C’est en août dernier que l’éditeur suisse Pierre-Marcel Favre apprit que la Côte d’Ivoire souhaitait lui rendre hommage et le décorer de l’Ordre du Commandeur de l’Ordre national.

Une distinction qui vise à le remercier pour tout ce qu’il a entrepris en faveur de l’édition et des auteurs africains, en créant entre autres, en 2004, le Salon africain du livre de Genève, depuis lors partie intégrante de ce même Salon international du livre, de la presse et de la culture, qu’il mit sur pied en 1987. Lorsqu’il prit connaissance de la volonté des autorités ivoiriennes de lui rendre hommage – après que la France l’ait fait à plusieurs reprises - la psychose Ebola battait déjà son plein. Fallait-il dès lors renoncer à se rendre sur place, même si aucun cas n’avait été déclaré en Côte d’Ivoire ? C’était mal connaître Pierre-Marcel Favre, qui, aussitôt, informe ses amis de l’honneur qui l’attend du côté d’Abidjan et les invite à être du voyage.
Nous fûmes finalement une vingtaine – amis, parents, journalistes, éditeurs - à l’accompagner dans cette belle aventure. Et le 10 octobre dernier, dans le quartier résidentiel de Cocody, Pierre-Marcel Favre recevait la plus haute distinction ivoirienne, remise par la Grande Chancelière Henriette Dagri Diabaté, personnalité politique de premier plan, proche du président Alassane Ouattara, au cours d’une cérémonie haute en couleurs. Dans le discours élogieux rendant hommage à l’éditeur lausannois, l’ex-ministre de la justice et de la culture s’est réjouie de le voir accompagné par une délégation d’une vingtaine de personnes, qui n’avaient pas craint, « par ce temps d’Ebola », de se rendre dans une Afrique de l’Ouest désormais mise à l’index, tous pays confondus.
C’est qu’en Côte d’Ivoire, comme dans le reste de l’Afrique de l’Ouest, l’épidémie est prise au sérieux, et la psychose gagne du terrain. Les comportements changent, les gens hésitent à se saluer en se donnant force accolade, on ne mange plus de viande de brousse, arrosée de bière Castel. De nombreuses conférences ou foires régionales et internationales ont été annulées. Le Sénégal, qui vient officiellement d’être sorti par l’OMS de la liste des pays touchés par l’épidémie, espère que les touristes vont revenir, après une baisse drastique des réservations ; et qu’aucun cas ne se déclarera avant le Sommet de la francophonie qui doit se tenir à Dakar fin novembre.
Les compétitions sportives ne sont pas épargnées. Au Burkina Faso par exemple, le Tour du Faso, grand rendez-vous du cyclisme sur le continent africain, qui devait avoir lieu du 23 octobre au 2 novembre, a été annulé, Ebola oblige, même si sur les huit pays engagés dans la compétition, aucun n’est touché par le virus. C’est dire si les enjeux économiques sont importants. Et si chaque pays déploie d’importants moyens pour éviter d’être touché par le fléau.
Dès la sortie de l’aéroport international Félix Houphouët-Boigny à Abidjan, nous avons senti pulser la lutte contre Ebola. Ce sont tout d’abord des agents de santé, qui ont accueilli les voyageurs dans ces combinaisons intégrales en plastique blanc, bien connues désormais, munis d’un pistolet laser pour mesurer la température. Puis de nombreux panneaux mettent un peu partout en garde contre l’épidémie. Dans tous les restaurants où nous avons fait halte, nous avons été priés de nous laver préventivement les mains, avec une lotion antiseptique.
De retour en Suisse, l’éditeur Pierre-Marcel Favre ne regrette pas un seul instant de s’être rendu en Côte d’Ivoire, malgré la psychose Ebola qui plombe l’Afrique de l’Ouest. Et pas non plus les personnes qui l’ont accompagné, même si l’une d’elle a été mise en quarantaine par sa propre famille, par précaution. Avec l’humour qui le caractérise, le fondateur du Salon du livre de Genève a envoyé à ses amis un dessin de presse, montrant les Américains paniqués par un ou deux cas d’Ebola identifiés sur leur territoire, alors qu’ils meurent par dizaines de milliers d’obésité, de malbouffe et d’alcoolisme.