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Billet de blog 31 octobre 2017

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Bon appétit ou bonne chance ?

La lecture des étiquettes sur les denrées alimentaires, les conditions de leur fabrication, qu'il s'agisse d'humains ou d'animaux, tournent au film "gore". Bon appétit ou bonne chance ? S'en remettre à sa bonne étoile est une option. Dire non à la nourriture industrielle qui tue à petit feu en est une autre.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Photo : Pub Haribo, capture d'écran par Reporterre

Pas un jour sans qu’un scandale alimentaire n’éclate et ne vienne jeter une lumière crue sur le contenu de notre assiette. La dernière histoire en date concerne les bonbons Haribo. Beaucoup d’enfants dans le monde -  et leurs parents – adorent les produits phares de cette multinationale de la confiserie, d’origine allemande, tels qu’Ours d’or, ces bonbons gélifiés et multicolores en forme d’ours, les Fraises Tagada ou encore les rouleaux de réglisse. Las ! Un documentaire de la télévision allemande ARD diffusé la semaine dernière révèle que les entreprises brésiliennes auprès desquelles Haribo s’approvisionne en cire de carnauba - qui donne aux bonbons leur aspect lisse et brillant - ou en gélatine de porc - qui leur donne une texture de gomme - traitent leurs employés comme des esclaves et que les animaux sont élevés dans des conditions épouvantables. Du coup, les slogans de la marque, tels que « Haribo, c’est beau la vie » ou « Haribo : plongez dans un univers joyeux et coloré » en prennent un sacré coup.

Il ne s’agit là que d’un ixième épisode d’une série « gore » sans fin - le « gore » étant un sous-genre du cinéma d'horreur, avec force scènes sanglantes inspirant terreur et dégoût. La nourriture produite industriellement semble être condamnée aux scandales. Ce qui n’est guère étonnant. On ne peut pas indéfiniment chercher à faire le maximum de profits, en payant la main-d’œuvre et les produits de base le moins cher possible, en traitant les employés du secteur comme des esclaves, et les animaux comme des usines à viande, à lait, à cuir, sans dérapages à la clé. Parmi les scandales alimentaires les plus retentissants de ces dernières années : la vache folle, l’épidémie de grippe aviaire, le lait maternel frelaté à la mélamine, la dioxine dans les aliments pour volaille, la viande de cheval vendue comme du bœuf  – mais aussi le concentré de tomate made in China, ou encore du kangourou et de la girafe dans des bâtonnets de viande séchée d’antilope en Afrique du Sud, des bas-morceaux de poulet congelés/décongelés, vendus sur les marchés ouest-africains, etc.

« On mange tellement de choses toxiques que ce n’est pas bon appétit que j’ai envie de dire aux gens qui se mettent à table, mais bonne chance », estime Pierre Rhabi, le chantre de l’agroécologie et d’une alimentation saine - une déclaration devenue virale sur les réseaux sociaux. Mais qu’avons-nous fait pour mériter cela ? C’est d’autant plus révoltant que dans le même temps, partout dans le monde, des paysans, des éleveurs, font tout leur possible pour produire une nourriture de qualité, dans des conditions extrêmement difficiles, livrés qu’ils sont à une dérégulation planétaire, où chacun est pénalisé par des denrées alimentaires venues du monde entier, produites dans des conditions de « concurrence déloyale ». Partout, les paysans sont les victimes de conditions cadres qui péjorent leurs conditions de vie, et face auxquelles ils tentent de résister avec les moyens qui sont les leurs : grève du lait, rétention de produit pour faire remonter les prix, destruction de récoltes, abandons des plantations… Mais le tribut à payer est lourd et douloureux – et sous tous les cieux, ceux qui tiennent le couteau par le manche ne lâchent rien, et refusent absolument de diminuer leurs marges au profit des producteurs, même s’il s’agit de quelques centimes d’euros.

Les petits producteurs sont-ils condamnés au profit de fermes d’élevages géantes, ou d’immenses plantations inondées de produits phytosanitaires toxiques pour l’homme et l’environnement ? La mobilisation actuelle au sein des pays de l’Union européenne pour faire interdire ou au contraire prolonger l’autorisation du glyphosate, cet herbicide très controversé de Monsanto, illustre que les temps sont peut-être en train de changer. Les gens ne sont peut-être plus prêts à ingurgiter des aliments dangereux, qui portent une part de responsabilité importante dans le boom de nombreuses maladies.

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