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Billet de blog 21 décembre 2013

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Le Père Noël arrive à bord d'un porte-conteneurs

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Aujourd’hui, le Père Noël arrive non plus du pôle Nord, mais bel et bien de Chine, juché sur un de ces porte-conteneurs géants qui sillonnent les mers. 

Avec, à son bord, des milliers de « boîtes » remplies de tout ce qu’il nous faut pour passer des de douces fêtes de fin d’année : de papiers cadeaux, de jouets par milliers, de guirlandes de lumières, de boules multicolores, de sapins synthétiques, d’étoiles, de cotillons…

Depuis le mois d’août, ces bateaux ont ainsi transporté la quasi-totalité des jouets et des cadeaux sur lesquels nous nous ruons en ce mois de décembre. Les rotations entre la Chine et l’Europe ne sont jamais si intenses qu’en cette période de l’année où la consommation occidentale atteint des pics. Et dans les ports chinois, les plus vastes du monde, les porte-conteneurs sont pris dans des embouteillages monstres, prêts à charger la production d’usines qui tournent à plein régime.

C’est que pour éviter les invendus, les multinationales du jouet que sont Mattel, Lego, Walt Disney, Hasbro, passent commande à la dernière minute et imposent ainsi des rythmes de production démentiels. Pour satisfaire la demande de Noël, les usines chinoises de jouets font travailler leurs ouvrières à des cadences inhumaines, avec des points hebdomadaires à 72 heures. Et les pressions sur les prix sont telles, qu’elles neutralisent toute possibilité d’améliorer les salaires, les conditions de travail et de sécurité.

Régulièrement, des alertes concernant la toxicité des jouets made in China ou leurs conditions de fabrication défrayent la chronique. Les communicants des grandes marques jouent les étonnés, gesticulent, font du bruit ; mais rien ne change. De toute manière, avons-nous encore le choix, ou le pouvoir d'exiger quoi que ce soit ? Car si la Chine décidait de stopper ses exportations, les Européens – comme le reste du monde - se retrouveraient bien penauds devant des rayons de grands magasins vides, et des enfants en pleurs, privés de cadeaux de Noël.

Est-ce d’ailleurs bien raisonnable que la course mondiale au moindre coût nous ait fait fermer l’une après l’autre nos fabriques de jouets ? Et que nous soyons complétement dépendant d’usines se trouvant à des milliers de kilomètres de notre sapin de Noël – ainsi que des porte-conteneurs géants qui transportent des jouets par milliers ? Ces géants des mers ne repartent pas à vide. Mais comme nous ne produisons pratiquement plus rien, ceux-ci retournent s'approvisionner en Chine en embarquant les restes de nos agapes de fin d’année : des tonnes de papiers cadeaux, de matériel électronique périmé et de déchets plastiques qui seront recyclés dans l’Empire du Milieu.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.