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Billet de blog 25 juillet 2024

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Macron-Milei : la France n’oublie pas ?

Invité à l’inauguration des Jeux Olympiques à Paris, le président argentin, Javier Milei devait être reçu à l’Elysée par le président Macron vendredi 26 juillet. Une rencontre où les deux présidents seront obligés d’aborder au moins deux questions épineuses.

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Javier Milei-Emmanuel Macron © El Destape

Le scandale de l'affaire Enzo Fernández, le joueur de l'équipe nationale argentine qui a téléchargé une vidéo sur ses réseaux sociaux alors que ses coéquipiers chantaient une chanson raciste contre les Français au milieu des célébrations de la victoire dans la Copa América, sera certainement évoqué. L'affaire a pris une telle ampleur qu'elle fait désormais partie de la politique intérieure de l'Argentine. Karina Milei, la sœur du président et Secrétaire générale de la Présidence, s'est rendue en personne à l’ambassade de France à Buenos Aires pour s'excuser d'un post de la vice-présidente Victoria Villarruel qualifiant la France de « colonialiste » et d’« hypocrisie » en soutien du diffuseur de la vidéo raciste qui, lui, finalement s’était excusé. Julio Garro, un haut fonctionnaire du gouvernement a également été limogé pour avoir demandé à Lionel Messi de s'excuser pour les chants.

Le deuxième point conflictuel qui relève de droits humains concerne la visite de six députés de « LLA » (La libertad avanza), le parti de Milei, aux tortionnaires emprisonnées pour crimes contre l’humanité.

Le 11 juillet, une délégation de députés de LLA est arrivée à l'unité 31 de la prison d'Ezeiza. La délégation de visiteurs était composée de Beltrán Benedit, Lourdes Arrieta - la députée devenue célèbre lorsqu'elle est apparue avec un caneton sur la tête - Alida Ferreyra, Guillermo Montenegro, María Fernanda Araujo et Rocío Bonacci. De toute évidence, les législateurs s'étaient sentis encouragés lorsque Javier Milei et Victoria Villarruel avaient défilé à bord d'un char militaire le long de l'Avenida del Libertador, le jour de la fête nationale de l’indépendance du 9 juillet..

Selon les informations du journal « Página 12 », les députés auraient rencontré Alfredo Astiz et d'autres tortionnaires de l'ESMA (le plus grand centre d’extermination de la dictature) comme Antonio Pernías, Carlos Suárez Mason (fils) et Adolfo Donda. La version indique également la présence d'Honorio Carlos Martínez Ruiz -un des agents de la SIDE qui ont agi dans les Automotores Orletti-, de l'Uruguayen Manuel Cordero Piacentini -condamné pour le Plan Condor- et de Raúl Guglielminetti de l'ancien Bataillon 601

Illustration 2
Alfredo Astiz © Página 12

Les députés mileistes nient qu’ils s’agit des tortionnaires et les décrivent comme des « ex-combattants qui ont lutté contre la subversion marxiste ». Ils affirment que les procès sont une « farce » et menacent de dénoncer les juges qui les ont condamnés devant le Conseil de la magistrature. Le procureur du Trésor, Rodolfo Barra, plaide en faveur d'une grâce présidentielle.

Ni Milei ni le gouvernement n'ont condamné cette visite officielle ni les propos de six députés. Le président s'est contenté de dire « qu'il ne l'aurait pas fait » et son porte-parole, Manuel Adorni, a expliqué qu'il s'agissait d'une « affaire du Congrès ».

Face a cette grave situation, « l’Association des Français disparus en Argentine » a publié le 23 juillet un communiqué signé également par Maître Sophie Thonon-Wesfreid, avocate des familles de Français disparus au Chili et en Argentine sous le titre : « La France n’oublie pas » reproduit plus bas.

La « Assemblée de Citoyens Argentins en France » a lancé une campagne de signatures alertant sur la politique de destruction de l’Etat de Javier Milei en demandant au président Macron de se positionner par rapport a sa politique d’extrême droite lors d’une lettre ouverte publié dans le journal « L’Humanité » le 13 juin. Conjointement avec le « Colectivo Argentina en lucha » une affiche a été collé dans les rues et diffusée dans les réseaux sociaux car toutes les manifestations de rues sont interdites pendant les J.O.

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Milei persona non grata

Communiqué

LA FRANCE N’OUBLIE PAS !

Nous dénonçons l’intention de libérer Alfredo Astiz, responsable de la disparition des religieuses françaises durant la dictature argentine

Le 11 juillet dernier, cinq députés du parti présidentiel argentin, La Libertad Avanza, se sont rendus, à la prison d’Ezeiza, auprès de plusieurs condamnés pour les crimes contre l'humanité dont ils se sont rendus coupable durant la dictature civico-militaire (1976/1984) et ce, au prétexte d'inspecter les conditions carcérales des détenus.

Parmi ces derniers, figure Alfredo Astiz, officier de la Marine argentine, qui a joué un rôle majeur dans la disparition des deux religieuses françaises, Alice Domon et Léonie Duquet, en décembre de 1977. Capturées et torturées à l’École de Mécanique de l’Armée (ESMA), elles ont jeté vivantes, dans les eaux du Rio de La Plata, comme beaucoup des 30 000 disparus de la dictature.

Le vrai but de cette visite était, en fait, d'assurer les condamnés de ce que leurs condamnations seraient bientôt annulées et qu'ils seraient remis en liberté.

En effet, depuis l’arrivée au pouvoir, en décembre 2023, du président d’extrême droite, Javier Milei, lui-même, sa vice- présidente Victoria Villarruel ainsi que plusieurs ministres et députés de son parti, nourrissent l'intention de libérer les criminels condamnés.

Associations de Défense des droits de l'Homme, des Mères et Grand-mères de la Place de Mai, personnalités politiques s'élèvent contre une telle visite dans laquelle elles voient le premier pas vers la remise en liberté des criminels contre l'Humanité et la révision négationniste d'une des pages les plus sombres de l'histoire argentine.

En 2003, durant la présidence de Nestor Kirchner, les lois d’amnistie relatives aux crimes perpétrés par la dictature, ont été abrogées et c'est ainsi qu'Alfredo Astiz et d'autres responsables (par exemple, Alfredo Pernias) de la disparition d’Alice Domon et de Léonie Duquet, ont été condamnés pour crimes contre l’humanité perpétrés dans le cadre d’un génocide politique et les auteurs condamnés à la la réclusion criminelle à perpétuité.

Alors que Javier Milei s’envole vers la France, invité par le président Macron pour assister à la cérémonie d’ouverture des JO, il faut rappeler à ce dernier que le 16 mars 1990, la Cour d'Assises de Paris a condamné par contumace, à la réclusion criminelle à perpétuité, Alfredo Astiz pour la disparition des deux religieuses.

Il faut également rappeler au président de la république française qu'une instruction est actuellement en cours relativement à la disparition, durant la dictature, de 20 ressortissants français.

Il faut rappeler au même président français, la déclaration, en 1994, de l'ancien ministre des Affaires Etrangères, Alain Juppé, alors en visite à Buenos Aires, qui a déclaré face à l’absence, en cette époque d'impunité, de condamnation d'A. Astiz, en Argentine, que :"La France n'oublie pas".

Ni les fastes des J.O. ni les raisons politiques ou économiques ne doivent pas faire oublier l'exigence française de justice.

Paris le, 23 juillet 2024

Sophie THONON-WESFREID

Avocat des familles de Français disparus au Chili et en Argentine

0611876255

Jean-Pierre LHANDE

0660681945

Association des Français disparus en Argentine

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