Un jeune Français au chômage qui part travailler en Angleterre est-il un réfugié économique, un expatrié ou un immigré.
Même question pour une architecte européenne qui tente sa chance sur le continent africain et s’y installe pour une longue durée. Ou pour une nounou équatorienne qui s’occupe d’enfants en bas âge à Paris.
Manifestement, il est plus chic de partir que d’arriver. Au départ, nous sommes tous des « immigrants », un mot qui conserve une dimension aventureuse, avec son parfum d’Ellis Island ou de contrées lointaines. Mais c’est à l’arrivée que les choses se compliquent. Les nouveaux arrivants ont désormais droit à toute une panoplie d’appellations, en fonction de leurs origines, leurs revenus, leur statut.
Des exemples ? On parle d’expatriés, d’immigrés, d’exilés, de frontaliers, de sans-papiers, de réfugiés politiques, économiques, fiscaux, de migrants, de résidents étrangers. Il est d’ailleurs piquant de constater à quel point chaque terme est connoté, positivement ou négativement.
Pourtant, le fil rouge est le même : des hommes et des femmes vivent et/ou travaillent dans un endroit qui n’est pas leur pays d’origine. Mondialisation oblige, c’est une tendance lourde. Dès lors, toutes ces distinctions sont-elles pertinentes ? De même que leur hiérarchisation ?
Au sommet de la hiérarchie précisément, le terme « expatrié » est de loin le plus chic. Partout dans le monde, il évoque ces communautés étrangères privilégiées, qui vivent en circuit fermé. En Suisse, lorsqu’on parle d’expatriés, on pense tout de suite à la communauté anglo-saxonne, très présente sur les bords du Lac Léman. Ses membres refusent toute intégration, zappent notre belle langue française et s’obstinent à ne parler qu’anglais ? Qu’à cela ne tienne : nous nous mettons en quatre pour leur être agréable en mettant médias et écoles anglophones à leur disposition.
Du côté des autres étrangers en revanche - immigrés, réfugiés et autres exilés qui n’ont semble-t-il, eux, pas droit à l’appellation d’expatriés - l’intégration, c’est obligatoire. Ils sont sommés de s’intégrer fissa, de tout connaître de nous, notre langue, nos institutions, les recettes de nos plats nationaux, le nom de nos fleuves et de nos montagnes. Sinon, nous sommes fâchés.
Paradoxe : dans notre vie quotidienne, c’est pourtant à l’autre extrémité de la hiérarchie que nous avons le plus souvent affaire, qualifiée du vilain nom de « sans-papiers ». Ce sont eux qui font notre ménage, gardent nos enfants, s’occupent de nos vieux parents, avec beaucoup d’humanité. Faites le test : demandez autour de vous qui a recours à leurs prestations. Vous serez étonnés du résultat.