
Après la Conférence sur le climat à Paris, les chefs d’Etats africains ont mis le cap sur l’Afrique du Sud, où se tient depuis le 4 décembre, à Johannesburg le 6e Forum sur la coopération sino-africaine. Mais contrairement aux années précédentes, où le boom des investissements chinois sur le continent africain faisait l’objet de commentaires dithyrambiques, le constat est aujourd’hui amer : les investissements de la Chine en Afrique ont plongé de plus de 40% au premier semestre de cette année. Tandis que les importations ont également sombré. En cause : le ralentissement de l’économie mondiale, et, partant, de l’économie de la Chine, devenue l’atelier du monde en l’espace de quelques décennies.
C’est dire si ce 6e Forum revêt de l’importance pour les pays africains, déjà à la peine avec la baisse du prix du pétrole et des matières premières, alors que leur endettement ne cesse de croître. L’aide financière chinoise porte d’ailleurs une part de responsabilité dans cette envolée de leur endettement. C’est là une des équations que les chefs de pays africains, qui ont pratiquement tous fait le voyage de Johannesburg, chercheront à résoudre avec le président Xi Jinping et la très importante délégation qui l’accompagne, composée aussi de chefs d’entreprises, de fonctionnaires, de ministres, et d’une nuée de banquiers.
Pendant ce temps à Paris, les négociations sur le climat se poursuivent dans un climat tendu et des négociateurs sous haute pression pour parvenir à finaliser un accord ce samedi 5 décembre, lequel sera ensuite soumis et débattu au niveau ministériel du 7 au 9 décembre. La France pèse de tout son poids pour parvenir à un accord contraignant, dont les termes continuent à susciter une levée de boucliers, notamment de la part des pays émergents.
A l’heure où chaque pays doit démontrer son engagement pour diminuer ses émissions de gaz à effet de serre, une forte pression s’exerce sur la Chine, montrée du doigt comme étant le premier pollueur mondial, et premier émetteur de CO2, ce qui n’est guère étonnant : le monde entier a délocalisé dans l’Empire du Milieu ses industries les plus polluantes ; les entreprises des pays dits industrialisés – désormais en voie de désindustrialisation avancée – ont d’ailleurs toujours bien apprécié d’y trouver non seulement une main d’œuvre bon marché, mais aussi des règles environnementales bien moins contraignantes que dans leur pays d’origine.
Résultat : aujourd’hui, la population chinoise n’arrive plus à respirer. On parle désormais en Chine « d’airpocalypse », tant la pollution a pris une tournure dramatique. Les particules fines, dites PM2,5, qui s’incrustent profondément dans les poumons, sont directement responsables du décès de centaines de milliers de Chinois. Un air extrêmement malsain, qui fait vivre un enfer à un nombre croissant de la population, victimes d’accidents vasculaires cérébraux, de cancers du poumon, d’infections des voies respiratoires comme jamais auparavant.
Ce tribut très lourd payé par la population chinoise pour la formidable croissance qu’a connu leur pays ne sera toutefois guère au centre des discussions entre chefs d’Etat africains et responsables chinois. On évoquera plutôt les voies et moyens pour redynamiser des échanges commerciaux que le premier ministre chinois Li Keqiang, verrait bien doubler d’ici à 2020. La volonté de la Chine de continuer à miser sur le continent africain pour assurer son approvisionnement en pétrole, en minerais, en bois, pour alimenter ses industries est intact. Tout comme celui d’offrir à ses entreprises des débouchés. Business as usual.
Avec en filigrane, cette question lancinante : la lutte contre le réchauffement climatique est-elle compatible avec des échanges commerciaux toujours plus denses et une croissance économique derrière laquelle chaque pays continue à courir ?