitution suite à sa responsabilité dans la fraude internationale liée à la cryptomonnaie $Libra, le gouverneur de la province de Buenos Aires, Axel Kicillof lance son mouvement politique.

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Axel Kicillof ne résiste pas à un envahisseur étranger depuis une petite bourgade argentine. Il gouverne la province de Buenos Aires, la plus importante du pays et s’érige en tant que principal opposant du président Javier Milei en montrant sa capacité à contrer l’orientation destructive du gouvernement d’extrême droite. Élu gouverneur par deux fois consécutives depuis 2019, l’ancien ministre de l’économie de Cristina Kirchner, jouit de la meilleure image parmi les candidats possibles à la présidence de l’Argentine en 2027.

Illustration 1
Axel Kicillof © Tiempo Argentino

Très convoitée, la province de Buenos Aires compte 17,6 millions d’habitants sur une population totale de 45,5 millions. C’est la principale circonscription électorale du pays avec 37 % d’électeurs, en apportant le plus de députés (70 des 254 sièges). Buenos Aires est aussi la province qui contribue le plus au PIB du pays, avec 37,3 % du total.

Un bilan éloquent 1

Lors d'une conférence de presse, Carlos Bianco, le ministre du Gouvernement de Buenos Aires a brossé un tableau de la réalité argentine de 2024 : explosion de la pauvreté au niveau national (+11%), de l'indigence (+6%) et de l'inégalité produite par la politique de Milei. Dans ce contexte, le ministre a également fait référence à la dette de 7,8 milliards de pesos (7,1 M€) que le gouvernement national doit à la province de Buenos Aires et a souligné que, bien que l'administration de Javier Milei ait paralysé les travaux publics dans la province de Buenos Aires, plusieurs d'entre eux ont été réactivés : actuellement, le gouvernement provincial a plus de 1200 travaux en cours, et en 2024, il a lancé un total de 73 appels d'offres de travaux publics pour plus de 300 milliards de pesos (272 M€). « Ces travaux concernent les infrastructures et les services publics, l'urbanisation des quartiers populaires, les écoles, le logement et la justice », a déclaré M. Bianco.

D’autre part il faut signaler que la Province est obligée de compenser ce que le gouvernement national a abandonné, comme par exemple les 38 travaux dans les universités nationales que le gouvernement provincial s'est engagé à financer à hauteur de plus de 26 milliards de pesos (23,6 M€), dans le cadre d'une stratégie visant à garantir l'accès à une éducation de qualité pour tous les habitants de Buenos Aires.

Fin décembre 2024, le gouvernement de Kicillof a annoncé que les soins aux étrangers continueront à être gratuits dans les hôpitaux de Buenos Aires. Cette information a été confirmée par le ministre de la santé, Nicolás Kreplak, qui s'est distancié des modifications annoncées par l'exécutif dans le régime d'immigration. « Il faut savoir que les soins prodigués aux non-résidents ont un impact minime sur le système de santé. Dans la Province de Buenos Aires, seulement 0,2 % des consultations et 0,8 % des hospitalisations correspondent à des étrangers ».

La province de Buenos Aires entame l'année 2025 dans une situation d'urgence économique. « Malgré notre volonté de négocier, il semble que le gouvernement national et l'opposition veuillent casser le budget de la province. Ils n'y parviendront pas : nous avons un gouverneur responsable qui a ordonné à tous ses ministres de poursuivre nos programmes gouvernementaux et de faire en sorte que chaque peso qui entre dans les caisses de la province cette année soit utilisé pour des investissements dans les domaines de la santé, de l'éducation, de la production, du travail, de la sécurité et des travaux publics, ainsi que pour payer en temps et en heure les échéances de la dette et les salaires des travailleurs » conclu le ministre Carlos Bianco.

Là ou Milei détruit, Kicillof construit. Le combat est permanent et il met en évidence deux conceptions diamétralement opposées : le chaos destructeur libertarien contre l'indispensable rôle régulateur de l’État. La capacité de Kicillof de contrer systématiquement les attaques de Javier Milei, non seulement par des déclarations mais surtout par des actions concrètes que les « bonaerenses » mesurent dans leur vie quotidienne, le situe en effet en bonne position pour diriger l’opposition et passer de la résistance à l’offensive.

Kicillof lance son Mouvement Droit au Futur 2

Le 25 février, Axel Kicillof, a lancé son espace politique au sein du péronisme dans le but d'affronter les politiques du gouvernement national. Il s'agit du « Mouvement Droit au Futur », qui a été annoncé sur les réseaux sociaux où il a officialisé l'appel à construire une « force sociale et politique pour le développement et la justice sociale ». L'espace est soutenu par des députés nationaux et provinciaux, des syndicats et des organisations sociales.

Sous le titre « EMBRASSER LES GENS ET SUSCITER L'ESPOIR » l’appel du mouvement est très clair (extraits).

Illustration 2
Mouvement Droit au Futur © MDF

« Face à ce modèle de spéculation financière, de concentration des richesses et de soumission aux intérêts étrangers, l'Argentine a besoin de reconstruire une force sociale et politique qui défende et représente le travail, la production agricole et industrielle, les commerçants, les professionnels, les étudiants, les artistes, les scientifiques, les retraités : qui assure le développement économique dans la justice sociale. Dans ce contexte, le péronisme a l'obligation et le défi d'être le moteur de cette construction, en récupérant son essence de mouvement populaire, large, national et fédéral.
Il est temps d'écouter, de comprendre les raisons de notre défaite au niveau national, de récupérer le véritable objectif : défendre les droits de tous. Il est temps de commencer à réinventer notre projet historique, celui d'un peuple égalitaire, d'un peuple qui peut aspirer au bonheur. Il est temps d'actualiser nos idées dans une perspective d'avenir, sans craindre le débat interne.

Dans ce contexte, le gouvernement de la province de Buenos Aires, sous la direction d'Axel Kicillof, est devenu le bouclier et le réseau qui lutte pour protéger les droits des habitants de Buenos Aires face à un État déserteur. Alors que le gouvernement national abandonne ses responsabilités, la province cherche à atténuer les dommages sociaux causés par le pari sur le marché dérégulé comme seule réponse. C'est dans le gouvernement de la Province que l'on peut voir une alternative et que l'on peut faire naître un espoir concret et réel, qui démontre par les faits qu'il existe une autre façon de gouverner : avec engagement, avec transparence et avec des politiques publiques en faveur des citoyens.
Nous appelons à la construction d'une grande force sociale et politique pour le développement et la justice sociale, représentant les travailleurs, les secteurs productifs, la science, l'éducation et la culture. Cette force défend les intérêts nationaux, promeut le développement et est ouverte à la participation de tous. Ce n'est qu'avec un péronisme fort, large et uni, enraciné dans le peuple, que nous pourrons forger un pays plus juste, plus uni et offrant des opportunités à tous. »

Le MDF est soutenu par des noms importants de l'écosystème politique péroniste de la province. Il s'agit notamment des maires Julio Alak (La Plata), Jorge Ferraresi (Avellaneda), Mario Ishii (José C. Paz), Fernando Espinoza (La Matanza) et Mario Secco (Ensenada), entre autres. En outre, des dizaines de députés, dont Hugo Yaski, Daniel Gollán et Brenda Duarte, soutiennent le nouvel espace ainsi que divers mouvements populaires (Somos Barrios de Pie, La Patria es el Otro ou Los Irrompibles) et syndicaux (CGT et les deux CTA).

L’annonce du MDF à suscité quelques remous au sein du péronisme. Alors que certains y voient un acte de division, Carlos Bianco répond : « Le Mouvement Droit au Futur est là pour additionner et multiplier. L'objectif est d'ajouter une proposition supplémentaire au sein du péronisme ». « La relation avec Cristina Kirchner (ancienne présidente) ne change pas », a-t-il ajouté lors d'une interview avec El Destape Radio.

Mario Secco, maire d'Ensenada, l'un des signataires du texte initial du nouveau mouvement est allé un peu plus loin : « Beaucoup de gens s'enflamment et disent que le MDF divise le péronisme, ce qui est absurde. Dire que Kcillof ne peut pas avoir son propre espace est puéril » « C'est un mouvement contre Milei, pas contre les camarades », a-t-il ajouté lorsque radio FutuRock l'a consulté.
Dans sa double fonction de secrétaire général de la CTA (Centrale des Travailleurs d'Argentine ) et de député national, Hugo Yasky est également revenu plus en détail sur le sens du Mouvement : « Ce nouvel espace est une tentative de donner une continuité au péronisme, mais aussi d'incorporer la figure d'Axel Kicillof dans un rôle de premier plan. Il représente l'espoir », a déclaré le syndicaliste au journal Tiempo Argentino.

Élections législatives en 2025

Le 26 octobre 2025, la moitié de la Chambre des députés (127 sièges) et un tiers du Sénat (24 sièges) seront renouvelés. A la demande de Javier Milei, le Sénat ayant suspendu les PASO (élections primaires, ouvertes, simultanées et obligatoires) pour cette année, le bulletin de vote unique sera mis en œuvre, conformément au décret 1049/2024 de l’exécutif. Jusqu'à présent, 6 juridictions ont scindé leurs élections législatives locales : les provinces de Salta (4 mai), Jujuy (11 mai), Chaco (11 mai), San Luis (11 mai), Santa Fe (29 juin) et la ville autonome de Buenos Aires dirigée par Jorge Macri (18 mai). La plupart d'entre elles ont éliminé les primaires.

Dans une récente déclaration, le gouverneur Kicillof a expliqué : « Tout est en discussion et la vérité est qu'il est très embarrassant d'être à la fin du mois de février en train de discuter de la manière dont nous allons voter dans quelques mois. Mais ce n'est pas notre responsabilité, c'est la folie générée par Milei. Il garantit le chaos et cela risque de mal se passer »

A suivre...

1- Bilan 2024 complet PBA

2- Mouvement Droit au Futur 

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